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Augmenter le financement en faveur de la santé pourrait s’avérer le plus grand défi du Fonds mondial
OFM Edition 117

Augmenter le financement en faveur de la santé pourrait s’avérer le plus grand défi du Fonds mondial

Author:

Arlette Campbell White

Article Type:
Entretien

Article Number: 3

Entretien avec Gavin George, membre du Conseil d’administration d’Aidspan

RÉSUMÉ Aidspan s’est entretenu avec Gavin George, la dernière recrue du Conseil d’administration d’Aidspan, au sujet de son travail, qui fusionne l’économie et la psychologie comportementale, et de sa pertinence au regard du renforcement des systèmes de santé et de l’augmentation du recours aux services de santé. Gavin, qui apporte plusieurs disciplines – l’économie, la psychologie et la science du comportement – à son travail dans le domaine du VIH/sida, de l’éducation sexuelle des adolescents, de la migration sanitaire et du financement de la santé, pour ne citer que quelques-uns de ses sujets de prédilection, est par ailleurs membre du Groupe consultatif technique de l’Organisation mondiale de la Santé sur les connaissances et les sciences comportementales pour la santé.

Le professeur Gavin George est la dernière recrue du Conseil d’administration d’Aidspan. Il dirige le programme de renforcement des systèmes de santé de la Division Économie de la santé et recherche sur le sida (HEARD, selon son acronyme anglais) de l’Université du KwaZulu-Natal située à Durban, en Afrique du Sud. HEARD mène des recherches sur les aspects socio-économiques de la santé publique, en particulier dans le cadre de l’épidémie de VIH/sida en Afrique. Le terrain d’étude de l’organisation couvre l’ensemble du continent africain, ses recherches sur l’ensemble de la région ayant une incidence sur les politiques et programmes régionaux.

Gavin est économiste et spécialiste des sciences du comportement, se consacrant plus précisément à la recherche dans le domaine des systèmes de santé. Il a travaillé sur un certain nombre de projets dans le domaine du renforcement des systèmes de santé, plus particulièrement des questions économiques, psychosociales et comportementales en lien avec le VIH/sida.

Pouvez-vous dire quelques mots sur vous-même et votre parcours pour nos lecteurs ?

Je suis sud-africain, originaire de Durban, où j’ai étudié et où je vis et travaille aujourd’hui. J’adore Durban, la troisième ville d’Afrique du Sud (après Le Cap et Johannesburg), celle qui a l’ambiance la plus décontractée.

J’ai fait mes études à l’Université du KwaZulu-Natal, et j’ai rejoint HEARD en tant que chercheur débutant en 2000, peu de temps après sa création par Alan Whiteside. Nous étions à peine cinq à l’époque ! Depuis, HEARD a connu une croissance exponentielle et est actuellement dirigé par le professeur Nana Poku, qui est également vice-chancelier et recteur de l’Université.

Ma discipline, c’est l’économie, et pendant les premières années, la grande problématique en matière de VIH concernait le traitement, ou plutôt l’absence de traitement. L’Afrique du Sud ne le déployait pas à cette époque. Alan, Tony Barnett et moi-même travaillions avec le secteur privé pour préparer un argumentaire pour convaincre les entreprises qu’elles devaient investir dans la santé de leurs employés. Nous faisions des recherches sur le coût économique pour les entreprises en fonction de deux scénarios – la fourniture de soins de santé généraux et liés au VIH à leurs employés par l’intermédiaire d’une assurance maladie ou la fourniture de services de santé sur le lieu de travail, par opposition au coût que cela supposerait de recruter de nouveaux employés, de les former et d’attendre qu’ils acquièrent de l’expérience. Nos recherches ont montré que la première option était la plus rentable sur une période de sept ans.

Au cours des dix dernières années, mon travail s’est axé, pour deux tiers environ, sur l’impact disproportionné du VIH sur les adolescents, plus particulièrement les adolescentes et les jeunes femmes. Ces travaux étaient financés, et continuent de l’être, par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). J’ai apporté une assistance technique au ministère de l’Enseignement élémentaire de l’Afrique du Sud, à la tête d’une équipe chargée d’élaborer la stratégie du ministère en matière de VIH/sida, d’infections sexuellement transmissibles et de tuberculose en milieu scolaire pour la période 2012-2016, une politique relative aux grossesses des apprenantes et des protocoles sur le signalement d’abus et de harcèlement sexuels. Actuellement, je travaille à la fois avec le ministère sud-africain de l’Enseignement élémentaire et USAID sur la mise en œuvre de programmes d’éducation sexuelle et de prévention du VIH fondés sur des données probantes. Nous testons des programmes d’éducation complète à la sexualité en milieu scolaire, notamment les plans de leçons, les supports didactiques pour les éducateurs et la formation. Le projet a initialement été déployé dans cinq provinces, et a plus tard été élargi à 7 provinces. L’objectif est de former 10 000 éducateurs et atteindre un demi-million d’apprenants. Notre travail est centré sur le programme DREAMS (acronyme anglais pour déterminées, résilientes, autonomes, sans sida, mentorées et en sécurité), un partenariat visant à réduire le VIH/sida chez les adolescentes et les jeunes femmes dans 10 pays d’Afrique australe. J’ai également réalisé des analyses d’économie politique au Malawi en matière d’éducation complète à la sexualité et de services aux adolescents, en collaboration avec le Centre africain de recherche sur la santé et la population (APHRC).

En collaboration avec des partenaires, HEARD a mené l’évaluation du programme DREAMS pour l’Afrique du Sud, et nous publions à présent plusieurs articles à ce sujet, notamment sur la première étude épidémiologique montrant que l’éducation complète à la sexualité a un impact sur les principaux indicateurs relatifs aux adolescentes et aux jeunes femmes.

Ma thèse de doctorat portait sur un sujet très différent, à savoir la migration sanitaire depuis la perspective de différentes approches économiques, comme l’incitation, la parité du pouvoir d’achat, ce qui attire les différents cadres de la main-d’œuvre sanitaire vers différents pays et pourquoi, tout en observant les facteurs internes et externes incitant les personnes à quitter leur pays et à émigrer. Nous avons élargi notre groupe de sujets pour inclure des enseignants, et nous avons actuellement six études de chaque ensemble de travailleurs de deux pays/une région (Inde et Afrique du Sud, et Caraïbes).

Nous savons que le quatrième objectif de la nouvelle stratégie du Fonds mondial relatif à la mobilisation de ressources accrues est de mettre davantage l’emphase sur le financement de la santé et le plaidoyer en faveur de ressources nationales accrues pour la santé. Parlez-nous de votre travail dans le domaine du financement de la santé.

Je travaille avec l’Université d’Otago située à Dunedin, en Nouvelle-Zélande, dans le cadre de son programme de santé mondiale, pour lequel je représente l’Afrique, et à l’Université de Lund, en Suède, dans le domaine de la couverture sanitaire universelle et du financement de la santé. Nous organisons déjà des cours sur le financement de la santé et la couverture sanitaire universelle, que nous élargirons pour proposer un master en financement de la santé dans les prochaines années. Pour l’instant, un programme de dix semaines est mis à l’essai à Lund, qui peut être suivi en ligne ou en présentiel. Les étudiants peuvent choisir le format qui leur convient le mieux et investir le temps qu’ils veulent dans l’apprentissage, sans être limités par des périodes fixes, avec moins d’enseignement didactique et davantage d’apprentissage autonome. Cela deviendra potentiellement un module au sein d’un programme plus large de master en santé mondiale, mais pour le moment il s’agit d’un module autonome, qui continuera d’être proposé comme tel.

Parlez-nous de vos travaux faisant le lien entre l’économie et les sciences du comportement et la santé.

J’ai récemment été nommé membre du Groupe consultatif technique de l’OMS sur les connaissances et les sciences comportementales pour la santé, qui se compose d’experts représentant un large éventail de disciplines d’intérêt pour les connaissances et les sciences comportementales, notamment la psychologie, l’économie comportementale, l’anthropologie et le marketing social. Le groupe rassemble également une vaste expérience en matière de conception et de mise en œuvre de politiques et de programmes nationaux en matière de santé éclairés par les connaissances et les sciences comportementales, d’évaluation de l’impact des initiatives de santé publique éclairées par les connaissances comportementales dans les pays à revenu faible ou intermédiaire et de création ou de gestion d’unités de connaissances comportementales au sein des organisations.

Cela rejoint mes recherches en Afrique orientale et australe sur les problématiques comportementales qui influence les prestations de services, le faible recours aux services de santé et la manière d’augmenter la demande de certains services. Dans ce contexte, nous avons étudié les prestations de services différenciés pour les personnes vivant avec le VIH au Zimbabwe, le traitement préventif de la tuberculose chez les enfants en Eswatini et l’achèvement du traitement antituberculeux en Afrique du Sud, travaux financés par l’Institut national de la santé. Nous avons également mené des recherches dans le domaine de l’autodépistage du VIH au Kenya et en Ouganda, avec le soutien de la Fondation Bill et Melinda Gates. Nous avons utilisé la méthodologie de l’expérience à choix discrets, une méthode quantitative de plus en plus utilisée dans le domaine des soins de santé pour découvrir les préférences des participants (patients, payeurs, commanditaires) sans leur demander directement de citer leurs options préférées. Nous avons utilisé cette méthode pour les recherches sur l’autodépistage du VIH, et avec des adolescents au sujet de la question de la circoncision en Afrique du Sud.

Récemment, le Groupe consultatif technique de l’OMS s’est penché sur le problème de la réticence face au vaccin contre la COVID-19 au sein des groupes clés, la formulation de messages personnalisés, etc., en s’appuyant sur les connaissances comportementales pour déterminer les principaux facteurs de décision qui poussent les gens à se faire vacciner ou non.

Les unités de connaissances comportementales acquièrent une importance croissante partout dans le monde. Une des « unités coup de pouce » les plus connues a été mise en place en 2010 par le Cabinet du Premier ministre britannique David Cameron pour appliquer les principes de la science du comportement aux politiques publiques et, ainsi, mettre au point des interventions visant à modifier certains comportements. Des unités coup de pouce font depuis leur apparition partout dans le monde pour s’attaquer à des problèmes comme l’obésité, le tabagisme ou la résistance aux antibiotiques, pour ne citer que quelques exemples.

En quoi le travail d’Aidspan vous attire-t-il ?

Sa mission de suivi stratégique et de gouvernance, qui est non seulement importante mais présente en outre une excellente opportunité si nous parvenons à influencer et à évaluer la manière dont le Fonds mondial utilise les ressources limitées. Aidspan occupe une position unique pour ce faire, malgré certaines limitations. Elle doit conserver son indépendance et sa neutralité sur ces questions, et son modèle d’organisme de surveillance serait utile pour d’autres grandes entités donatrices, afin d’évaluer leur influence sur les dépenses du Fonds mondial.

Quelle influence pensez-vous que les réductions de financement des donateurs vont avoir sur la mission d’Aidspan ?

D’autres organisations ont dû s’adapter aux priorités changeantes des donateurs, et Aidspan n’échappe pas à ce phénomène. La COVID-19 va avoir des répercussions supplémentaires sur la disponibilité de fonds des donateurs. L’aide internationale au développement diminue dans certains pays. C’est extrêmement problématique, et les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire ont besoin de fonds pour faire face à la COVID-19 et remédier aux faiblesses de leurs systèmes de santé. Les organisations non gouvernementales sont elles aussi affectées par l’évolution des priorités de financement.

Les ONG vont devoir réévaluer leurs stratégies et les adapter. Aidspan doit se tourner vers l’avenir, être proactive et essayer d’anticiper les priorités des donateurs à l’avenir.

En tant qu’ONG, Aidspan doit elle aussi s’adapter – devons-nous continuer de faire ce que nous faisons, ou apporter des changements significatifs pour rester pertinents et pérennes ?

La COVID-19 est l’élément le plus évident qu’Aidspan doit inclure dans ses axes de travail, et nous l’avons fait en augmentant le nombre d’articles consacrés aux différents aspects de la pandémie publiés dans l’Observateur du Fonds mondial. Une autre grande problématique en Afrique concerne les vaccins : nous devons être parmi les chefs de file du plaidoyer et du lobbying en faveur de la mobilisation de ressources pour la vaccination dans nos pays.

Le financement de la santé et le renforcement des systèmes de santé en général sont cruciaux, et la pandémie a mis en lumière les déficiences, qui sont désormais encore plus apparentes dans de nombreux pays. Ces problèmes ne sont pas près de disparaître, et Aidspan doit être là pour enquêter sur eux et faire connaître les résultats de ces travaux de recherche.

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