Changement climatique et santé mondiale : La nouvelle proposition d’investissement catalytique du Fonds mondial
Author:
Amida Kariburyo
Article Type:Article Number: 5
L'article traite d'une proposition du Fonds mondial visant à établir une nouvelle priorité d'investissement axée sur l'intersection du changement climatique et de la santé pour les subventions 2023-2025. Cette proposition vise à aider les pays à s'adapter aux effets du changement climatique sur la santé et à les atténuer, notamment en ce qui concerne le VIH, la tuberculose, le paludisme et les systèmes de santé en général. Si elle est approuvée, la proposition permettra au Fonds mondial de fournir des ressources ciblées pour les interventions sanitaires liées au climat dans les régions vulnérables, marquant ainsi un changement important dans les stratégies de financement de la santé mondiale et reconnaissant le lien entre le changement climatique et les résultats en matière de santé mondiale.
Introduction
Le Fonds mondial prend une mesure importante pour faire face à l’impact croissant du changement climatique sur la santé mondiale. Dans une proposition novatrice examinée par son Comité stratégique en juillet 2024, le Fonds mondial recommande l’établissement d’une nouvelle priorité d’investissement axée sur l’intersection du changement climatique et de la santé pour ses subventions 2023-2025. Cette évolution stratégique reconnaît le besoin urgent d’aider les pays à s’adapter aux effets du changement climatique sur la santé et à les atténuer, notamment en ce qui concerne le VIH, la tuberculose, le paludisme (Figure 1) et l’ensemble des systèmes de santé.
Figure 1
Il fait suite à la réunion d’octobre 2023 du Comité permanent, au cours de laquelle la question de l’urgence climatique lui a été présentée pour la première fois de son histoire. Pour en savoir plus, consultez l’article d’Aidspan ici. La proposition vise à répondre aux préoccupations concernant les défis liés au climat qui perturbent les initiatives de santé dans le monde entier. Si elle est approuvée, cette nouvelle priorité permettra au Fonds mondial de fournir des ressources ciblées pour des interventions sanitaires liées au climat dans les régions les plus vulnérables du monde. En intégrant les considérations climatiques dans sa mission principale, le Fonds mondial vise à renforcer la résilience des systèmes de santé et à protéger les progrès réalisés dans la lutte contre les maladies infectieuses. Cette initiative représente un changement important dans les stratégies de financement de la santé mondiale, car elle reconnaît le lien intrinsèque entre le changement climatique et les résultats en matière de santé publique. Elle souligne l’engagement du Fonds mondial à adopter des approches adaptatives et prospectives pour relever des défis mondiaux complexes et interconnectés.
Historique et contexte
Ces dernières années, les crises liées au climat se sont multipliées, mettant à l’épreuve les programmes de santé mondiale qui se remettent encore de la pandémie de COVID-19. Le Fonds mondial, qui alloue 71 % de ses ressources dans le cycle de subvention 7 (CS7) aux 50 pays les plus vulnérables au climat, est confronté à des défis importants pour maintenir les progrès réalisés dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Des événements climatiques extrêmes, tels que les inondations dévastatrices au Pakistan et le cyclone tropical Freddy qui a touché terre à Madagascar, au Malawi et au Mozambique, ont perturbé les systèmes de santé en provoquant des déplacements massifs, une insécurité alimentaire et une augmentation de la pauvreté. En conséquence, l’accès aux services de santé et leur qualité ont été compromis, ce qui a entraîné une augmentation de l’incidence des maladies, comme le quintuplement des cas de paludisme au Pakistan et la plus grande épidémie de choléra au Malawi.
Le Fonds mondial, qui a alloué la majeure partie de ses 13,1 milliards de dollars dans le cadre du CS7, est aujourd’hui soumis à une pression croissante pour faire face aux effets du changement climatique sur la santé. Les pays recherchent d’urgence un soutien pour faire face à ces problèmes, avec 500 millions de dollars d’investissements liés au climat déjà identifiés sur le Registre des demandes de qualité non financées du Fonds mondial, une somme à laquelle il s’est engagé lors de la Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP28) qui s’est tenue en 2023. Conscient de ce besoin critique et de l’intérêt croissant des donateurs pour les initiatives en faveur de la santé climatique, le Fonds mondial propose la mise en place d’une nouvelle priorité d’investissement catalytique dans le cadre du CS7. Cette initiative vise à mobiliser des ressources supplémentaires auprès des donateurs du secteur privé, spécifiquement pour les interventions sanitaires liées au climat. Elle vise à répondre aux besoins urgents des populations vulnérables tout en restant cohérente avec la mission principale et les programmes existants du Fonds mondial.
Impact sur la prévalence et la transmission des maladies :
L’impact du changement climatique est visible dans les éléments suivants : Plus de 50 % des maladies infectieuses sont exacerbées par les risques climatiques ; le paludisme, qui est très sensible au climat, s’étend aux régions montagneuses et augmente la prévalence chez les enfants en Afrique subsaharienne ; les événements météorologiques extrêmes, tels que les inondations au Pakistan en 2022, ont entraîné une augmentation spectaculaire des cas de paludisme ; le changement climatique a été lié à l’augmentation des taux de transmission du VIH et affecte la tuberculose par de multiples voies. Le changement climatique a un impact négatif sur l’accès et la qualité des soins de santé et exacerbe l’insécurité alimentaire, la pauvreté et les déplacements de population.
Réponse actuelle et besoins croissants :
La réponse du Fonds mondial a été d’utiliser son Fonds de réponse d’urgence, qui a alloué 46 % de ses ressources à l’atténuation des impacts liés au climat sur les programmes de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Cependant, le registre des demandes de qualité non financées du CS7 indique un besoin d’interventions sanitaires liées au climat de l’ordre de 300 à 500 millions de dollars, soulignant la nécessité croissante d’une action immédiate et d’un investissement à long terme dans des systèmes de santé résistants au climat.
L’approche proposée par le Fonds mondial
L’approche proposée par le Fonds mondial consiste, d’une part, à apporter un soutien immédiat aux efforts d’adaptation au climat et d’atténuation de ses effets dans les systèmes de santé et, d’autre part, à tirer des enseignements précieux qui peuvent contribuer à l’élaboration de stratégies pour le cycle de subvention 8 (CS8).
En pilotant cette proposition, le Fonds mondial peut acquérir une expérience pratique de l’intégration des considérations climatiques dans ses programmes de santé, préparant ainsi le terrain pour des réponses plus complètes et plus efficaces à l’avenir.
Stratégie proposée :
Pour relever ces défis, le Fonds mondial propose de :
- Créer une nouvelle priorité d’investissement catalytique pour mobiliser des fonds supplémentaires du secteur privé.
- Augmenter la flexibilité pour répondre aux nouvelles priorités sanitaires liées au climat.
- Aider les pays à mettre en place des systèmes et des programmes de santé résistants au climat.
- Se concentrer sur des interventions telles que :
– Améliorer l’accès aux soins de santé dans les zones exposées aux catastrophes naturelles ;
– Extension de la couverture aux populations déplacées ;
– Mise en œuvre d’activités ciblées de prévention du paludisme ;
– Renforcement des systèmes de surveillance des maladies.
Cette approche vise à intégrer les considérations climatiques dans les programmes de santé existants tout en maintenant des garanties appropriées pour les investissements actuels. En adoptant cette nouvelle priorité, le Fonds mondial peut aider plus efficacement les pays et les communautés à faire face aux interactions complexes entre le changement climatique et les défis sanitaires mondiaux.
Les éléments clés de ce nouveau programme d’investissement catalytique :
Le mécanisme de financement comprenant un financement supplémentaire spécifique au climat, une politique de conformité des contributions financières restreintes (PRFC), l’alignement sur les priorités approuvées par le conseil d’administration et la rentabilité.
Les domaines d’investissement privilégiés dans les pays les plus vulnérables au climat et fortement touchés par le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme couvriront les besoins immédiats d’adaptation au climat des systèmes et programmes de santé, la mise en place de systèmes de santé résistants au climat et la promotion de technologies et d’approches à faible émission de carbone et durables sur le plan de l’environnement. L’adaptation immédiate au climat englobera la préparation et la réaction dans les zones exposées aux catastrophes et l’accélération de la lutte contre les maladies dans les climats à haut risque. Les systèmes de santé résistants au climat comprendront des « Climate-smart disease programs », une surveillance améliorée, des systèmes communautaires et des chaînes d’approvisionnement, ainsi qu’un développement du personnel de santé tenant compte du climat. Les technologies et approches durables sur le plan environnemental engloberont des solutions d’énergie propre et solaire, une gestion durable des déchets et une gestion du carbone dans les établissements de santé et les chaînes d’approvisionnement.
La stratégie de mise en œuvre entreprendra les actions suivantes : cibler les 10 à 15 pays les plus vulnérables au climat avec un investissement important du Fonds mondial ; s’aligner sur les besoins des pays et les priorités des donateurs ; adapter les structures de gouvernance existantes ; et collaborer avec les partenaires techniques et les donateurs.
L’approche opérationnelle consistera à tirer parti des processus existants du Fonds mondial et de l’expertise locale et régionale par le biais d’initiatives stratégiques, à investir dans les demandes de qualité non satisfaites et à fournir une capacité limitée au secrétariat pour le soutien interdisciplinaire et l’apprentissage.
La gouvernance et la transparence comprendront des rapports réguliers au comité stratégique et au conseil d’administration, ainsi que des ajustements éventuels aux instances de coordination nationale (ICN) et au Comité technique d’examen (CTE/TRP).
En intégrant les considérations climatiques dans la mission principale du Fonds mondial, il vise à maintenir l’efficacité opérationnelle et l’alignement sur les processus existants.
Option recommandée par le comité stratégique
Le comité stratégique propose de créer une nouvelle priorité d’investissement catalytique axée sur le climat et la santé pour plusieurs raisons stratégiques. L’objectif est de mobiliser des ressources supplémentaires, notamment auprès des donateurs du secteur privé et des fondations philanthropiques. L’idée est de créer un canal direct d’investissement dans des initiatives de santé résistantes au climat.
En outre, la proposition offre une précieuse opportunité d’apprentissage. Elle fournit une plateforme pour générer des résultats fondés sur des preuves qui peuvent éclairer les décisions stratégiques futures. En lançant cette initiative dans le cadre de l’actuel cycle de subvention 7, le Fonds mondial peut recueillir des informations cruciales qui façonneront à l’avenir des mécanismes de réponse plus ambitieux en matière de climat et de santé.
En outre, il répond au besoin urgent de combattre l’impact du changement climatique sur les efforts de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. En agissant maintenant, le Fonds mondial s’imposera comme un acteur clé à l’intersection critique du changement climatique et de la santé mondiale.
Options envisagées par le Fonds mondial
Le Fonds mondial envisage trois options pour faire face à l’impact du changement climatique sur la santé :
- Créer une nouvelle priorité d’investissement catalytique, qui est une option recommandée
- Financer les interventions liées au climat uniquement par le biais du financement de base :
C’est déjà le cas dans une certaine mesure au sein du CS7, en particulier pour le paludisme et les interventions sur les systèmes de santé dans les pays à faible revenu, et cela inclut l’intégration du changement climatique dans les programmes nationaux et l’utilisation du Fonds d’urgence pour les catastrophes liées au climat. Toutefois, cette démarche est limitée par les dotations du CS7 et les lacunes importantes de la programmation de base, ce qui restreint la capacité d’attirer des donateurs intéressés spécifiquement par l’adaptation au climat et à la santé. En outre, il existe des risques liés à de nouveaux fonds ou mécanismes alternatifs dans un espace mondial de la santé déjà fragmenté, ce qui pourrait nuire aux possibilités de solutions intégrées et efficaces.
- Lancer un nouveau mécanisme à partir des enseignements tirés du C19RM :
Cela nécessiterait une réflexion approfondie sur les restrictions en matière d’affectation des fonds dans le secteur public et impliquerait un financement nettement plus important que pour un investissement catalytique traditionnel. Cette solution pourrait être envisagée à l’avenir si l’investissement catalytique s’avère fructueux.
Afin de progresser, le comité stratégique a recommandé au conseil d’administration d’approuver la mise en place d’une priorité d’investissement catalytique du CS7 pour le climat et la santé.
Conclusion
La proposition du Fonds mondial de créer une nouvelle priorité d’investissement catalytique sur le climat et la santé est une réponse significative et opportune à la menace croissante du changement climatique pour la santé mondiale. Si elle est approuvée et mise en œuvre avec succès, cette initiative pourrait jouer un rôle essentiel en aidant les pays vulnérables à adapter leurs systèmes de santé et leurs programmes de lutte contre les maladies aux effets du climat. En outre, elle pourrait faire du Fonds mondial un chef de file dans la lutte contre les effets conjugués du changement climatique et de la santé mondiale. Cela pourrait avoir des effets considérables sur les discussions plus larges concernant la santé mondiale et le financement du climat. Alors que le monde est confronté à l’accélération, des effets du changement climatique, des initiatives comme celle-ci pourraient s’avérer essentielles pour protéger les progrès durement acquis en matière de santé mondiale et garantir la résilience des systèmes de santé face à des défis nouveaux et en constante évolution (figure 2).
Figure 2 : Comment le changement climatique affecte la santé humaine
Source : Organisation panaméricaine de la santé (OPS), OMS, Région des Amériques : Organisation panaméricaine de la santé (PACO), OMS, Région des Amériques.
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