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Associer le vaccin RTS,S et les médicaments réduit de deux tiers les cas de paludisme
OFM Edition 160

Associer le vaccin RTS,S et les médicaments réduit de deux tiers les cas de paludisme

Author:

Julien Chongwang

Article Type:
NOUVELLES

Article Number: 4

L’administration simultanée du vaccin et des médicaments de la chimioprévention du paludisme saisonnier donne de meilleurs résultats dans la réduction de l’incidence du paludisme que l’usage de chacun de ces produits isolément. Mais l’implémentation de cette méthode à grande échelle n’est pas aisée. Elle requiert une revue des stratégies.

L’administration du vaccin antipaludique RTS,S approuvé par l’OMS en 2021, en association avec la chimioprévention du paludisme saisonnier (CPS) est une approche plus efficace dans la prévention du paludisme et de ses complications. C’est ce que révèle une étude publiée au mois d’août 2023 dans la revue scientifique britannique « The Lancet Infectious Diseases ».

 

Pour rappel, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la CPS consiste en un cycle de traitement complet par la sulfadoxinepyriméthamine (SP) et l’amodiaquine (AQ) administré à des enfants âgés de 3 à 59 mois à intervalles d’un mois, à partir du début de la saison de transmission.

 

Concrètement, l’étude montre que la CPS administrée au même moment que le vaccin RTS,S et à des doses répétées diminue de deux tiers le nombre de cas de paludisme, le nombre de cas de complications dues au paludisme, ainsi que le nombre de décès dus au paludisme chez les enfants âgés de zéro à cinq ans.

 

Contacté par AIDSPAN, le chercheur malien Alassane Dicko, l’un de ses principaux auteurs, affirme que la genèse de cette étude remonte à 2017. « Le vaccin RTS,S est un vaccin qui est très efficace pendant plusieurs mois. Son efficacité diminue rapidement, mais elle est rétablie si on donne des doses de rappel », dit-il d’entrée.

 

Ce dernier poursuit en disant : « En 2017, nous avions publié un article dans la revue scientifique Malaria Journal sur le concept de vaccination saisonnière du paludisme et comment un tel vaccin peut être utilisé pour maximiser son impact. Nous avions ensuite soumis à financement le projet de cette étude au Medical Research Council du Royaume-Uni. Le projet a été sélectionné et financé d’abord pour trois ans puis pour deux années supplémentaires avec un appui de l’initiative pour les vaccins de PATH aux États-Unis d’Amérique. »

 

Menée donc entre 2020 et 2022 au Burkina Faso et au Mali, la présente étude a constaté qu’avec une telle combinaison thérapeutique, le nombre des hospitalisations pour paludisme grave a été réduit de 66,8% tandis que celui des cas d’anémie palustre a chuté de 65,9%. Quant aux transfusions sanguines et aux décès dus au paludisme, ils ont régressé respectivement de 68,1 % et 66,8%. Le tout en comparaison avec les résultats obtenus chez les enfants ayant été traités pendant la même durée uniquement avec le vaccin ou uniquement avec la CPS.

 

Sécurité

 

Pour arriver à ces résultats en effet, les chercheurs ont travaillé sur un échantillon de plus de 5 000 enfants qui ont été répartis en trois groupes. Aux enfants du premier groupe, on a administré uniquement la CPS ; à ceux du deuxième groupe, on a donné seulement le vaccin RTS,S. Les enfants du troisième groupe enfin ont été traités avec les deux produits simultanément. Et outre les résultats obtenus, l’étude mentionne que cette association thérapeutique n’a présenté aucun problème de sécurité.

 

Cette étude de deux ans vient ainsi donner une plaine confirmation aux résultats de la première étude conduite par les mêmes chercheurs pendant trois ans entre 2017 et 2020 sur les mêmes enfants peu après leur naissance. Ce qui a fait dire aux chercheurs que la combinaison chimioprévention + RTS,S est efficace pour la prévention du paludisme chez les enfants jusqu’à cinq ans.

 

Alassane Dicko qui est en service au Centre de recherche et de formation sur le paludisme au Mali, explique que « le paludisme est endémique (c’est-à-dire qu’il sévit tout le temps présent) en Afrique subsaharienne qui totalise à elle seule 95% des cas et des décès dus au paludisme dans le monde. La transmission du paludisme peut être pérenne c’est-à-dire tout au long de l’année. Elle peut être aussi saisonnière c’est-à-dire sur une période de l’année comme dans la zone sahélienne et subsahélienne ainsi qu’une bonne partie de la zone Sud et Est de l’Afrique ».

 

A en croire cet expert qui est par ailleurs responsable de l’Unité de recherche clinique de Bougouni-Ouelessebougou au Mali, les médicaments de la chimioprévention se donnent pendant la période de transmission (la saison des pluies) où surviennent la plupart des cas de paludisme et pas en dehors de cette saison. Parce que même si elle est très efficace, il y a très peu de cas de paludisme pendant l’autre période et l’administration de chimioprévention aurait très peu d’intérêt.

 

« Nous n’avons donc pas évalué l’efficacité de la combinaison pendant la période où la transmission du paludisme est très faible », dit Alassane Dicko.

 

De son côté, Michael Adekunle Charles, directeur général du « Partenariat RBM pour en finir avec le paludisme », n’est pas du tout surpris par les résultats de cette étude. « Nous savons que les vaccins R21 et RTS,S sont plus efficaces lorsqu’ils sont utilisés dans des zones où la transmission du paludisme est très saisonnière. La combinaison de l’utilisation des vaccins et de la chimioprévention du paludisme saisonnier pourrait donc être une approche clé à envisager pour les pays touchés par le paludisme saisonnier ».

 

Importants défis

 

Quoi qu’il en soit, tous les spécialistes pensent qu’il serait souhaitable que cette approche thérapeutique soit largement déployée sur le continent. Car, comme le souligne Alassane Dicko, les enfants de moins de 5 ans sont les plus touchés par le paludisme dans les régions endémiques comme l’Afrique subsaharienne où selon les chiffres de l’OMS, environ 77% des décès dus au paludisme surviennent chez les enfants de moins de 5 ans.

 

Cependant, les experts reconnaissent que le déploiement de cette combinaison dans les pays du continent peut être confronté à d’importants défis. À commencer par celui de l’administration même de la CPS.

 

« Nous ne pouvons pas étendre la CPS à toutes les régions touchées par le paludisme, car cette intervention n’est adaptée qu’aux régions où le paludisme est très saisonnier et où les niveaux de transmission sont élevés », précise par exemple Michael Adekunle Charles. Ce dernier ajoute que la CPS est actuellement proposée aux enfants âgés de 3 mois à 5 ans avant la saison des pluies dans 17 pays d’Afrique subsaharienne, en particulier dans la région du Sahel.

 

A cela s’ajoute la problématique même de la disponibilité en quantité suffisante des doses du vaccin RTS,S. Au début de l’année, l’Alliance du Vaccin (GAVI), le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et l’OMS ont décidé d’allouer 18 millions de doses du vaccin aux régions qui en ont le plus besoin dans 12 pays d’Afrique pour la période 2023-2026. « Cependant, les estimations suggèrent qu’au moins 80 à 100 millions de doses seront nécessaires chaque année pour protéger tous les enfants à risque », relève Michael Adekunle Charles.

 

Enfin, la problématique du financement constitue un autre défi majeur à relever pour les pays qui prévoient de fournir des vaccins antipaludiques et des CPS à grande échelle. Selon le rapport 2022 de l’OMS sur le paludisme dans le monde, pour mener les campagnes nécessaires à la réalisation des objectifs mondiaux en matière de lutte contre le paludisme, les investissements annuels devront tripler d’ici à 2030, pour atteindre 10,3 milliards de dollars par an.

 

Or, regrette Michael Adekunle Charles, les déficits de financement et les menaces biologiques émergentes constituent ensemble un défi de taille pour le paludisme. Un déficit sans précédent de plus de 50 % du financement mondial de la lutte contre le paludisme empêche les pays de maintenir les programmes vitaux de lutte contre le paludisme à leur niveau actuel et d’atteindre toutes les personnes exposées au risque de paludisme. »

 

Nouvelles menaces

 

Dans le même temps, ajoute-t-il, de nouvelles menaces telles que le changement climatique, la résistance aux insecticides et aux antipaludiques menacent les efforts de contrôle et d’élimination du paludisme, réduisant de facto l’efficacité des outils et des approches existants. Et pour ne rien arranger, dit-il, chaque année passée à attendre, rendra l’impact de ces menaces de plus en plus complexe et difficile à gérer.

 

Des défis qui vont peut-être nécessiter une revue des stratégies de lutte contre la maladie eu égard aux derniers progrès enregistrés. C’est du moins l’avis Adrian J. F. Luty, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) en France. « Au vu de la recommandation récente de la part de l’OMS d’une utilisation généralisée du vaccin R21, il va falloir, à mon avis, revoir le déploiement de RTS,S en Afrique, afin d’optimiser son utilisation. »

 

« Faudrait-il, par exemple, réserver RTS,S, disponible en quantité relativement réduite, uniquement pour la région Sahélienne ? » S’interroge le chercheur qui sait que le chemin reste long. « Prévenir cette maladie dans des zones à transmission saisonnière est une chose, la prévenir au même niveau dans des zones à transmission pérenne – même avec un vaccin (R21) disponible en quantité importante – restera un défi énorme », analyse Adrian J. F. Luty.

 

Une situation qui n’empêche pas Michael Adekunle Charles d’être optimiste. Pour ce dernier, il existe une fenêtre d’opportunités pour agir et investir maintenant afin d’ouvrir la voie à l’éradication du paludisme au cours des cinq prochaines années.

 

« Un monde sans paludisme est possible, mais les pays et les partenaires doivent investir d’urgence dans les programmes et la recherche, innover pour développer et adapter de nouveaux outils et de nouvelles approches ciblant ceux qui en ont le plus besoin et mettre en œuvre des stratégies nationales pour accélérer les progrès contre cette maladie séculaire et s’assurer que nous ne perdons pas davantage de terrain », affirme le directeur général du « Partenariat RBM pour en finir avec le paludisme ».

 

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