OFM Edition 175, Article Nombre: 7
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ABSTRAITE
Cet article présente une interview avec Abdoulaye Djibril, président de l'Association Nigérienne des Malades Guéris de la Tuberculose (ANIMAG/TB). Au cours de cet entretien, Djibril aborde en profondeur les multiples enjeux inhérents à la lutte contre la tuberculose au Niger. Une attention particulière est accordée à la réunion intitulée « Faire progresser la communauté, les droits et le genre pour une riposte équitable à la tuberculose en Afrique francophone », tenue à Yaoundé, Cameroun, du 11 au 13 juin 2024, à laquelle il a participé.
- Parlez-nous brièvement de vous et de votre organisation

Je suis Abdoulaye Djibril, malade guéris de la tuberculose depuis 2009, président de l’Association Nigérienne des Malades Guéris de la tuberculose dénommée ANIMAG/TB et membre titulaire de la composante TB au sein de l’instance de coordination nationale depuis le 26 mars 2024.
L’ANIMAG/TB a été créée le 23 février 2019 pour combler un vide dans le cadre de la lutte contre la tuberculose (volet communautaire). En dehors du siège basé à Niamey, elle dispose d’antenne communale dans quatre régions (Dosso, Tillabéry, Zinder et Maradi) avant la subvention, mais aujourd’hui grâce à la subvention elle couvre toutes les régions.
De manière plus spécifique, l'association vise principalement à garantir un accès universel et équitable aux services de prévention, de traitement et de soutien pour les personnes infectées ou affectées par la tuberculose au Niger. Son action se concentre sur la réduction significative de la mortalité ainsi que des diverses formes de souffrance liées à cette maladie. Pour atteindre cet objectif, l'association promeut et protège les droits fondamentaux des individus, notamment en matière d'accès à l'information et à la sensibilisation, tout en assurant un suivi médical adéquat. De plus, elle s'efforce de favoriser la guérison complète ainsi que la réinsertion familiale et socioéconomique des personnes touchées par la tuberculose.
- Quel est l’état des lieux de la tuberculose dans votre pays?
En dépit de la diminution progressive de l’incidence de la tuberculose au Niger au cours de la décennie 2010-2020, cette maladie reste un problème de santé publique préoccupant. L'incidence est passée de 108 cas pour 100 000 habitants en 2011 à 93 pour 100 000 en 2016, pour atteindre 79 cas pour 100 000 en 2021. À ce jour, le Niger enregistre 15 459 cas de tuberculose toutes formes confondues, avec un taux de dépistage de 79 % et un succès thérapeutique de 85,6 %. Cependant, 6,3 % des patient·es décèdent, et 5,7 % sont perdu·es de vue au cours du traitement. Environ 80 % des cas de tuberculose sont testés pour le VIH, et le pays compte 151 cas de tuberculose multi-résistante (TB-MR). Le Niger dispose de 331 centres de dépistage et de traitement (CDT) répartis dans ses huit régions.
Malgré la baisse de l'incidence entre 2010 et 2021, il reste crucial de renforcer la lutte contre la tuberculose. Il est nécessaire de promouvoir une approche centrée sur les personnes et les communautés, sensible aux questions de genre et fondée sur les droits humains, afin d'améliorer la prévention, les soins et le soutien aux personnes touchées par la tuberculose.
- Quels étaient le sens et l'importance de votre présence à la réunion « Faire progresser la communauté, les droits et le genre pour une riposte équitable à la tuberculose en Afrique francophone » qui s’est déroulée du 11 au 13 juin 2024 à Yaoundé au Cameroun ?
La participation de l’ANIMAG/TB, représentant de la société civile bénéficiaire de la subvention CFCS R12, revêtait une importance capitale. L'implication des actrices et acteurs communautaires, en particulier des populations clés telles que les bénéficiaires ou leurs représentant.es, est essentielle pour faire avancer les droits humains et l’intégration de la dimension de genre dans une réponse équitable à la tuberculose en Afrique francophone. Cette approche permet de surmonter les obstacles persistants à l'accès à la prévention, au dépistage, aux soins et aux services de soutien liés à la tuberculose, non seulement en Afrique francophone, mais aussi à l'échelle mondiale.
- La réunion portait sur l’approche basée sur la Communauté, les Droits et le genre (CRG). Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontée dans la riposte contre cette maladie ? Comment intégrez-vous cette approche dans vous actions ou programmes de lutte contre la tuberculose ? Quelles sont les opportunités qu’offre une telle approche?
Les défis auxquels nous faisons face sont nombreux et complexes. Tout d'abord, le manque d'acceptabilité sociale de la tuberculose reste un obstacle majeur. Pour remédier à cela, il est impératif d'intensifier les campagnes de sensibilisation à travers des débats radiophoniques, télévisés et dans des espaces publics. L'objectif est de rendre la tuberculose plus visible et mieux comprise, en encourageant son acceptation sociale.
Ensuite, les faiblesses dans la prise en charge des patient·es, notamment le recours tardif aux centres de soins, sont préoccupantes, particulièrement chez les femmes. Il est essentiel de renforcer les initiatives de sensibilisation et d'orientation afin que les personnes suspectes se dirigent plus rapidement vers les structures de santé adaptées.
En ce qui concerne la stigmatisation, elle est largement alimentée par une mauvaise compréhension des modes de transmission de la tuberculose et par des rumeurs infondées. Pour y remédier, une intensification des efforts de sensibilisation est nécessaire, afin de mieux éduquer les populations et de dissiper les idées fausses. Par ailleurs, il est crucial de combler le vide juridique en adoptant une législation spécifique sur la prévention et la prise en charge de la tuberculose au Niger, afin de mieux encadrer et réguler ce domaine.
- Quelles sont les leçons apprises au cours de la réunion, qu’avez-vous retenu ?
Lors de cette réunion, au-delà de l'opportunité de rencontrer directement des représentant·es de STOP TB Partnership, de la Dynamique de la Réponse d’Afrique Francophone sur la TB (DRAF-TB) et du Fonds Mondial, ainsi que de nombreuses organisations de la société civile francophone d'Afrique, il est devenu évident, à travers les différentes présentations, que l'approche CRG (Communauté, Droits et Genre) est essentielle dans la lutte contre la tuberculose. L'implication active des communautés et des personnes infectées ou affectées est indispensable pour garantir une réponse inclusive et efficace.
De plus, il est crucial de diversifier les sources de financement en engageant un plus grand nombre de partenaires. L'implication des représentant·es communautaires, notamment au sein de l'Assemblée nationale, joue également un rôle clé dans cette lutte. Enfin, il est primordial d'optimiser l'utilisation des moyens de communication en veillant à ce que les messages soient transmis de manière adéquate et correctement interprétés par les populations cibles.
- Comment est-ce que Challenge Facility for Civil Society Round 12 vous aide dans la Réalisation de vos missions et activités ?
Grâce à la subvention Challenge Facility for Civil Society Round 12 (CFCS R12), en plus du soutien financier, l'association bénéficie d’un appui technique et moral constant de la part des membres de STOP TB et DRAF TB, un soutien qui se révèle inestimable à chaque étape de notre travail. Cet accompagnement continu nous a permis de réaliser des avancées significatives dans nos activités. Par ailleurs, la subvention CFCS R12 a considérablement renforcé la visibilité de l’ANIMAG, permettant ainsi à l'association de gagner en notoriété et d’être reconnue par un plus grand nombre d’actrices et acteurs dans le domaine de la lutte contre la tuberculose.
- Quel message aimeriez-vous transmettre concernant l’importance de la lutte contre la tuberculose et l’approche Community, Rights and Gender ?
- Aux communautés
- Mobiliser et conscientiser les populations clés et vulnérables (personnes vivant avec le VIH, diabétiques, femmes enceintes, enfants de moins de 05 ans, et riverains/habitants des zones d’accès difficile, etc.) dans la lutte contre la TB ;
- Contribuer à déstigmatiser la maladie à travers la sensibilisation.
- Aux partenaires techniques et financiers
- Rehausser l’enveloppe accordée à la lutte contre la TB.
- Aux gestionnaires de programmes
- Centrer les soins et préventions intégrés sur la ou le patient pour garantir à tous.tes l'accès universel aux soins et aux services de soutien pour le traitement de la TB ;
- Il est essentiel d’impliquer d'autres ministères, tels que ceux des Finances, de l'Éducation, de la Protection sociale et du Travail, dans la lutte contre la tuberculose. Cela peut être réalisé en créant un groupe de travail collaboratif avec la société civile, dont l'objectif sera de discuter et d'identifier des solutions aux déterminants sociaux qui alimentent l'endémie de la tuberculose. Parmi ces déterminants, on trouve l'égalité des genres, l'accès à l'éducation pour tous, et l'inclusion sociale ;
- Travailler en étroite collaboration avec les communautaires.
- Aux décideurs politiques
- Intensifier la recherche et l’innovation ;
- Assurer la dignité et la considération pour les populations clés et vulnérables TB ;
- Assurer la disponibilité des intrants TB, notamment les antis tuberculeux ;
- Combler le vide juridique par l’adoption d’un texte de loi en matière de prévention et prise en charge de la tuberculose au Niger.
Merci pour l’interview.
- Parlez-nous brièvement de vous et de votre organisation
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- Quel est l’état des lieux de la tuberculose dans votre pays?
- Quels étaient le sens et l'importance de votre présence à la réunion « Faire progresser la communauté, les droits et le genre pour une riposte équitable à la tuberculose en Afrique francophone » qui s’est déroulée du 11 au 13 juin 2024 à Yaoundé au Cameroun ?
- La réunion portait sur l’approche basée sur la Communauté, les Droits et le genre (CRG). Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontée dans la riposte contre cette maladie ? Comment intégrez-vous cette approche dans vous actions ou programmes de lutte contre la tuberculose ? Quelles sont les opportunités qu’offre une telle approche?
- Quelles sont les leçons apprises au cours de la réunion, qu’avez-vous retenu ?
- Comment est-ce que Challenge Facility for Civil Society Round 12 vous aide dans la Réalisation de vos missions et activités ?
- Quel message aimeriez-vous transmettre concernant l’importance de la lutte contre la tuberculose et l’approche Community, Rights and Gender ?
- Aux communautés
- Mobiliser et conscientiser les populations clés et vulnérables (personnes vivant avec le VIH, diabétiques, femmes enceintes, enfants de moins de 05 ans, et riverains/habitants des zones d’accès difficile, etc.) dans la lutte contre la TB ;
- Contribuer à déstigmatiser la maladie à travers la sensibilisation.
- Aux partenaires techniques et financiers
- Rehausser l’enveloppe accordée à la lutte contre la TB.
- Aux gestionnaires de programmes
- Centrer les soins et préventions intégrés sur la ou le patient pour garantir à tous.tes l'accès universel aux soins et aux services de soutien pour le traitement de la TB ;
- Il est essentiel d’impliquer d'autres ministères, tels que ceux des Finances, de l'Éducation, de la Protection sociale et du Travail, dans la lutte contre la tuberculose. Cela peut être réalisé en créant un groupe de travail collaboratif avec la société civile, dont l'objectif sera de discuter et d'identifier des solutions aux déterminants sociaux qui alimentent l'endémie de la tuberculose. Parmi ces déterminants, on trouve l'égalité des genres, l'accès à l'éducation pour tous, et l'inclusion sociale ;
- Travailler en étroite collaboration avec les communautaires.
- Aux décideurs politiques
- Intensifier la recherche et l’innovation ;
- Assurer la dignité et la considération pour les populations clés et vulnérables TB ;
- Assurer la disponibilité des intrants TB, notamment les antis tuberculeux ;
- Combler le vide juridique par l’adoption d’un texte de loi en matière de prévention et prise en charge de la tuberculose au Niger.