Fonds mondial: Faites vos devoirs sur les systèmes résistants et pérennes pour la santé !
Author:
Aidspan
Article Type:Article Number: 6
Critique de l'approche du Fonds mondial en matière de renforcement des systèmes de santé, cet article se penche sur divers rapports générés par le Fonds mondial sur les systèmes résistants et pérennes pour la santé (SRPS/RSSH) afin d'examiner ce qu'il ne dit pas et ce qu'il doit faire plutôt que d'être normatif. L'article s'inscrit dans le contexte de la réunion du Comité stratégique du Fonds mondial du 10 juillet 2024, qui a examiné le fonctionnement de la composante SRPS.
Lors de la réunion du comité stratégique, prévue le 10 juillet 2024, les membres ont été invités à répondre à un certain nombre de questions concernant le renforcement du système de santé. À cette fin, des documents ont été partagés qui ont été produits au cours des 6 dernières années : Recommandations et analyses du Comité technique d’examen (CTE), cartographie des investissements à la demande du Groupe de référence pour l’évaluation technique (TERG), proposition d’un nouveau cadre de réflexion et d’évaluation du Resilient Sustainable Strengthening (4S). Il s’agit du modèle de maturité du système de santé où les 4S font référence aux étapes de démarrage, d’appui, de renforcement et de durabilité, et constitue le cadre analytique pour les investissements dans les systèmes résistants et pérennes pour la santé (SRPS).
Les pièges d’une réflexion trop théorique déconnectée des outils existants
A la lecture des documents, on est surpris de voir à quel point l’analyse est centrée sur le système et sur les priorités du Fonds mondial, et non sur les patients, malgré une évolution du cadre conceptuel promu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et qui n’est pas récente. Il semblait que nous avions dépassé les faux clivages liés à la remise en cause de la contribution au système de la prestation de services VIH, tuberculose ou paludisme par rapport aux actions propres de renforcement des systèmes de santé (RSS). Or, ceux-ci réapparaissent dans le document, alors que nous avons depuis longtemps tourné la page, et que la réflexion qui nous préoccupe aujourd’hui est liée à la fonctionnalité de plateformes de prestation de services aussi complètes que possible. En effet, si le recours aux soins est une expérience coûteuse, difficile dans certains environnements, et parfois en contradiction avec les normes socioculturelles, il faut le rendre le plus accessible possible. La définition de la qualité de l’OMS est suffisamment large pour convenir à tous et facilite l’évaluation de la fonctionnalité des établissements de santé pour les patients. L’expérience du patient s’améliore-t-elle ? Leur permet-elle de diagnostiquer correctement leurs pathologies, de les traiter sans les abîmer et d’identifier d’autres problèmes de santé à traiter ?
Les autres secteurs de la santé, qui pèsent plus lourd que le VIH et la tuberculose, et qui doivent se greffer sur les plateformes existantes, sont peu évoqués : diabète, hypertension, santé maternelle et néonatale, maladies cardio-vasculaires. Les documents parlent d’intégration (notamment entre les 3 maladies et le RSS), mais ne mentionnent pas l’intégration avec le reste des priorités, qui sont pourtant urgentes car elles pèsent sur le financement du système actuel, et comportent une composante prévention importante. Une bonne prévention du diabète et de l’hypertension, ainsi que des efforts pour engager les femmes dans les soins prénataux (ANC) et postnataux (PNC), auront un impact presque immédiat sur les indicateurs de santé. N’est-ce pas là notre objectif ?
La responsabilité du Fonds mondial dans l’amélioration de la cohérence et de l’alignement de la planification et de la mise en œuvre
L’étude approfondie du SRPS menée par le CTE et l’examen des contributions du Bureau de l’inspecteur général (BIG) suggèrent que le Secrétariat devrait être plus directif quant aux priorités que le Fonds mondial acceptera de financer au cours du prochain cycle de subvention (CS8), et développer sa théorie du changement pour ce qui est attendu de ces investissements dans le RSS. De telles suggestions soulèvent des questions sur la manière dont nous envisageons le rôle du Fonds mondial par rapport aux pays bénéficiaires. Et ce qu’il reste du principe d’appropriation par les pays. En effet, si des priorités doivent être identifiées, elles doivent émaner des ministères de la santé, qui doivent, sur la base de leur stratégie nationale (le plan national de développement sanitaire), décider de ce qu’ils veulent proposer au Fonds mondial. Le Fonds mondial présente un certain nombre de caractéristiques spécifiques qui doivent être prises en compte : le financement est assuré pour une période de trois ans, les acteurs de la mise en œuvre peuvent être les ministères de la santé (pas d’obligation de passer par une unité spécifique ou une agence des Nations unies), et les investissements dans le domaine du RSS déjà engagés lors des cycles précédents nécessitent souvent une continuité. Plutôt que d’être prescriptif à l’égard des pays, il est conseillé de s’engager davantage en faveur de l’alignement entre les donateurs et de la simplification des procédures lourdes, des exigences en matière de rapports et d’audits multiples qui peuvent entraver une mise en œuvre efficace.
Ces dernières années, les investissements dans le renforcement des systèmes de santé (RSS) ont considérablement augmenté. Cependant, ces fonds ne sont pas toujours bien coordonnés. Les investissements dans le RSS sont répartis entre différents processus de financement tels que les cycles de subventions spécifiques aux maladies, les subventions autonomes pour le RSS et le mécanisme de réponse Covid-19 (C19RM). En raison de la brièveté des délais pour les demandes de financement, les demandes de financement spécifiques à une maladie sont présentées simultanément dans différents endroits, ce qui entraîne des discussions fragmentées et un manque d’harmonisation, l’accent étant mis uniquement sur les aspects du RSS spécifiques à une maladie. En outre, les modalités de mise en œuvre impliquent souvent des subventions multiples dans le cadre de programmes spécifiques à la maladie, tandis que les responsables de la mise en œuvre du RSS appartiennent souvent à des directions du ministère de la santé différentes de celles qui sont chargées des programmes de lutte contre la maladie. Enfin, les investissements du Fonds mondial dans le RSS n’ont pas le même calendrier ni les mêmes cadres de performance, et ils incluent également les innombrables fonds catalytiques pour le financement des domaines prioritaires de SRPS qui pourraient ne pas être couverts de manière adéquate par les allocations nationales.
Aux subventions du Fonds mondial s’ajoutent celles de ses partenaires tels que la Fondation Warren Buffet, puis les partenaires multilatéraux et bilatéraux des pays tels que Gavi, l’Alliance pour la vaccination, la Banque mondiale, l’USAID, sans oublier d’autres secteurs privés, etc. Tous ces donateurs, indépendamment du Fonds mondial, financent le renforcement du système de santé selon leurs propres modalités, avec des priorités qu’ils peuvent fixer unilatéralement à partir de leurs propres plans d’investissement stratégiques, des modalités et des procédures de mise en œuvre différentes, des calendriers et des modèles de rapport et d’audit spécifiques. Cela crée une concurrence entre les donateurs, car les coûts ne sont pas harmonisés, les acteurs de la mise en œuvre privilégient les fonds qui sont plus flexibles et faciles à engager et à justifier plutôt que ceux provenant des subventions du Fonds mondial. La complémentarité n’est donc pas assurée ; au contraire, il est courant de rencontrer des situations où les propositions se chevauchent et font double emploi.
Si le CS8 appelle à un effort de rationalisation encore plus important, il est temps de changer ces habitudes de travail néfastes, avant de proposer de nouvelles théories du changement. Faites vos devoirs : alignez vous sur les donateurs, soutenez les services centraux des ministères confrontés à leurs propres difficultés de planification et de mise en œuvre, et mesurez vos succès par rapport aux indicateurs existants (taux d’utilisation des services, taux de services préventifs et curatifs, incidence des principales pathologies).
Comme l’a souligné le BIG dans son rapport sur l’évaluation de la stratégie, le partenariat qui semble bien fonctionner pour les 3 maladies n’a pas encore pris forme pour le RSS. Et si des efforts ont été faits entre les sièges, la communication dans les pays est faible : chaque donateur mène ses propres projets sans se soucier des autres, la transparence et le partage de l’information restent difficiles, et les rythmes de planification empêchent le ministère d’appeler à l’alignement sur ses priorités. Malheureusement, l’Instance de coordination nationale (ICN) du Fonds mondial ne contribue que très peu à cette recherche d’alignement entre les donateurs, car son mandat ne concerne que les ressources du Fonds mondial, même si de nombreux autres donateurs de RSS disposent d’un siège dans les ICN et que cela devrait être l’une de ses tâches prioritaires, au même titre que le plaidoyer en faveur d’un cofinancement plus élevé et de ressources nationales pour la santé, et pas seulement pour des activités liées à des maladies spécifiques. Les exigences de cofinancement des donateurs doivent être mieux alignées, car la plupart d’entre elles sont adressées aux mêmes ministères de la santé et des finances.
Il est nécessaire de simplifier les procédures et de chercher des solutions aux principaux goulets d’étranglement : la passation des marchés, le manque de flexibilité dans la reprogrammation avec parfois trop de retards dans le retour d’information des secrétariats (une demande de reprogrammation peut prendre plus de six mois pour être approuvée avec de multiples allers-retours), et dans les contextes d’intervention difficiles qui (COE) doivent vivre avec un agent fiduciaire, s’assurer que ce dernier comprend l’engagement qui le lie à la performance financière et programmatique.
Dans un contexte de raréfaction des ressources du CS8, et alors que les pays bénéficiaires peinent eux-mêmes à financer leurs systèmes de santé, il est intolérable de voir les fonds revenir à Genève, en particulier ceux du RSS. Car ce sont les seuls fonds qui bénéficient à l’ensemble du système et qui permettent de renforcer la qualité et la disponibilité des soins pour les femmes enceintes, les enfants et les patients souffrant de pathologies qui sont devenues les crises épidémiologiques du 21ème siècle.
Le Fonds mondial a choisi de renforcer ces systèmes sur le long terme, ce qui implique un changement de modèle qu’il va falloir accepter, plutôt que de faire des ajustements techniques qui ne sont que des pansements sur une jambe de bois. Sécuriser les financements pour renforcer le système, uniformiser sa gestion pour soulager les ministères qui doivent pouvoir compter sur plusieurs sources de financement, se placer au niveau des exécutants pour leur faciliter la tâche, et rester flexible dans d’éventuelles réorientations ou mises à l’échelle sont les bases de l’efficacité de ces fonds.
Après 22 ans d’existence, il est temps pour le Fonds mondial d’assumer ses responsabilités en soutenant le pays dans son plan d’action de RSS, et en facilitant le ministère de la santé pour le financement et la coordination inter-donateurs afin de planifier la complémentarité des organisations/agences de financement disparates pour la réalisation des priorités stratégiques du pays. Les investissements du Fonds mondial dans le renforcement du système ne seront efficaces que s’ils renforcent la bonne gouvernance du financement de la santé et soutiennent les priorités épidémiologiques du pays de manière cohérente avec les autres donateurs. Il n’est pas nécessaire d’élaborer de nouveaux modèles, des lignes directrices et des indicateurs spécifiques, car les pays suivent les recommandations de l’OMS et disposent de leurs propres systèmes. Prendre l’initiative de soutenir les priorités à long terme des pays, fournir les outils adaptés dont le ministère de la santé a besoin pour mieux planifier et suivre les activités qui contribuent à répondre aux besoins de santé de la population et jouer un rôle de modèle de partenariat transparent et efficace avec les ministères.