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Le Directeur exécutif du Fonds mondial évoque les priorités exposées dans son premier rapport au Conseil d’administration
OFM Edition 79

Le Directeur exécutif du Fonds mondial évoque les priorités exposées dans son premier rapport au Conseil d’administration

Author:

Adèle Sulcas

Article Type:
RECONSTITUTION DES RESOURCE

Article Number: 1

Le Fonds mondial joue « un rôle vital et irremplaçable » dans l’accélération de la réalisation du troisième Objectif de développement durable

RÉSUMÉ Dans sa première interview à l’Observateur du Fonds mondial et à l’approche de la sixième reconstitution des ressources, Peter Sands, Directeur exécutif du Fonds mondial, parle du rôle charnière du Fonds dans la mise en œuvre de l’Objectif de développement durable numéro 3 et des soins de santé universels, du nouvel accord-cadre avec l’OMS, du financement national et d’autres sujets encore.

Peter Sands a assumé les fonctions de Directeur exécutif du Fonds mondial en mars 2018. Il a accordé sa première interview à l’Observateur du Fonds mondial après la 40e réunion du Conseil d’administration, en novembre 2018 à Genève. Cet article est le premier d’une interview en deux parties.

OFM : À l’approche de la sixième reconstitution des ressources, votre première priorité, tel que décrit dans votre rapport au Conseil d’administration, vous avez indiqué vouloir compléter la trame narrative avec d’autres thèmes, le premier d’entre eux étant le « rôle charnière du Fonds mondial dans la mise en œuvre des ODD et dans l’accélération des progrès vers une couverture sanitaire universelle ». Quelle position souhaitez-vous voir le Fonds mondial adopter pour ce faire ?

Peter Sands : Je pense que nous jouons un rôle charnière et irremplaçable dans la mise en œuvre de l’Objectif de développement durable numéro 3 et dans l’accélération des progrès vers une couverture sanitaire universelle. Un des éléments les plus tangibles et concrets de cet ODD est la fin des épidémies de sida, de tuberculose et de paludisme. Et sans un Fonds mondial pleinement reconstitué, les chances d’atteindre cet objectif sont tout bonnement nulles.

Pour parvenir à la couverture sanitaire universelle d’ici 2030, il faudra des investissements significatifs dans la mise en place de systèmes résistants et pérennes pour la santé. Le Fonds mondial est le plus grand bailleur de fonds multilatéral en matière de renforcement des systèmes de santé, et je pense que la réalisation de l’ODD 3 nécessitera un degré de collaboration et de coordination entre les différents acteurs de la santé mondiale sans précédent. Nous jouons un rôle actif et directeur dans cette dynamique de collaboration.

(Note de la rédaction : Voir un autre article du numéro 348 de la version anglaise de l’OFM sur les investissements du Fonds mondial dans les systèmes résistants et pérennes pour la santé.)

OFM : À la conférence sur le sida qui s’est tenue à Amsterdam en juillet et ailleurs, vous avez parlé de trois sources de financement potentielles : publiques, privées et nationales. Pour la reconstitution des ressources, pensez-vous qu’il est réaliste d’obtenir une part considérablement plus élevée d’engagements de financement national – et si oui, comment ? Et comment inciterez-vous les pays à générer (le cas échéant) la volonté politique d’augmenter leur financement national ? Au niveau des pays, il y a tellement de priorités concurrentes – comment pouvez-vous influencer le débat interne ?

Peter Sands : Je crois que la première chose est le fait que le modèle de cofinancement du Fonds mondial a fait ses preuves en tant que catalyseur pour stimuler la mobilisation de ressources nationales accrues pour la santé. Les engagements de cofinancement au cours du cycle précédent ont dépassé d’environ 30 pour cent les montants engagés antérieurement, et pour le cycle en cours, ils sont supérieurs de 40 pour cent à ceux du cycle précédent, se situant à 4,5 milliards de dollars environ. Donc nous voyons des progrès significatifs dans la détermination des pays à mobiliser leurs propres ressources pour mettre un terme aux épidémies et renforcer les systèmes de santé.

Il faudra des mesures significatives du même ordre en termes de mobilisation de ressources nationales au cours du prochain cycle. Comment nous y prendre ? C’est une combinaison de deux choses. Premièrement, nous devons continuer d’élaborer et communiquer un argumentaire d’investissement convaincant pour mettre un terme aux épidémies de sida, de tuberculose et de paludisme et, de manière plus générale, pour améliorer la santé de la population des pays. Deuxièmement, nous devons aider avec nos partenaires, et il s’agit vraiment d’un effort collaboratif. Nous devons aider les pays à trouver des manières de le faire, qu’il s’agisse des ministres de la santé qui remportent le débat sur la hiérarchisation interne ou de l’élaboration et de la mise en œuvre de nouveaux moyens de mobilisation fiscale, d’une plus grande efficacité fiscale, de taxes sur les vices, de programmes d’assurance maladie ou d’améliorer les finances publiques, la gestion et l’efficacité d’allocation. Il s’agit donc de veiller à ce que plus d’argent soit consacré à la santé, mais aussi de s’assurer que cet argent est mieux dépensé en faveur de la santé.

Comment équilibrer la nécessité de davantage de produits, et les aspects où le cofinancement peut jouer un rôle important dans la mise en place du système ? Je ne crois pas qu’il y ait une seule bonne réponse pour chaque pays concernant l’équilibre optimal d’augmentation des dépenses pour différentes composantes, que ce soit les produits, la main-d’œuvre, l’infrastructure ou la technologie. Au bout du compte, on veut un système de santé financé par des ressources nationales, de manière pérenne pour tous ces éléments. La voie à suivre pour y parvenir est différente pour différents pays. Il y a des compromis difficiles à faire, et ces choix doivent être faits de manière très réfléchie. Mais en fin de compte, les pays veulent avoir leurs propres capacités d’achat, une main-d’œuvre sanitaire et les technologies et l’infrastructure physique sous-jacentes financées avec des ressources nationales. Nous devons travailler avec les pays, au travers du processus de l’instance de coordination nationale, sur le cocktail approprié de sources externes et nationales, lequel change avec le temps.

OFM : Vous êtes clairement très attaché à l’innovation et à l’utilisation des données – où souhaitez-vous voir une utilisation accrue de l’innovation et/ou des données dans la programmation/la mise en œuvre/la communication de l’information ?

Peter Sands : Essentiellement, il y a deux ou trois dimensions de données sur lesquelles nous devons travailler. La première est la fréquence et l’actualité des données – dans le domaine de la santé mondiale, nous avons tendance à trop nous appuyer sur de vieilles données, ce qui fait qu’il est plus difficile d’être dynamique dans la riposte aux maladies. Cela est particulièrement frappant pour les maladies dont la volatilité intrinsèque, la vitesse à laquelle elles changent, est grande. Le paludisme en est un bon exemple. La deuxième dimension est le niveau de détail : nous devons ventiler encore plus nos données par âge, par genre, par lieu géographique, par dimension pertinente pour l’épidémie. Cela est crucial pour pouvoir cibler nos interventions le plus efficacement possible, et cela veut à son tour dire que nous pouvons accroître l’efficience et l’efficacité de ces interventions. La troisième est la qualité sous-jacente des données. Plus nous pouvons être certains que les données sont solides, plus nous pouvons nous appuyer sur ces données pour nos prises de décisions.

Nous jouons un rôle, nous sommes un investisseur majeur dans les systèmes d’information sur la gestion de la santé, dans les données des comptes nationaux, dans les systèmes nationaux de santé, donc nous appuyons directement le développement de l’infrastructure des données et des capacités dans les pays. En outre, nous devons travailler avec nos partenaires dans les pays sur les raisons pour lesquelles il est logique de viser des données meilleures, sur le fait que si l’on dispose de données plus fréquentes et de meilleure qualité, on prend de meilleures décisions, qui ont un impact plus fort.

OFM : Qu’est-ce que l’accord-cadre avec l’OMS permet au Fonds mondial et à l’OMS de faire différemment, ensemble ? Comment le plan d’action mondial pour l’ODD 3 se traduit-il dans la pratique pour le Fonds mondial et ses partenaires ?

Peter Sands : Le document de référence à cet égard est le Plan d’action mondial pour l’ODD 3, qui engage tous les acteurs concernés à s’aligner, à accélérer et à rendre des comptes. Et l’accord-cadre avec l’OMS est un exemple de la manière dont nous nous y prenons pour traduire cela dans les faits. Comment allons-nous nous y prendre avec l’OMS ? Ce document est en soi un point de départ, car nous allons le prendre comme référence pour des accords-cadres cohérents et correspondants avec les organisations régionales, à commencer par l’AFRO. D’une certaine manière, vous pouvez voir le plan d’action pour l’ODD 3 comme une sorte d’architecture générale. Ce que nous devons faire à présent est, dans un sens, l’étoffer. Donner corps au plan d’action a deux dimensions. Autour des relations avec d’autres institutions spécifiques, nous avons déjà fait d’énormes progrès en matière d’approfondissement des synergies et de la coopération avec Gavi. Une entreprise similaire est en cours avec UNITAID, et un accord-cadre a été passé avec l’OMS. L’autre dimension est le choix de thèmes spécifiques, et c’est de ça qu’il est question quand on parle d’accélérer la finance durable – comment allons-nous travailler tous ensemble pour aider les pays tandis qu’ils mettent au point des manières plus pérennes de financer leur système de santé et d’atteindre leurs objectifs en matière de santé.

Une ébauche du plan d’action est disponible sur le site Web de l’OMS – il s’agit en grande partie de bien travailler ensemble. Un bon exemple est la collaboration entre des entités qui peuvent apporter différentes sortes d’expertise financière et de ressources. Donc, par exemple, lorsque c’est approprié, le recours aux financements mixtes, qui requièrent souvent qu’une banque multilatérale travaille avec une entité comme le Fonds mondial. Voir comment nous pouvons simplifier tout ça et réduire les coûts de transaction, ce genre de choses.

OFM : Il est ressorti clairement de la réunion du Conseil d’administration que la transition (dans le contexte de la politique en matière de pérennité, de transition et de cofinancement) est un sujet énorme et quelque peu controversé, et dans votre rapport vous dites que les défis politiques liés à la transition sont plus difficiles que les défis techniques. Quelles sont les plus grandes difficultés auxquelles le Fonds mondial est confronté dans l’immédiat en matière de transition ?

Peter Sands : Je crois que le point de départ est le fait que parvenir à une transition pérenne est un impératif. Au final, nous voulons tous que les pays soient en mesure de financer leur propre système de santé et ne dépendent pas du Fonds mondial. Donc, il est dans l’intérêt des communautés et des pays de se mettre sur la voie de la pérennité et de la transition dès que possible. Et nous devons travailler ensemble pour faire en sorte que les obstacles, les problèmes [soient résolus], que les capacités qui doivent être renforcées soient développées. Et c’est important en partie parce que c’est là le résultat pérenne à long terme pour tous les pays. Mais en outre, obtenir des pays qu’ils en fassent davantage à mesure qu’ils deviennent plus riches grâce à la croissance économique permet au Fonds mondial de concentrer ses efforts sur les endroits du monde où la charge de morbidité est la plus élevée et la capacité de payer la plus faible, c’est-à-dire là où il reste encore énormément de besoins non satisfaits.

Oui, la transition est intrinsèquement difficile. Et ce pour trois raisons. Un : nous demandons aux gouvernements de prendre en charge des fardeaux financiers que certains préféreraient que le Fonds mondial continue d’assumer. Deux : la transition suppose de renforcer des capacités que certains pays ont du mal à développer. Trois : la transition suppose que les gouvernements tendent la main à des populations clés que certains sont malheureusement enclins à négliger. Et nous devons faire face à ces trois défis et les surmonter tandis que les pays traversent le processus de transition.

Une partie de la réponse réside dans une bonne planification, une autre partie dans les partenariats avec d’autres acteurs comme les banques multilatérales de développement. Au final, néanmoins, l’ingrédient clé d’une transition réussie est le leadership politique. Et cela requiert d’associer tous les acteurs gouvernementaux et la société civile, comme je crois l’avoir mentionné dans mon rapport. L’engagement et la mobilisation politiques sont le type d’ingrédient incontournable d’une transition réussie.

OFM : Une autre question de taille est sans aucun doute celle de la capacité d’absorption – comment vous y prenez-vous pour identifier les occasions d’optimiser l’absorption au niveau des pays ? Comment envisagez-vous la contribution des équipes de pays en vue d’aider les pays à améliorer leur capacité d’absorption au moyen de leurs propres mesures volontaristes ? Et des taux d’absorption en hausse affecteront-ils la planification des scénarios qui seront repris dans l’argumentaire d’investissement ?

Peter Sands : Le point de départ est le fait que l’absorption s’est considérablement améliorée dans l’ensemble du portefeuille – se situant à 75 pour cent contre 66 pour cent durant le cycle précédent. C’est le résultat à la fois du travail des équipes de pays et de la manière dont elles travaillent avec les partenaires sur le terrain, qu’il s’agisse des partenaires techniques, des récipiendaires principaux ou des pouvoirs publics, anticipant et identifiant les goulots d’étranglement et prenant des mesures dynamiques afin de les éliminer. Un des aspects critiques à cet égard consiste à surveiller et mesurer systématiquement les problèmes d’absorption, à la fois par région géographique et par composante de maladie. Dans mon rapport, j’ai d’ailleurs présenté quelques-uns des chiffres concernés. Je crois que nous ne pouvons à aucun moment relâcher notre vigilance en matière d’absorption, mais la qualité des subventions de ce cycle nous place en bonne position pour des améliorations supplémentaires dans l’ensemble du portefeuille. L’absorption est un problème à long terme, et les difficultés varient d’un pays à l’autre, mais nous faisons de bons progrès. Bref, non, cela n’affecte pas de manière significative notre planification pour l’argumentaire d’investissement.

Le Fonds mondial a annoncé sa cible pour la sixième reconstitution des ressources le 11 janvier 2019 à Paris. Son argumentaire d’investissement sera envoyé fin janvier aux participants à la réunion préparatoire qui aura lieu à New Delhi le 8 février 2019.

La deuxième partie de l’interview de Peter Sands sera publiée dans un prochain numéro de l’OFM.

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