AFRAVIH 2024 à Yaoundé, derrière le rideau : retour sur les moments d’avant la conférence
Author:
Serge Douomong Yotta
Article Type:Article Number: 7
La 12e conférence AFRAVIH pour l'Afrique francophone s'est tenue à Yaoundé, au Cameroun, du 16 au 19 avril 2024. Cet article est un aperçu de ce qui s'est passé avant la conférence principale, ce que l'on appelle les événements de la pré-journée (15 avril) car ils sont souvent négligés dans l'attention portée à l'événement principal. Les événements préalables ont porté sur des questions importantes telles que la reconnaissance du rôle essentiel des éducateurs pour les pairs, les défis de la santé mentale et l'atelier sur l'étude RISE concernant les mécanismes de coordination nationaux.
La Conférence Internationale Francophone sur le VIH, les hépatites, la santé sexuelle et les infections émergentes (AFRAVIH), a marqué une étape historique en se déroulant pour la première fois en Afrique subsaharienne. Du 16 au 19 avril, Yaoundé, la capitale du Cameroun, a accueilli cet événement d’envergure internationale, qui s’est inscrit dans la lignée des conférences dédiées à la lutte contre le VIH/SIDA (International AIDS Society (IAS), International Conference on AIDS and STIs in Africa (ICASA), etc.).
Cette 12e édition a été bien plus qu’une simple rencontre scientifique, elle a été aussi un moment de mobilisation militante et communautaire. En effet, en amont de la conférence, plusieurs pré-conférences et réunions ont été organisées, témoignant de l’engagement fort des acteurs et des activistes francophones impliqués dans la lutte contre le VIH.
Dans cet article, nous reviendrons sur certains moments clés de cette mobilisation en proposant des synthèses de trois activités majeures, notamment une conférence de presse sur la certification du Pair éducation, un atelier sur la santé mentale des minorités sexuelles et de genre, ainsi qu’un atelier sur la participation des communautés et des populations clés dans les instances de coordination nationales (ICN) des subventions du Fonds mondial à l’hôtel Djeuga Palace.
Pairs éducateurs
La conférence de presse sur la certification de la Pair-éducation s’est tenue le 15 avril au Djeuga Palace de Yaoundé. Réunissant un certain nombre d’acteurs clés et de parties prenantes, une conférence de presse a mis en lumière les enjeux de la certification de la profession d’éducateur pair. Destinée à sensibiliser l’opinion nationale et internationale, la réunion a donné lieu à des prises de position déterminantes.
Au cœur des discussions, le rôle essentiel des Pairs-éducateurs dans la lutte contre les épidémies a été mis en exergue. En effet, ils sont en première ligne pour informer, éduquer et soutenir les communautés les plus vulnérables touchées par le VIH/SIDA. Cependant, malgré leur importance avérée, ces professionnels de terrain rencontrent des difficultés dans l’accomplissement de leurs missions.
Le panel a permis d’explorer en profondeur les défis et les opportunités liés à la certification du Pair-éducation. Des acteurs clés tels que Florentin Ateba, ancien Pair-éducateur à Humanity First Plus Cameroun, Deme Papa Abdoulaye, Responsable du plaidoyer et du bureau Afrique à Coalition PLUS, Brice Bambara, Spécialiste du plaidoyer et de la société civile au Fonds mondial, et Mach-houd Kouton, Conseiller régional au Bureau de l’ONUSIDA pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, ont présenté leurs différents points de vue à la vingtaine représentant(e)s de médias présents.
Recommandations
À l’issue de cette conférence, une série de recommandations a été émise. Parmi elles, l’intégration des pairs éducateurs dans la pyramide sanitaire a été fortement soulignée, ainsi que la nécessité d’une collaboration étroite avec les organisations à base communautaire (OBC) et les universités pour établir un cursus de formation débouchant sur une certification. En outre, la définition d’un référentiel d’intervention et la garantie d’un régime de protection sociale adéquat ont été identifiées comme des étapes vers une reconnaissance pleine et entière du statut professionnel des Pairs Éducateurs.
Ces recommandations ont été largement relayées par les médias nationaux et internationaux, témoignant de l’urgence et de la pertinence des débats lancés lors de cette pré-conférence. Parmi les médias ayant couvert cet événement figurent Afrique En Éveil, Camer Press Agency, Kamer Info Plus, y compris les médias en ligne, etc.
Santé mentale des minorités sexuelles et de genre
Un autre évènement majeur a été la pré-conférence sur la santé mentale des minorités sexuelles et de genre, organisée par l’Alliance Globale des Communautés pour la Santé et les Droits humains (AGCS PLUS) au Djeuga Palace le 15 avril. Cette pré-conférence a permis de sensibiliser et de mobiliser les acteurs de la lutte contre le VIH, les hépatites, les infections sexuellement transmissibles et les infections émergentes sur les problèmes spécifiques de santé mentale auxquels sont confrontées ces populations souvent marginalisées.
L’un des points clés de cette rencontre a été la mise en lumière du lien étroit entre la criminalisation des populations clés et l’atteinte des objectifs 10/10/10 de l’ONUSIDA. En effet, la stigmatisation et la discrimination exacerbent les problèmes de santé mentale, compromettant ainsi les efforts visant à mettre fin au VIH/SIDA d’ici 2030. Des témoignages poignants ont montré comment les barrières psychologiques peuvent entraver non seulement la prévention et le traitement du VIH, mais aussi l’accès aux services de santé mentale. Par ailleurs, AGCS PLUS a présenté les résultats d’une évaluation préalable organisée afin de dresser un état des lieux sur les besoins et les services en santé mentale des minorités sexuelles et de genre au Burkina Faso, en Guinée Conakry et en Côte d’Ivoire.
La participation active d’une cinquantaine de représentant(e)s de plusieurs pays francophones illustre l’importance accordée à la santé mentale et la volonté collective de l’intégrer dans le paquet minimum d’activités réservées aux populations clés.
Recommandations
Stigmatisation intra-communautaire
- Organiser des conversations intracommunautaires pour sensibiliser les membres de la communauté aux différentes identités et expressions de genre, ainsi qu’à l’importance de l’inclusion et du respect mutuel ;
- Encourager la solidarité et l’empathie au sein de notre communauté en organisant des activités qui contribuent à des échanges positifs et à la création de liens entre les membres ;
- Promouvoir des actions au sein des organisations qui condamnent fermement tout acte de discrimination ou de stigmatisation et encouragent la prise de conscience des préjugés internes.
Accessibilité/acceptabilité de l’offre de services
- Établir des cadres de collaboration avec les prestataires de soins (psychologues et psychiatres) pour la fourniture de services adaptés à la communauté afin de réduire la discrimination dans les soins de santé mentale et de bien-être ;
- Créer des espaces de soutien communautaire sûrs et sécurisés où les personnes LGBTI peuvent partager leurs expériences et leurs préoccupations en matière de santé mentale, sans craindre d’être jugées ou de faire l’objet de discriminations.
Contextualisation et inclusion dans la prestation de services
- Aborder la santé mentale et le bien-être dans une perspective holistique, en tenant compte des dimensions sociales, culturelles, économiques et politiques. Une approche holistique nous permettra de mieux répondre aux besoins spécifiques des minorités sexuelles et de genre en Afrique ;
- Impliquer les communautés locales dans le développement et la mise en œuvre des services de santé mentale et de bien-être. Tenir compte de leurs besoins, de leurs préoccupations et de leurs suggestions;
- Veiller à ce que les services de santé mentale et de bien-être soient accessibles à tous, sans discrimination ;
- Réaliser des études sur la santé mentale et le bien-être des minorités sexuelles et de genre afin de mieux comprendre leurs problèmes et besoins spécifiques.
L’étude RISE
Un atelier de restitution des résultats de l’étude RISE a été organisé en amont de l’AFRAVIH à l’hôtel Djeuga Palace. Cet atelier a réuni 43 participant(e)s issus des Instances de Coordination Nationale (ICN) et de la Société civile du Gabon, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du Cameroun, du Tchad et de la France.
L’étude “Representation, Inclusion, Sustainability, and Equity in Country CCMs and Global Fund Grants” (RISE) menée conjointement par Coalition PLUS, amfAR, AIDES, O’Neill Institute de l’université de Georgetown et un collectif d’organisations communautaire de première ligne[1], vise à évaluer et à promouvoir la représentativité, l’inclusion, la durabilité et l’équité au sein des CCM et des subventions du Fonds mondial. Son objectif est de renforcer la voix et le pouvoir de décision des communautés les plus touchées par le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme. [Pour en savoir plus sur l’étude RISE, cliquez ici.]
À l’issue de l’atelier, les participant(e)s ont rédigé une déclaration soulignant les besoins, les défis et les aspirations des représentants communautaires et des populations francophones clés au sein des ICNs, tout en proposant des recommandations pertinentes à plusieurs niveaux d’intervention.
Recommandations
Des recommandations spécifiques ont été adressées au Secrétariat du Fonds mondial, aux partenaires techniques et aux ICNs du monde entier afin de renforcer la transparence, la participation et l’inclusion des communautés, tout en garantissant l’autonomie et la capacité des représentants communautaires à contribuer efficacement aux processus décisionnels.
Ces recommandations comprennent des mesures telles que le renforcement des stratégies de sensibilisation, la garantie d’une formation adéquate pour les représentant(e)s communautaires, la promotion de mécanismes de supervision communautaire des subventions et la mise en place de réseaux de soutien et de mentorat entre pairs.
L’atelier et la déclaration RISE constituent une étape importante dans la promotion de la participation et de la responsabilité des communautés dans la lutte contre le VIH/SIDA. Ces recommandations fournissent un cadre précieux pour renforcer les mécanismes de gouvernance inclusifs et équitables afin de garantir des résultats durables.
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[1] En plus des quatre organisations en lead, le comité de pilotage de RISE incarne la représentativité de l’ensemble des communautés et des compétences des ICN au niveau mondial et est constitué de :
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Ishtar MSM : représentant des populations clés notamment HSH, CCM Kenya
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Malaysian AIDS Council (MAC) : représentante des populations clés notamment des personnes transgenres, CCM Malaisie
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Movimento para o Acesso ao Tratamento em Moçambique (MATRAM) : représentant des personnes vivant avec le VIH et la tuberculose, CCM Mozambique
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POSITIVE-GENERATION : représentant des personnes vivant avec la tuberculose et expertise en question d’affection par le paludisme, CCM Cameroun
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REVS PLUS : Porteur du projet RIPOSTE qui vise le renforcement de la participation des communautés dans les CCM du Burkina Faso, du Burundi et de la république de Maurice
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Sisters Foundation : représentante des populations clés notamment des personnes transgenres, CCM Thaïlande
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Treatment Action Campaign : représentante des femmes vivant avec le VIH, CCM Afrique du Sud.
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Uganda Young Positives : représentant des jeunes vivant avec le VIH, CCM Ouganda