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LES DEUX PRINCIPAUX DÉFIS DU FONDS MONDIAL À COURT TERME
OFM Edition 135

LES DEUX PRINCIPAUX DÉFIS DU FONDS MONDIAL À COURT TERME

Author:

Christian Djoko

Article Type:
ANALYSE

Article Number: 5

Le Fonds mondial est une organisation nécessaire, indispensable, efficiente.

RÉSUMÉ En dépit de son haut niveau de performance actuelle, le Fonds mondial demeure une organisation perfectible. C’est ce que dit en substance le Réseau d’évaluation de la performance des organisations multilatérales (MOPAN). L’analyse de cette conclusion constitue la première articulation de cet article. La seconde articulation questionne la place, le sens et l’identité d’action du Fonds mondial dans la préparation, la prévention et la riposte aux pandémies (PPR), surtout au moment où émerge le FIF (Financial Intermediary Fund) dont le mandat est exclusivement consacré à la PPR.

Parfois les évidences ont besoin d’être rappelées. Selon le dernier Rapport 2022 sur les résultats, depuis sa création en 2002 le partenariat du Fonds mondial a permis de sauver 50 millions de personnes. Pour y parvenir, il fournit depuis 2002 30 % du financement international des programmes de lutte contre le VIH. C’est ainsi que le nombre de décès liés au sida a diminué de 70 % entre 2002 et 2021 dans les pays où le Fonds mondial investit. « Le pourcentage de personnes nécessitant un traitement antirétroviral et effectivement placées sous traitement a augmenté considérablement au cours de la dernière décennie, passant de 23 % en 2010 à 75 % en 2021 ».

Concernant la tuberculose, le Fonds mondial fournit 76 % du financement international des programmes consacrés à cette maladie. Un tel investissement a permis de réduire, entre 2002 et 2020, de 21 % le nombre de décès imputables à la tuberculose (exclusion faite des personnes vivant avec le VIH).

Relativement au paludisme, le Fonds mondial fournit 63 % du financement international des programmes consacré à cette maladie. La conséquence directe de cet autre investissement c’est la diminution, entre 2002 et 2020, de 26 % le nombre de décès imputables au paludisme.

Les résultats pour l’année 2021 sont également éloquents.


Source : Fonds mondial, https://www.theglobalfund.org/media/12279/corporate_2022resultsreport_summary_fr.pdf

Une telle performance est suffisante pour reconnaitre l’importance et l’impact de cette organisation dans la lutte contre le VIH, tuberculose et paludisme. C’est une pièce essentielle de l’architecture organisationnelle en charge de la santé mondiale.

Telle est également la conclusion d’une récente évaluation institutionnelle menée par le Réseau d’évaluation de la performance des organisations multilatérales (MOPAN). Créé en 2002, le MOPAN est un réseau de pays donateurs ayant un intérêt commun à évaluer l’efficacité des organisations multilatérales. Il compte à l’heure actuelle 21 membres :  l’Allemagne, l’Australie, la Belgique, le Canada, le Danemark, les États-Unis, la Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie, le Japon, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Qatar, la République de Corée, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse, la Turquie (observateur) et l’Union européenne (observatrice). Ensemble, ces membres fournissent l’essentiel du financement total accordé au Fonds mondial.

L’évaluation qui couvre la période allant de 2017 à 2021 indique très clairement :

  • L’approche opérationnelle flexible et évolutive du Fonds mondial est continuellement revue et permet une réponse agile. Cela a été particulièrement important pendant la pandémie de COVID-19.
  • Fort de ses partenariats inclusifs, le Fonds mondial démontre constamment un engagement soutenu envers toutes les parties prenantes impliquées et encourage l’adhésion.
  • Une focalisation résolue sur les trois maladies a permis au Fonds mondial d’obtenir des résultats solides et de continuer à progresser malgré les défis à court, moyen et long terme.

En dépit de ces résultats positifs, le MOPAN a cependant indiqué qu’il y avait encore la place pour une amélioration nécessaire et substantielle de l’action du Fonds mondial.

Premier défi : Condamné à la perfection.

Exiger à juste titre un niveau de performance exceptionnel pour une organisation comme le Fonds mondial confine parfois à l’extrême rigueur du diagnostic. Rien de plus normal quand on sait que ce qui est en jeu ici c’est la possibilité de sauver des vies humaines. Sans la mise en exergue de ce qui anémie – même très partiellement seulement- l’action du Fonds mondial, il ne peut y avoir de correctifs ni d’ajustements possibles. Or, comme dit le proverbe : « Il suffit d’une graine pourrie pour que tout le sac soit contaminé ».

C’est en ce sens que le MOPAN a invité le Fonds mondial à progresser davantage dans la résolution de problèmes transversaux tels que :

  • La mise en place de systèmes de santé résilients et durables (SSRD),
  • L’égalité des genres et les droits humains
  • L’environnement et les changements climatiques.

 


Source : MOPAN, https://www.mopanonline.org/assessments/globalfund2021/MOPANBrief_2022_GlobalFund_FinalWeb.pdf

Relativement à la construction des systèmes de santé résilients et durables (SSRD), une des questions crash-test que pourrait alors se poser le Fonds mondial est celle de savoir si les installations construites pour la surveillance du VIH pourraient être mobilisées efficacement pour répondre à l’émergence soudaine d’un nouveau virus ?

Relativement à l’égalité des genres et les droits humains, notons qu’en novembre 2021 le Fonds mondial a publié une nouvelle Stratégie (2023-2028) au cœur de laquelle il projette de « Maximiser l’équité en matière de santé, l’égalité de genre et les droits humains ». À l’analyse, il y a de bonnes raisons de penser qu’en adoptant cet objectif, lequel était déjà présent dans la Stratégie 2017-2022, le Fonds mondial n’a fait que prendre un pas d’avance sur les recommandations du MOPAN. En fait, c’est sans doute la sous-performance du Fonds Mondial sur ces aspects transversaux de la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme qui a conduit le MOPAN à y greffer de nouvelles recommandations.

Le second défi du Fonds mondial renvoie à la mission qui sienne dans un contexte mondial marqué les conséquences et les enseignements à tirer de la pandémie de Covid-19.

Deuxième défi : Préserver l’identité et le sens de son action dans une architecture mondiale de la santé qui se complexifie.

Les conséquences néfastes de la pandémie Covid-19 tant sur l’économie, le social que la santé mondiale ont mis en relief le besoin urgent de mesures coordonnées pour renforcer les systèmes de santé et mobiliser des ressources supplémentaires pour la prévention, la préparation et l’intervention en cas de pandémie.

C’est ainsi qu’en septembre 2022, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Banque mondiale ont lancé le FIF (Financial Intermediary Fund) pour la prévention, la préparation et la réponse à la pandémie (PPR). Très concrètement, il s’agira pour le FIF procéder à des investissements à même de renforcer les systèmes de santé et les capacités de prévention, de préparation et de riposte en cas de pandémie aux niveaux mondial, régional et national. Un accent particulier sera mis sur les pays à revenu faible et intermédiaire.

À l’heure actuelle, le FIF bénéficie d’un large soutien des membres du G20. Jusqu’à présent, des engagements ont été pris par l’Australie, le Canada, la Chine, la Commission européenne, la France, l’Allemagne, l’Inde, l’Indonésie, l’Italie, le Japon, la République de Corée, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, Singapour, l’Afrique du Sud, l’Espagne, les Émirats arabes unis, le Royaume-Uni, la Fondation Bill et Melinda Gates, la Fondation Rockefeller et Wellcome Trust. Ces pays et organisations ont promis de mettre à la disposition FIF dans les prochains mois de plus de 1,4 milliard de dollars US.

Si pour certains, le FIF comble une lacune importante de l’architecture sanitaire mondiale, pour d’autres en revanche, il comporte un risque non négligeable de confusion institutionnelle, de dispersion des ressources, de duplication inopportune des interventions.

En effet, tout comme le FIF, le Fonds mondial prévoit au titre de sa Stratégie 2023-2028 investir dans la prévention, préparation et riposte aux pandémies. Cet objectif dit évolutif (p. 53) prolonge en réalité un investissement entamé au plus fort de pandémie de Covid-19. Au terme de la période de mise en œuvre 2021-2023, le Fonds mondial aura investi 4,9 milliards de dollars US, ou 1,5 milliard de dollars US par année – soit environ un tiers de ses investissements totaux – dans les systèmes de santé conventionnels et communautaires au moyen de nos subventions de base et de son dispositif de riposte au COVID-19 (C19RM).

Dans ce contexte, on peut se demander comment s’articulera les actions du FIF et du Fonds mondial. L’un serait-il subordonné à l’autre? L’un prolongera ou complètera-t-il réellement le travail de l’autre ou alors ils travailleront en silo, en parallèle, en vase clos, et ce en dépit des promesses de complémentarité affichées?

Se préparer et répondre efficacement aux pandémies et urgences sanitaires est un défi auquel le monde est plus que jamais confronté. Surmonter ce défi exige un leadership fort et une action collective enracinée dans une collaboration cohérente entre tous les pays et organisations multilatérales en charge de la santé mondiale. Certes, il n’existe pas un modèle d’architecture mondiale de la santé parfait, mais toutes les parties concernées doivent s’efforcer d’harmoniser et de continuellement leurs actions. C’est à cette condition qu’il sera possible de réaliser des investissements intelligents et efficients à même de générer un rendement maximal en vies sauvées.

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