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Voici un aperçu de l’étude RISE sur les instances de coordination nationales : prochaines étapes et que pouvons-nous en apprendre ?
OFM Edition 169

Voici un aperçu de l’étude RISE sur les instances de coordination nationales : prochaines étapes et que pouvons-nous en apprendre ?

Author:

Groupe d’étude RISE

Article Type:
ANALYSE

Article Number: 5

Le rapport RISE est une étude indépendante menée par des organisations de onze pays, qui se sont réunies pour décider collectivement des contours de la recherche qu'elles allaient entreprendre sur les Instances de coordination nationales (ICN) du Fonds mondial. Cet article se concentre sur les coulisses de la première réunion à Casablanca, sur l'histoire et l'évolution des ICNs au sein de la structure du Fonds mondial et se termine par la feuille de route et les recommandations du groupe d'étude RISE.

Notes de Casablanca où tout a commencé…

 

Treize militants et chercheurs de onze pays différents ont mis la dernière main au sucre et au lait de leur café et ont pris place autour d’une grande table en bois à Casablanca, au Maroc. Le voyage vers cette réunion a été très long pour certains, les partenaires venant du Cameroun, du Burkina Faso, de France, du Kenya, de Malaisie, du Mozambique, de Thaïlande, d’Afrique du Sud, d’Ouganda et des États-Unis. Nous ne parlions pas la même langue et nous n’avions jamais travaillé ensemble auparavant, mais notre tâche était claire : nous voulions planifier une étude de recherche mondiale sur les instances de coordination nationales (ICN) du Fonds mondial. Au cours de la semaine, ces activistes et chercheurs ont formé un comité de pilotage qui a travaillé ensemble à travers les langues, les pays et les cultures pour construire une étude visant à mesurer les sujets les plus importants pour la communauté. Nous avons coconçu chaque indicateur, discuté de chaque décision méthodologique et débattu des divergences d’opinions. Ce fut une démonstration impressionnante d’une démocratie rarement appliquée à la conception de la recherche. À la fin de la semaine, nous avons dû décider comment nous appeler. Après tout, chaque étude a besoin d’un nom. Nous avons voté à la majorité pour devenir le groupe d’étude RISE, qui signifie Representation, Inclusion, Sustainability, and Equity in CCMs and Global Fund Processes (Représentation, Inclusion, Durabilité et Equité dans les ICNs et les processus du Fonds mondial). C’est là, au cours de discussions franches autour d’un couscous et d’un tajine marocains, au début de l’année 2023, que nous avons commencé à apporter des données communautaires aux décideurs du Fonds mondial[1] .

 

 

 

Première réunion du comité de pilotage de RISE à Casablanca, au Maroc, en février 2023. Parmi les participant(e)s figurent Ghita Zaoui (Association de Lutte Contre le Sida), Daniel Simões (Coalition PLUS), Léo Deniau (AIDES), César Mufanequico (MATRAM), Jennifer Sherwood (amfAR), K. Victor Ghislain Some (REVS PLUS), Serge Douomong Yotta (Coalition Plus), Samir Fakhar (interprète), Mohammed Elkhammas (Association de Lutte Contre le Sida), Nadira Regrag (interprète). (Assis, de gauche à droite): Fogué Foguito (Positive Generation), Alana Sharp (O’Neill Institute for National and Global Health Law), Peter Njane (Ishtar MSM), Sibongile Tshabalala (Treatment Action Campaign), Kuraish Mubiru (Uganda Young Positives), Naoual Laaziz (Association de Lutte Contre le Sida), et Thitiyanun Nakpor (Sisters).

 

Nous ne partions pas de zéro ; en fait, le Fonds mondial cherche depuis longtemps à obtenir la contribution des communautés à ses processus et programmes clés.

 

Historique de la stratégie des ICNs

 

Dans sa Stratégie 2023-2028, le Fonds mondial a été sans équivoque : l’engagement significatif des communautés n’est pas facultatif, c’est une exigence absolue.  Le leadership des communautés les plus touchées est un pilier essentiel de l’ensemble du programme, c’est comme le pied d’une chaise ; sans lui, c’est toute la structure qui s’écroule.  L’un des principaux moyens dont disposent les communautés pour s’engager auprès du Fonds mondial est l’instance de coordination nationale (ICN). L’ICN est l’organe multipartite chargé de rédiger la demande de financement, de sélectionner les récipiendaires principaux (PR) et de superviser la mise en œuvre des subventions. Les représentants de l’ICN comprennent des membres de tous les secteurs impliqués dans la réponse, y compris la communauté, la société civile, les agences multilatérales et bilatérales, les institutions académiques, le secteur privé et le gouvernement. Selon le Fonds mondial, l’ICN est l’une des pierres angulaires de l’ensemble du modèle, un véritable exemple de démocratie multisectorielle qui vise à donner à chaque membre un pouvoir de vote égal.

 

En réalité, le niveau d’ouverture et de fonctionnement des ICNs est très variable, certaines d’entre elles étant des espaces très compliqués pour l’engagement communautaire. Les membres des communautés peuvent être limités par les ressources, les différences de pouvoir et le manque d’accès à l’information. En effet, la conception et la supervision de subventions importantes et multi-maladies sont techniquement difficiles, prennent beaucoup de temps et les membres de la communauté ont souvent un emploi à temps plein ailleurs. La dynamique du pouvoir au sein de l’ICN peut rendre difficile la défense des besoins des communautés, d’autant plus que presque tous les pays dotés d’une ICN ont une forme ou une autre de criminalisation des populations clés.  Être membre d’une ICN peut signifier s’exposer aux brimades, à l’intimidation ou à la révélation forcée de son statut de LGBT dans un contexte national hostile.

 

Pour améliorer les ICNs, le Fonds mondial a investi dans le projet pilote ICN Evolution et l’Initiative stratégique, qui visaient à améliorer la supervision, l’engagement, le positionnement et les opérations des ICNs.  Alors que l’ICN Hub poursuit son travail, l’Initiative stratégique s’est achevée en 2023. Pour permettre aux communautés de s’engager auprès des ICNs et les aider à le faire, le Fonds mondial a introduit trois « attentes minimales » en matière d’engagement communautaire lors de la réunion du Conseil d’administration de novembre 2022. Ces attentes sont les suivantes 1) les communautés soient consultées lors de l’élaboration des demandes de financement ; 2) les représentants des ICNs communautaires reçoivent « des informations sur l’état d’avancement des négociations de la subvention « ; et 3) les représentants des ICNs communautaires aient « accès en temps voulu aux informations sur la mise en œuvre du programme. ».

 

La mesure dans laquelle ces attentes minimales sont satisfaites est une question très importante pour les communautés, à laquelle l’étude RISE entendait répondre par le biais d’une étude globale.

 

Résumé des résultats de l’étude RISE

 

Plus précisément, l’étude RISE a mesuré la participation, l’engagement et le pouvoir de la communauté sur l’ICN du point de vue des membres de la communauté sur et en dehors de l’ICN.

 

 

Grâce à une enquête menée dans 83 pays auprès de plus de 600 participant(e)s et à des entretiens approfondis avec près de 50 autres participant(e)s, l’étude RISE a mis en évidence de nombreux exemples positifs et quelques difficultés généralisées en matière d’engagement communautaire. Dans l’ensemble, l’étude a révélé une large approbation du modèle ICN, les personnes interrogées soulignant que dans la plupart des pays, l’ICN est le seul espace où les communautés peuvent s’asseoir dans la salle avec les représentant(e)s du gouvernement et les donateurs et prendre des décisions concernant le système de santé. Les données de RISE ont également révélé de nombreuses stratégies employées par les membres des ICNs communautaires pour faire entendre leur voix au sein des ICNs, telles que l’organisation de réunions pré-ICN de la société civile ou la rédaction de rapports parallèles destinés au Fonds mondial si la demande de financement soumise ne reflétait pas suffisamment les points de vue de la communauté.

 

 


Présentation des résultats de RISE à l’ICASA à Harare (décembre 2023)

 

Toutefois, les participant(e)s à l’étude ont souligné les difficultés d’une participation significative :

 

Défis rencontrés par les représentant(e)s des ICNs

  • Tout d’abord, les communautés n’ont pas été suffisamment impliquées dans le processus de prise de décision à un stade avancé du cycle de subvention. La participation a fortement diminué après l’élaboration de la demande de financement et les communautés étaient moins susceptibles d’être impliquées dans les tâches de budgétisation et de supervision au sein de l’ICN que les membres de l’ICN n’appartenant pas à la communauté.
  • Deuxièmement, les membres des communautés ne disposaient pas toujours des outils et des ressources nécessaires pour participer aux activités des ICNs. Il s’agit notamment des lacunes en matière de financement et de remboursement des dépenses, des retards dans la transmission des documents, données et rapports nécessaires, de la non-disponibilité des documents traduits, du manque d’accessibilité des données de supervision et des lacunes en matière de formation et de soutien pour développer les compétences nécessaires à l’engagement des ICNs.
  • Enfin, les communautés sont victimes d’une discrimination et d’une intimidation généralisées au sein des ICNs, ce qui nécessite une réponse immédiate. Nous devons tous veiller à ce que les communautés aient les moyens de s’exprimer au sein des ICNs. Il s’agit notamment de veiller à ce que chacun puisse s’exprimer en toute sécurité et de prévenir la stigmatisation, la discrimination, l’intimidation et les représailles.

 

Les résultats complets sont disponibles dans le rapport RISE, publié le 22 avril 2024.

 

L’étude RISE dans les forums internationaux

 

Les résultats de RISE ont été partagés dans plusieurs enceintes internationales, notamment lors de la Conférence internationale sur le SIDA et les IST en Afrique (ICASA) au Zimbabwe en décembre 2023 et dans le cadre d’un atelier de renforcement des compétences sur   au Cameroun.

 

 


Participants à l’atelier RISE organisé à l’AFRAVIH à Yaoundé (avril 2024).

 

Le rapport final de l’étude RISE a été présenté lors d’un événement parallèle à la 51e réunion du Conseil d’administration du Fonds mondial à Genève en avril 2024. Plusieurs délégations du Conseil d’administration ont participé à cet événement et l’ont coparrainé : Allemagne, Canada/Suisse/Australie, Communautés, ONG des pays en développement, États-Unis, France, Fondations privées, Afrique australe et orientale, et Afrique occidentale et centrale. En outre, des représentant(e)s d’ICN Hub et du département Communauté, droits et genre ont participé à l’événement. Les panélistes ont validé les conclusions de l’étude, souligné leurs propres expériences en tant qu’ancien(ne)s représentant(e)s d’ICN et affirmé leur soutien au renforcement du fonctionnement des ICNs.  Les membres du Conseil ont décrit l’ICN comme la « seule structure qui donne une voix égale à tout le monde », ont partagé leurs expériences personnelles d’intimidation dans leurs maisons alors qu’ils étaient représentants de l’ICN, et ont appelé l’ICN « le centre de gravité du modèle du Fonds mondial ».

 

 


Membres du comité de pilotage de RISE lors de la réunion du Conseil d’administration du Fonds mondial (avril 2024). De gauche à droite : Anushiya Karunanithy (Conseil malaisien de lutte contre le sida), Alana Sharp (O’Neill Institute for National and Global Health Law), Léo Deniau (Aides), Jennifer Sherwood (amfAR), Serge Douomong Yotta (Coalition Plus), Sibongile Tshabalala (Treatment Action Campaign).

 

 

Recommandations de l’étude RISE

 

Le rapport RISE comprend sept recommandations visant à renforcer l’engagement des communautés dans les ICNs, qui ont été élaborées par le comité de pilotage de RISE :

  1. Renforcer les initiatives menées par le Secrétariat pour informer les représentant(e)s des ICNs et les autres partenaires du Fonds mondial sur les politiques et les lignes directrices des ICNs.
  2. Accroître le soutien à l’engagement communautaire tout au long du cycle de trois ans.
  3. Mettre en œuvre des mécanismes de partage des données qui garantissent une information ponctuelle, accessible et traduite sur la performance et le financement des subventions.
  4. Créer des flux de financement qui soutiennent le mentorat de pair-à-pair des représentant(e)s des ICNs communautaires.
  5. Mettre en œuvre des mécanismes d’établissement de rapports qui garantissent des flux de financement suffisants et transparents pour la participation des communautés aux mécanismes du Fonds mondial.
  6. Mettre en place un forum d’apprentissage transnational pour les représentant(e)s des ICNs communautaires.
  7. Renforcer les mécanismes de responsabilisation pour signaler les fautes et les abus ; renforcer la dénonciation et étendre les activités de sensibilisation.

 

Le groupe RISE élabore actuellement une feuille de route pour la mise en œuvre des recommandations de l’étude.

 

Feuille de route pour la mise en œuvre

 

  1. Diffuser l’information

Le Fonds mondial et ses partenaires doivent prendre des mesures pour mieux diffuser et clarifier leurs politiques relatives aux ICNs. Les conclusions de l’étude RISE indiquent que de nombreux représentant(e)s des ICNs et leurs groupes d’intérêt ne savent pas exactement qui peut et doit être membre de l’ICN, quel financement est disponible pour soutenir leur engagement, quels sont leurs devoirs et leurs droits en tant que membres de l’ICN et comment s’adresser à l’échelon supérieur lorsqu’ils rencontrent des difficultés. Une documentation claire, des formations, des ateliers et d’autres activités de sensibilisation pour s’assurer que toutes les personnes qui s’engagent auprès de l’ICN sont informées et sensibilisées.

 

  1. Aligner la stratégie de financement

Il est nécessaire d’harmoniser et de renforcer tous les flux de financement liés aux ICNs, afin que les personnes soient rémunérées équitablement pour leur travail au sein de l’ICN et qu’aucun membre de l’ICN ne soit empêché de s’engager de manière significative en raison de ses frais personnels. Si le Secrétariat, les pays donateurs et d’autres partenaires techniques contribuent au financement des ICNs, tous ces partenaires doivent travailler ensemble à l’élaboration d’une stratégie harmonisée, à la coordination des calendriers et des formulaires de demande lorsque les communautés sollicitent un soutien, et à la garantie qu’aucun pays ou région n’est laissé pour compte. Le financement des ICNs doit en outre permettre aux communautés de se préparer aux réunions, d’organiser des séances de rétroaction, de recueillir des informations, d’analyser des données et de préparer des points de discussion. Les accords de financement conclus entre les ICNs et le Secrétariat doivent être visibles pour tous les membres des ICNs.

 

  1. Supprimer les obstacles à la supervision des subventions

Le Fonds mondial a confié aux ICNs la responsabilité de superviser les performances des subventions et des PR, mais l’étude RISE a mis en évidence d’importants obstacles à ce travail. Alors que les communautés ont un rôle essentiel à jouer dans la supervision, il n’existe actuellement aucune base de données publique en ligne contenant des informations détaillées sur les budgets des subventions. Même les budgets détaillés des demandes de financement ne sont plus disponibles en ligne. Alors que les bénéficiaires principaux (PR) peuvent et doivent partager des informations sur les subventions avec les représentants des ICNs, les données de RISE montrent que dans de nombreux pays, il est difficile d’accéder à suffisamment d’informations pour effectuer un contrôle réel.  Cela signifie que de nombreuses personnes n’ont aucune visibilité sur les programmes qui ont été financés, leur budget et leur portée, le PR qui les met en œuvre et la performance de la subvention. L’étude RISE a révélé que la plupart des contrôles des subventions sont effectués par le biais de visites sur place, mais cela n’est pas toujours suffisant, car ces visites ne sont pas exhaustives et n’abordent pas toujours les programmes auxquels les communautés accordent la priorité.

 

  1. Multiplier les forums régionaux et mondiaux d’échange entre les ICNs

Il est nécessaire de créer davantage d’opportunités régionales et mondiales pour que les représentant(e)s des ICNs communautaires puissent partager leurs expériences et leurs stratégies en vue d’un engagement significatif des ICNs. Le Fonds mondial et ses partenaires devraient accroître leur soutien aux réseaux nouveaux et existants de représentants des ICNs et de défenseurs du Fonds mondial afin de renforcer les capacités et le pouvoir collectif. Une plateforme communautaire mondiale offrirait un nouvel espace d’apprentissage aux représentant(e)s des ICNs communautaires, leur permettant de s’informer sur les politiques et les droits des ICNs, de partager les enseignements tirés et les meilleures pratiques, de résoudre les problèmes et, le cas échéant, de s’engager auprès du Secrétariat. Ce travail pourrait s’appuyer sur les progrès déjà réalisés par les plateformes d’apprentissage régionales et impliquer des possibilités d’ateliers dans les pays et une plateforme virtuelle pour un engagement régulier.

 

  1. Créer un mécanisme indépendant d’escalade communautaire

Il est nécessaire de mettre en place un mécanisme communautaire indépendant d’escalade pour signaler les problèmes au niveau de l’ICN, qui garantisse et protège suffisamment les rapporteurs communautaires. Bien qu’ils connaissent les moyens existants pour signaler les problèmes des ICNs au Fonds mondial, de nombreux membres des communautés craignent des représailles ou l’inaction. Il est nécessaire d’investir dans des stratégies de signalement anonyme qui protègent les communautés contre les représailles afin de suivre les injustices et d’y répondre là où elles se produisent. Dans les cas où les communautés et les populations clés sont confrontées à la criminalisation ou à un climat politique hostile, le Secrétariat et ses partenaires devraient mettre en œuvre un suivi plus proactif du climat des ICNs, fournir des protections supplémentaires pour garantir la confidentialité des rapports et mettre à disposition des flux de financement pour répondre aux préoccupations émergentes en matière de sécurité.

 

Conclusion

 

La réalisation de ces objectifs nécessitera des efforts, une coordination et un partenariat considérables de la part de l’ensemble des partenaires du Fonds mondial. En tant que groupe RISE, nous pensons que notre travail ne fait que commencer.

 

[1] L’étude RISE était une recherche indépendante financée principalement par les organisations du comité de pilotage et complétée par le soutien généreux de L’Initiative.

 

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