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DÉBAT SUR LE TRANSFERT DE LA RESPONSABILITÉ DES ACHATS VERS LES PAYS BÉNÉFICIAIRES DU FONDS MONDIAL ET L’ACCÉLÉRATION DU FINANCEMENT NATIONAL
OFM Edition 83

DÉBAT SUR LE TRANSFERT DE LA RESPONSABILITÉ DES ACHATS VERS LES PAYS BÉNÉFICIAIRES DU FONDS MONDIAL ET L’ACCÉLÉRATION DU FINANCEMENT NATIONAL

Author:

Andrew Green

Article Type:
REPORTAGE

Article Number: 3

Malgré les sauvegardes, davantage de mesures doivent être prises pour garantir que les pays sont pleinement préparés à prendre en charge les achats, affirment les groupes de plaidoyer

RÉSUMÉ Le passage au cofinancement pour de nombreux pays mettant en œuvre des subventions du Fonds mondial inquiète les groupes de la société civile, qui craignent que tandis que les pays prennent en charge les achats de médicaments et autres produits de santé, le risque de ruptures de stock puisse augmenter ou qu’ils achètent des produits de faible qualité. S’ils reconnaissent la difficulté de la transition, les responsables du Fonds mondial réfutent cette position, arguant que des protections sont en place pour éviter que cela arrive.

Tandis que les pays passent des achats de médicaments et autres produits de santé financés par le Fonds mondial au financement national et au contrôle national des achats, les représentants de la société civile mettent en garde contre de possibles ruptures de stock et difficultés à acheter des produits de qualité. Les responsables du Fonds mondial reconnaissent qu’il existe de réels défis dans certains pays, et encouragent les partenaires à tout mettre en œuvre pour réduire ce risque.

Des organisations de la société civile ont expliqué à Aidspan que le passage au cofinancement a encouragé de nombreux pays à prendre en charge les achats, alors qu’ils n’ont pas nécessairement les mêmes pouvoir de négociation, engagement envers la qualité et capacités de prévision que les mécanismes internationaux existants en matière d’achats. Elles avertissent par ailleurs que le passage aux achats nationaux pourrait miner le marché des médicaments et autres produits et faire monter les prix.

Matthew Macgregor, chef de projet principal en matière de pérennité, transition et cofinancement au Fonds mondial, a indiqué à Aidspan que bien qu’il y ait des réels défis dans certains contextes, la plupart des passages aux achats nationaux se font de manière progressive et bénéficient d’un soutien du Fonds mondial, et font du reste l’objet d’un suivi afin d’éviter les risques de ruptures de stock et de garantir la qualité. Il a insisté sur le fait qu’une plus grande appropriation de cet aspect de la riposte nationale par les pays est nécessaire, car elle permet au Fonds mondial d’investir davantage de ressources dans d’autres interventions.

« Nous adoptons une démarche très volontariste à cet égard », a assuré M. Macgregor. Les équipes de pays « encouragent les pays à effectuer des achats de qualité, les encouragent à utiliser des plateformes internationales d’achats groupés, elles abordent les questions de quantification avec eux et réfléchissent aux risques conjointement avec les pays. »

L’essor du cofinancement

La croissance des mécanismes d’achats groupés au cours des dix dernières années, notamment le mécanisme d’achat groupé du Fonds mondial et le Service pharmaceutique mondial – axé sur les médicaments et produits contre la tuberculose – a rendu l’achat de produits de qualité plus facile et moins coûteux pour les pays. Les protocoles et avantages de ces mécanismes comprennent les suivants :

  • le groupement de commandes permet d’obtenir des rabais de volume et stimule la concurrence entre fabricants de médicaments, réduisant davantage les prix ;
  • les pays qui bénéficient du soutien du Fonds mondial doivent acheter des médicaments dont la qualité est assurée dans le cadre du programme de présélection de médicaments de l’OMS ou par une autorité de réglementation pharmaceutique rigoureuse. La manière la plus facile de le faire est souvent d’effectuer les achats au travers de ces mécanismes internationaux ;
  • dans les pays où les médicaments et produits de santé ne sont pas enregistrés, les fabricants bénéficient d’une exemption au titre de ces mécanismes ;
  • Ces mécanismes peuvent également comporter des fonctionnalités de prévision.

Les représentants de la société civile avertissent que certains pays risquent de perdre une partie de ces avantages à mesure qu’ils augmentent les achats nationaux.

Cette transition, affirment-ils, a été déclenchée par l’introduction de la politique en matière de pérennité, de transition et de cofinancement du Fonds mondial. Adoptée en 2016, cette politique promeut la planification de la pérennité. Tous les pays doivent à présent satisfaire à des exigences de cofinancement qui supposent notamment d’augmenter la proportion de financement national consacrée aux programmes clés soutenus par le Fonds mondial à chaque période d’allocation, entre autres en matière de ressources humaines, de médicaments et produits de santé essentiels et de programmes fondés sur les droits en faveur des populations clés et vulnérables.

Les responsables du Fonds mondial soutiennent que le cofinancement ne force pas les pays à passer immédiatement aux achats nationaux et qu’il existait déjà avant l’introduction de sa politique en matière de pérennité, de transition et de cofinancement. M. Macgregor a souligné que de nombreux pays étaient déjà responsables des achats d’un éventail de médicaments et autres produits et que dans d’autres cas, le Fonds mondial continuera d’apporter son soutien.

« La politique de cofinancement encourage les pays à prendre en charge les coûts des programmes et à augmenter les dépenses globales dans la santé », a-t-il indiqué. « Cela concerne notamment les produits de santé, mais également les programmes à destination des populations clés et vulnérables, et les ressources humaines. Nous voulons que les pays prennent ces dépenses en charge progressivement. »

Kerstin Åkerfeldt, conseillère en matière de politique sanitaire et de plaidoyer à Médecins sans frontières et agent de liaison du groupe d’assistance médicale auprès du Fonds mondial, s’inquiète néanmoins de ce que la politique en matière de pérennité, de transition et de cofinancement ne mette pas l’accent sur les bons problèmes. « Il semble qu’une très grande importance soit accordée aux aspects financiers, mais pas aux aspects programmatiques et de qualité du cofinancement par rapport aux coûts récurrents », estime-t-elle.

Difficultés liées aux achats nationaux

Parmi les problèmes programmatiques potentiels, les organisations non gouvernementales signalent les suivants :

  • Les réglementations nationales peuvent ne pas permettre l’accès aux mécanismes mondiaux d’achat groupé, ou les pouvoirs publics peuvent ne pas être à même de délivrer efficacement les exemptions pour les médicaments et produits qui n’ont pas été enregistrés au niveau national ;
  • Les réglementations nationales peuvent également obliger les pays à acheter les médicaments et produits aux plus bas prix ou à privilégier ceux qui sont fabriqués localement, qu’ils aient ou non été présélectionnés par l’OMS ou une autorité de réglementation pharmaceutique rigoureuse ;
  • À eux seuls, les pays n’ont pas nécessairement un marché de taille suffisante pour obtenir des rabais de volume, ce qui peut mener à des prix plus élevés ou à un manque d’intérêt des fabricants à se présenter aux appels d’offres.
  • Certains pays n’ont pas l’expertise nécessaire pour procéder efficacement aux appels d’offres et aux prévisions, ce qui pourrait entraîner des ruptures de stock de médicaments.

Le Comité technique d’examen des propositions a souligné plusieurs de ces préoccupations dans son rapport sur les investissements dans les systèmes résistants et pérennes pour la santé pour le cycle de financement 2017/2019. Malgré ces difficultés, les pays ont présenté des demandes de financement consacrant des fonds nationaux aux achats de médicaments de première intention, signale le rapport, « mais n’accordant pas suffisamment d’attention aux difficultés documentées [de gestion des achats et des stocks], notamment à la mise en place de mesures d’atténuation des risques ». Dans la suite du rapport, le Comité encourage « les candidats et le Secrétariat, durant l’élaboration des demandes de financement, à prêter attention aux systèmes de santé complémentaires nécessaires pour permettre une transition réussie des budgets de produits de santé vers le financement national ».

D’après le Secrétariat du Fonds mondial, on ne dispose que de preuves anecdotiques de problèmes rencontrés, notamment en Guinée, où MSF affirme que la transition vers le cofinancement a contribué à mettre en péril l’approvisionnement en médicaments contre le VIH. Avant que ne surviennent d’autres problèmes, MSF appelle à des efforts de préparation plus rigoureux et à un suivi plus complet des pays en cours de transition vers le cofinancement des médicaments et produits de santé.

Le Secrétariat soutient les pays en cours de transition afin qu’ils réalisent une évaluation robuste de leur état de préparation, a déclaré M. Macgregor, expliquant que le personnel du Fonds mondial « dresse un tableau complet de la situation en matière de produits de santé afin de recenser les problèmes rencontrés par les pays. Nous mettons en lumière les problèmes auxquels nous pensons qu’ils vont se heurter ».

Les représentants de la société civile s’inquiètent toutefois de ce qu’une telle rigueur ne soit pas respectée lorsque les pays commencent la procédure du cofinancement, qui peut avoir lieu bien avant la transition.

Angelica Perez, gestionnaire au sein de l’équipe de gestion des produits de santé, a indiqué que le personnel du Fonds mondial travaille en collaboration avec les pouvoirs publics des pays afin de s’attaquer à ces problèmes avant qu’ils se présentent. Il s’agit notamment d’encourager les pays à utiliser les crédits de subvention, le cas échéant, pour faire face aux difficultés recensées, comme le renforcement des systèmes d’information et des flux de données.

D’après elle, de robustes systèmes de suivi sont en outre en place pour faire face aux éventuels problèmes. Ceux-ci comprennent des rapports sur les progrès des pays au regard des cibles nationales présentés tous les six mois environ, mais également des contrôles ponctuels de la disponibilité des médicaments aux niveaux central et des établissements par les agents locaux du Fonds.

« La seule chose qui puisse arriver à court terme est qu’un engagement monétaire [national] n’arrive pas ou ne soit pas libéré à temps », a expliqué à Aidspan Martin Auton, responsable de l’approvisionnement mondial en produits pharmaceutiques au Fonds mondial. « On peut alors avoir affaire à une crise à court terme. »

Dans le même temps, l’élimination de certaines des difficultés, notamment une réglementation ou une législation nationale qui introduisent des restrictions en matière d’achats, ne dépend pas uniquement du Fonds mondial. Selon M. Macgregor, le Fonds ne peut que travailler avec les pays en vue d’améliorer leur contexte réglementaire.

Les organisations de la société civile ont suggéré dans des documents publics que le Fonds mondial prenne un certain nombre de mesures, parmi lesquelles des évaluations des risques et de l’état de préparation plus rigoureuses à mesure que les pays introduisent des stratégies de cofinancement, la mise au point et le renforcement des stratégies d’atténuation, la collaboration avec les pouvoirs publics en vue d’améliorer l’accès aux achats et une plus grande souplesse des accords de cofinancement.

Les organisations non gouvernementales ont également appelé à une plus grande collaboration entre toutes les parties prenantes participant aux activités d’achat et de suivi, notamment l’OMS et les représentants des pays. « La question relative aux problèmes qui surviennent et à la manière d’éviter un impact négatif peut uniquement trouver une réponse si les différents acteurs se mettent d’accord pour discuter des différents risques et mesures d’atténuation en place », estime Mme Åkerfeldt.

Elle souligne qu’il y a également un rôle à jouer pour les fabricants, qui peuvent rendre les prix plus transparents, ainsi que pour les donateurs, qui peuvent appuyer la capacité de surveillance des groupes de la société civile et, en particulier, pour les pouvoirs publics, qui peuvent prendre des mesures pour adapter leur propre contexte réglementaire afin de garantir l’accès continu à des médicaments et produits de santé abordables et de qualité garantie au niveau national.

Dilution des mécanismes d’achats mondiaux

Lucica Ditiu, directrice exécutive du Partenariat Halte à la tuberculose, a déclaré à Aidspan que les groupes de la société civile s’inquiètent en outre de ce que si les pays commencent à abandonner les mécanismes d’achats mondiaux comme le Service pharmaceutique mondial, ces mécanismes risquent de voir leur puissance diminuer, de même que leur capacité à acheter des médicaments de qualité à des prix abordables pour les pays qui veulent continuer à y participer.

« Si les grands pays arrêtent d’acheter [au travers des mécanismes mondiaux d’achats groupés] et achètent des médicaments produits localement, nous ne serons pas en mesure de maintenir des produits de qualité garantie à l’échelle mondiale », affirme-t-elle.

Les responsables du Fonds mondial ont indiqué que plusieurs tentatives ont déjà été menées face à ce problème, tout en reconnaissant que des solutions supplémentaires peuvent s’avérer nécessaires.

D’après M. Auton, des pays d’Amérique latine et des Caraïbes ont jusqu’ici regroupé 150 millions de dollars de leurs produits de santé financés par des ressources nationales dans des appels d’offres du Fonds mondial au travers du mécanisme d’achat groupé, ce qui a permis au Fonds d’utiliser ces volumes aux fins des négociations.

Le Fonds mondial a également lancé en 2016 Wambo, un outil d’achat en ligne (wambo.org) qui permet aux pays de placer des commandes aux conditions du Fonds mondial, mais en utilisant leurs propres fonds. Le Conseil d’administration du Fonds mondial a limité les pays à 10 transactions au moyen de fonds nationaux, bien qu’une décision visant à élargir l’accès soit en cours de discussion au Comité de la stratégie et devrait figurer à l’ordre du jour de la prochaine réunion du Conseil d’administration en mai 2019.

D’après les groupes de la société civile, wambo n’est cependant pas une solution globale, car la plateforme ne répond pas à des questions comme les problèmes réglementaires associés à l’affectation de ressources nationales aux achats de médicaments et produits de santé.

Toutes les parties s’accordent sur le fait qu’une plus grande responsabilité nationale, notamment en matière d’achats, est importante pour assurer la pérennité des ripostes, et sont prêtes à examiner ensemble les meilleures manières de concrétiser ce glissement, tout en continuant de garantir l’accès à des médicaments et produits de qualité à des prix abordables.

Autres ressources :

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