Des lourdeurs excessives seront un obstacle à l’obtention de meilleurs résultats
Author:
Aidspan
Article Type:Article Number: 7
Les OSC de Zambie adressent une plainte au Fonds mondial au sujet de l'approche de l'équipe pays dans le cadre des subventions
Les OSC de Zambie ont adressé une lettre officielle au Directeur exécutif du Fonds mondial pour protester contre l'approche de l'équipe pays du Fonds mondial dans le cadre des subventions. La lettre, rédigée en des termes très énergiques, exige une action spécifique de la part du Secrétariat et présente des arguments valables en faveur d'une revue du processus d'octroi des subventions. Il ne s'agit là que d'un exemple parmi tant d'autres, de pays qui protestent contre ce qu'ils perçoivent comme une ingérence de la part de forces extérieures.
Contexte
Récemment, un groupe d’organisations de la société civile (OSC) a préparé et signé collectivement une lettre de protestation concernant l’approche de l’équipe pays du Fonds mondial en matière d’octroi de subventions. Cette lettre a été soumise au Directeur exécutif du Fonds mondial.
La lettre adressée à Peter Sands, datée du 24 août, commence par reconnaître l’investissement du Fonds mondial dans la lutte contre le VIH/SIDA et la tuberculose au cours des 20 dernières années et les progrès significatifs réalisés pour l’atteinte des objectifs 95-95-95 de l’ONUSIDA à l’horizon 2030. Il indique ensuite que des efforts supplémentaires sont nécessaires, en direction des populations clés (PC) notamment, pour prévenir la transmission continue du VIH au sein des populations clés et vulnérables (“PCV”). Pour atteindre ces objectifs et accroître l’efficacité des interventions, il sera essentiel d’investir dans des modèles communautaires et des approches de prestation de services différenciées afin de combler les lacunes et d’obtenir des résultats sanitaires optimaux pour les personnes vivant avec le VIH.
Cette lettre fait suite aux discussions en cours avec l’équipe pays du Fonds mondial après l’approbation par le Comité technique d’examen des propositions ( CTEP) des demandes de financement de la Zambie au titre du cycle de subvention 7 (CS7), pour les années 2024-2026, dont le montant s’élève à 349 779 344 dollars. Un montant prioritaire au-dessus de l’allocation (PAAR) de 215 265 511 $ a été entièrement recommandé (72% du montant de l’allocation). L’allocation de la composante renforcement de la société civile (RSC) était de 5 457 757 $ (2 % du montant de l’allocation, sans les investissements spécifiques aux maladies et aux droits humains et genre (DHG)) et les fonds de contrepartie de 5,4 millions de dollars. Les OSC déclarent que cette lettre exprime leur protestation formelle contre l’approche du l’équipe pays du FM qui tente d’imposer ses décisions au détriment des processus de rédaction et des positions prises dans le cadre du CS7 dirigés par les pays.
Protestations des OSC
Les OSC se plaignent du fait que l’approche actuellement utilisée par l’équipe pays du FM minimise et néglige la contribution de la société civile à la lutte contre le VIH/SIDA et la tuberculose, ainsi que son rôle vital dans la mise en œuvre des activités planifiées. Elles affirment que l’équipe pays du FM ne tient pas compte des points de vue des partenaires nationaux de la Zambie, qui préconisent une solide riposte multisectorielle à la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme (VTP). Elles poursuivent en affirmant que (a) les soumissions du l’équipe pays du FM ont été caractérisées par un manque total de respect et de considération pour les contributions stratégiques multisectorielles et multipartenaires du pays à la demande du CS7, qui repose sur plus de 19 ans de mise en œuvre des subventions du Fonds mondial; (b) le ton autoritaire des discussions et des engagements ne correspond pas à l’esprit de partenariat du Fonds mondial; (c) l’équipe pays du FM ne cesse de créer des divisions et des désaccords entre le Gouvernement, la société civile et les autres partenaires de mise en œuvre; et (d) elles estiment que l’approche de l’équipe pays du FM n’est pas conforme aux principes fondateurs du Fonds mondial et à sa stratégie 2023-2028.
Les OSC fournissent six raisons de ce qu’elles jugent inapproprié dans l’approche de l’équipe pays et exigent des mesures correctives urgentes et opportunes pour chacune de ces raisons.
Tout d’abord, elles expliquent que l’équipe pays du FM introduit continuellement des paramètres qui n’ont jamais été évoqués par le CTEP et ouvre littéralement chaque module proposé au débat, bien que le CTEP ait déclaré que les modules de la proposition étaient techniquement solides, et qu’il n’y ait que quelques commentaires du CTEP à prendre en compte lors du processus d’octroi de la subvention. Les OSC demandent donc à l’équipe pays de s’en tenir aux questions soulevées par le CTEP et de cesser d’ouvrir le débat sur chaque module.
Deuxièmement, elles déclarent qu’il est inapproprié pour l’équipe pays du FM d’exiger que les lignes budgétaires soient scindées pour chaque intervention du CS7, alors que l’Instance de coordination nationale (ICN) a clairement proposé une répartition dirigée par le pays. Elles demandent par conséquent que l’équipe pays maintienne la répartition des lignes budgétaires recommandée par l’Instance de coordination nationale, décision qui s’appuie sur l’évaluation des principaux récipiendaires (PR) et sur les rapports du Bureau de l’Inspecteur général.
Troisièmement, elles considèrent que le financement à deux voies est menacé par une dévalorisation constante des ripostes multisectorielles nécessaires pour lutter contre le VTP. Les OSC affirment que l’équipe pays du FM semble vouloir restreindre le rôle des OSC dans la mise en œuvre des subventions, ce qui n’est étayé par aucune preuve objective. l’équipe pays aurait proposé des allocations budgétaires qui compromettent délibérément la contribution de la société civile aux objectifs des subventions du Fonds mondial, en ignorant les succès fondamentaux obtenus grâce à une riposte multisectorielle. Les OSC ont donc demandé à l’équipe pays de maintenir le rôle des OSC dans la mise en œuvre des subventions, tel que défini dans la DF approuvée par le CTEP (qui est restée inchangée).
Quatrièmement, les OSC signalent que l’équipe pays du FM a remis en question à maintes reprises les décisions de l’ICN concernant la répartition du budget, décisions qui avaient été soumises au Fonds mondial après avoir été soigneusement examinées par l’équipe technique désignée par l’ICN qui avait élaboré la DF. Par ailleurs, elles affirment que l’équipe pays semble vouloir rouvrir les discussions sur les interventions prioritaires des pays qui avaient été approuvées par le CTEP. En agissant de la sorte, l’équipe pays rend nul le mandat de l’ICN qui consiste à prendre des décisions au niveau du pays en ce qui concerne les priorités d’investissement, et ne prend pas en considération la position du CTEP dans l’examen des demandes pour en vérifier la solidité technique et les recommander pour le financement. Ces actions vont à l’encontre des mécanismes du Fonds mondial concernant l’établissement des priorités d’investissement des pays ainsi que des décisions du CTEP. Les OSC demandent par conséquent que l’équipe pays respecte les décisions relatives aux priorités d’investissement prises dans le cadre des processus consultatifs des pays et se concentre uniquement sur les questions soulevées par le CTEP au moment où le pays prépare les documents de mise en œuvre et les documents de subvention liés au décaissement.
Cinquièmement, les OSC considèrent que l’approche de l’équipe pays ne tient pas compte des performances passées qui sont à l’origine des progrès réalisés par le pays. La Zambie met en œuvre des subventions du Fonds mondial depuis plus de 19 ans, avec de nombreux succès et défis, lesquels témoignent tous du caractère mature du programme. Les succès obtenus par la Zambie sont le fruit d’une riposte multisectorielle dans laquelle tous les partenaires travaillent en harmonie sous la direction de l’ICN (experts techniques et représentants du ministère de la santé, d’autres ministères et agences du gouvernement, partenaires bilatéraux et multilatéraux, et OSC). Elles demandent que l’équipe pays du FM reconnaisse les performances passées du pays dont les succès sont essentiellement imputables à l’approche multisectorielle.
Sixièmement, les OSC affirment que l’équipe pays du FM est à l’origine de divisions entre le Gouvernement, la société civile et les responsables de mise en œuvre par le biais de déclarations infondées selon lesquelles la contribution de la société civile à la lutte est négligeable et ne mérite donc pas un financement accru. Cette approche, qui sape l’esprit de partenariat et équivaut à la politique du “diviser pour régner”, constitue une veritable déception pour la société civile zambienne. Les OSC demandent à l’équipe pays de cesser de créer des divisions entre les partenaires de mise en œuvre et les PR.
Les OSC concluent en demandant si les principes fondateurs du Fonds mondial ont changé et si les principes d’appropriation par les pays, de financement à deux voies et d’application des décisions des ICN ne sont plus valables. Elles demandent aux dirigeants du Fonds mondial d’intervenir pour veiller au maintien et à la consolidation des partenariats à long terme, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des pays, plutôt qu’à leur destruction par l’équipe pays. Elles affirment que leur circonscription est aliénée pour les raisons susmentionnées et qu’il est nécessaire de traiter cette question de toute urgence.
Ces faits sont liés aux efforts déployés par les OSC zambiennes au cours du processus d’élaboration de la demande de financement du CS7, dans lequel les OSC et les organisations dirigées par les PC ont demandé la mise en place d’un troisième PR spécifiquement consacré à la mise en œuvre des interventions des OSC/PCV en vue de maximiser leur contribution à la mise en œuvre des subventions du CS7, une position soutenue par certains partenaires clés (condition d’éligibilité 2 de l’ICN). Après des débats prolongés, l’ICN est parvenue à un consensus sur le choix d’un SR plus robuste pour les OSC/PCV dans le but d’améliorer la mise en œuvre des subventions.
Cette situation n’est pas nouvelle: des plaintes ont déjà été formulées sur l’appropriation par les pays dans le passé
Wow! Les OSC de Zambie sont manifestement mécontentes et ont formulé de sérieuses plaintes. Avant d’examiner ce qui va – ou devrait – se passer, il convient de souligner qu’il ne s’agit pas d’un problème nouveau, ni d’un problème limité à la Zambie.
Il y a dix ans, dans un article du GFO sur l’évolution de l’appropriation par les pays au sein du Fonds mondial, nous avions commencé en affirmant que l’appropriation par les pays était l’un des principes fondamentaux du Fonds mondial depuis sa création en 2002. Le document cadre du Fonds stipule que “le Fonds mondial fondera son travail sur des programmes qui reflètent l’appropriation nationale et respectent les processus de formulation et de mise en œuvre menés par les pays“. La brochure du Fonds mondial intitulée “Qui sommes-nous? déclare:
“Le modèle du Fonds mondial est une approche innovante, basée sur le principe de l’appropriation par les pays“. Notre article examine ensuite la signification de l'”appropriation par les pays” et cite la revue 2011 du Panel de haut niveau qui a déclaré que “le Panel a entendu le slogan de l'”appropriation par les pays” invoqué comme explication et justification de presque tous les aspects du modèle opérationnel du Fonds mondial et de toutes les décisions prises par l’institution. Pourtant, bien que l'”appropriation par les pays” soit un principe fondateur mis en exergue dans le document-cadre, ce terme ne semble pas faire l’objet d’une interprétation commune – à l’intérieur comme à l’extérieur du Fonds mondial – quant à sa signification dans la pratique”. Il semble qu’il n’existe toujours pas de compréhension commune.
Un an plus tard, dans un autre article du GFO sur l’appropriation par les pays, il a été souligné que “le décalage entre les hypothèses du principe d’appropriation par les pays et les réalités des espaces politiques dans de nombreux pays fortement touchés par les épidémies est à l’origine de nombreuses tensions qui peuvent compromettre le modèle du Fonds mondial et sérieusement perturber le processus de demandes et d’approbations de subventions. Il est nécessaire d’exposer les différences que ce décalage engendre”. Le moment est peut-être venu d’aplanir ces divergences.
L’importance de l’implication de la société civile dans la lutte contre le VIH/sida a été largement débattue lors de la 20ème conférence internationale sur le Sida et les infections sexuellement transmissibles en Afrique (ICASA) qui s’est tenue à Kigali, au Rwanda, en décembre 2019. Ce point a encore été mis en relief lors de la Journée mondiale de lutte contre le sida (1er décembre 2019), dont le thème était ‘les communautés font la différence ’. Cette année-là également, nous avons présenté le rôle des OSC bénéficiaires dans la sixième campagne de reconstitution des ressources.
La stratégie 2023-2028 du Fonds mondial place les communautés et les bénéficiaires au centre de la riposte, ce qui signifie qu’une participation accrue de la société civile et des communautés doit être encouragée en vue de renforcer les résultats et la viabilité des programmes. En outre, après le déclenchement des pandémies d’Ebola et de COVID-19, nous avons constaté dans de nombreux pays que les OSC ont joué un rôle essentiel dans les ripostes. Il est donc surprenant d’apprendre que l’équipe pays du FM en Zambie semble préférer une moindre implication des OSC.
Enfin, dans un article du GFO en 2020, nous avons souligné l’importance pour le Secrétariat du Fonds mondial d’aider à définir des orientations visant à garantir l’utilisation optimale des subventions par les pays, sans toutefois être trop normatif.
Perspectives
L’histoire a montré que l’implication des OSC est une nécessité absolue dans la lutte contre les trois maladies et d’autres pandémies. Cette implication est également conforme à l’objectif de la stratégie du Fonds mondial qui consiste à maximiser l’engagement et le leadership des communautés les plus touchées afin de ne laisser personne de côté. Il incombe donc au Secrétariat du Fonds mondial de veiller à ce que l’équipe pays maintienne un engagement et un partenariat de qualité avec les OSC. Pour atteindre l’objectif de la stratégie de ne laisser personne de côté, il peut être nécessaire de faire des concessions par rapport à certains principes fondamentaux du Fonds mondial (par exemple, l’optimisation des ressources). Dans le cas des OSC, il ne s’agit peut-être pas seulement d’atteindre les objectifs du cadre de performance de la demande de financement (ce qui peut être une préoccupation majeure de l’équipe pays du FM), mais plutôt de se concentrer initialement sur le renforcement des capacités des OSC en vue d’augmenter les chances d’assurer la viabilité à long terme des ripostes et la transition vers un soutien national plus important en faveur de la santé.
Compte tenu de la situation qui prévaut, le Secrétariat doit prendre deux mesures importantes.
La lettre de protestation indique clairement que les OSC de Zambie ont été lésées par l’équipe pays du FM. Ainsi, pour démontrer la réactivité du Fonds mondial et restaurer la confiance des OSC, la première étape doit consister à mener une action visant à améliorer la communication avec l’équipe pays.
La deuxième étape, qui devrait s’appliquer à tous les pays, consiste pour le Fonds mondial à réexaminer son processus d’octroi de subventions. Les OSC de Zambie ont soulevé un point pertinent: elles sont passées par un processus d’élaboration de la DF qui a impliqué une interaction avec l’équipe pays du FM et diverses revues ayant abouti à la soumission au CTEP. Si l’octroi d’une subvention doit tenir compte des points soulevés par le CTEP, il ne peut y avoir de raison valable de réexaminer chaque aspect de la demande de financement sans justification. En fait, aucun autre aspect ne devrait faire l’objet d’un débat plus approfondi à moins que: (a) l’équipe pays du FM n’ait déjà fait part de préoccupations spécifiques avant l’examen du CTEP et que ces préoccupations n’aient pas encore été prises en compte; et/ou (b) l’équipe pays du FM n’ait officiellement fait part au Secrétariat de questions qu’elle considère comme ayant été négligées par le CTEP.
Depuis la rédaction du présent article, il semble que l’équipe pays du FM a engagé des discussions avec la plateforme de la société civile zambienne au sujet des questions soulevées. Nous attendons avec intérêt le résultat de ces discussions.