DE PLUS EN PLUS D’ORGANISMES DE SURVEILLANCE EN MAL DE FINANCEMENT DEVIENNENT RÉCIPIENDAIRES DU FONDS MONDIAL
Author:
Stéphanie Braquehais
Article Type:Article Number: 2
Comment gérer les conflits d’intérêt
RÉSUMÉ Lors de l’atelier consacré aux organismes de surveillance organisé par Aidspan à Nairobi auquel une cinquantaine de personnes ont participé, ces derniers ont exprimé leurs difficultés à trouver des financements. Alors qu’un certain nombre d’entre eux deviennent récipiendaires du Fonds mondial, il est nécessaire de formuler une stratégie pour gérer les conflits d’intérêt.
« Notre mission a toujours été de surveiller les activités du Fonds mondial, affirme Felix Mwanza de l’organisation TALC qui milite pour un meilleur accès aux soins pour les personnes atteintes de VIH en Zambie. C’est pourquoi je n’aurais jamais pensé que nous deviendrions un de ses récipiendaires. Mais, si vous avez faim et que quelqu’un vous tend une assiette de nourriture, qui êtes-vous pour ne pas en prendre une bouchée ? ».
Si l’analogie provocatrice de cet activiste chevronné provoque des rires dans l’assemblée, elle résume bien les préoccupations soulevées par de nombreux participants lors de l’atelier organisé par Aidspan début août à Nairobi au Kenya sur le rôle des organismes de surveillance dans la galaxie des programmes du Fonds mondial.
Un grand nombre de ces organisations ont exprimé leurs difficultés à trouver des financements. « Les bailleurs sont plus intéressés par les prestations de services que par la surveillance des activités, constate Mercy Bosha, de Citizens Health Watch basé au Zimbabwe. » Même son de cloche du côté du Cameroun. « Nous dépendons des appels à projet. Les financements sont souvent à court terme. Quand ils s’arrêtent, c’est toutes les activités qui s’arrêtent. Du coup, nous avons du mal à évaluer notre impact et à assurer une continuité », témoigne Sammey Jessie Fernanda, de l’organisation For Impact in Social Health.
La question des droits de l’homme est affichée comme une priorité pour beaucoup de donateurs. Dans ce sens, un participant estime que les organismes de surveillance devraient s’engouffrer dans la brèche pour obtenir des financements, la santé étant étroitement liée aux droits de l’homme. « Les donneurs ont une vision parfois trop restreinte des questions sanitaires et ne voient pas forcément le lien avec les droits de l’homme », déplore Mercy Bosha.
Ces difficultés poussent un certain nombre d’organismes à devenir récipiendaires du Fonds mondial, ce qui pose des questions sur la manière de gérer les conflits d’intérêt qui pourraient survenir.
« Nous n’allons pas nous arrêter d’aboyer. Nous n’allons pas oublier qui nous sommes. Mais nous allons devoir être très vigilants sur nos activités », reconnaît Felix Mwanza qui confie ne pas vouloir que « dix années de travail acharné partent en fumée ».
Au cours des débats, des recommandations ont ainsi été faites pour assurer la pérennité du travail de surveillance, en parrainant d’autres organisations et en apprenant à « passer le relai ». « Nous avons besoin d’une stratégie claire pour que les partie prenantes comprennent bien notre position », déclare Félix Mwanza.
Certains participants ont également noté que le fait de « passer de l’autre côté » n’est pas forcément négatif, puisque devenir récipiendaire est un moyen de comprendre de l’intérieur et de manière concrète les défis qui se posent au quotidien pour les partenaires de mise en œuvre des programmes du Fonds mondial.
Etienne Michaud, responsable principal de la stratégie et des politiques au Bureau de l’Inspecteur général du Fonds mondial, estime pour sa part que le Fonds mondial a tout intérêt à travailler de plus en plus avec des organismes « dont le mandat premier est la transparence », même s’il reconnaît que le Bureau perd ainsi des relais potentiels dans les pays pour l’alerter sur des irrégularités (lire notre interview dans le même numéro).