Subscribe To Our Newsletter
Abonnez-vous à notre bulletin
Les enjeux de durabilité au programme de la 51e réunion du Conseil d’administration du Fonds mondial
OFM Edition 168

Les enjeux de durabilité au programme de la 51e réunion du Conseil d’administration du Fonds mondial

Author:

Christian Djoko et Ekelru Jessica

Article Type:
ANALYSE

Article Number: 3

Cet article offre un aperçu des principaux points et des discussions entourant le rapport sur la durabilité présenté aux membres du Conseil d'administration lors de la 51e réunion du Conseil d'administration du Fonds mondial, qui s'est tenue à Genève du 22 au 24 avril 2024.

Contexte

 

Lors de la 51e réunion du Conseil d’administration du Fonds mondial, qui s’est tenue à Genève du 22 au 24 avril 2024, un rapport sur les questions de durabilité a été présenté. Le texte donne une vue d’ensemble du contexte actuel des discussions et des actions sur la gouvernance de la durabilité. Il met en lumière l’évolution du paysage sanitaire et économique, en se concentrant sur les progrès en matière de santé, les défis auxquels sont confrontées les populations pauvres et vulnérables, et les obstacles émergents.

 

Les défis d’un monde en mutation.

 

Le champ de bataille des priorités concurrentes : L’émergence de nouvelles menaces sanitaires complique encore davantage la situation. La pandémie de COVID-19, une onde de choc sismique qui a déferlé sur le monde, sert de rappel brutal de la vulnérabilité constante aux crises sanitaires imprévues. De plus, les succès remportés dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme (VTP) se sont accompagnés d’une augmentation du niveau des maladies non transmissibles (MNT). La marche incessante des MNT- comme le diabète, les maladies cardiaques et le cancer – crée un champ de bataille multifacette pour la santé mondiale. Bien que la lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme reste une priorité importante en matière de santé, la prise en charge des autres maladies susmentionnées impose un défi substantiel au Fonds mondial pour la mobilisation des ressources.

 

Vulnérabilité accrue et fragilité de la protection contre les maladies pour certaines populations: dans un monde de plus en plus turbulent, la sécurité et le bien-être des populations les plus marginalisées et vulnérables sont menacés (Figure 1). Les mouvements régressifs s’opposant aux droits humains et à l’égalité des sexes gagnent du terrain dans le monde entier, comme en témoignent à la fois les changements de politique et les actions concrètes. Pendant ce temps, l’espace pour la société civile afin de défendre ces droits fondamentaux se réduit, exacerbant davantage les défis auxquels sont confrontées celles déjà en marge.

 

Figure 1 : Menaces pour la sécurité et le bien-être des personnes marginalisées

 

Alors que les conflits s’intensifient à l’échelle mondiale, le nombre de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ou contraintes de chercher refuge à l’étranger augmente également. Cet afflux de personnes déplacées exerce une pression immense sur des systèmes de santé déjà tendus et sur les programmes de lutte contre les maladies, menaçant de compromettre les progrès réalisés dans la lutte contre les maladies prévalentes.

 

La fragilité croissante qui, précisons-le, touche principalement ceux vivant dans l’extrême pauvreté, est en réalité un problème complexe alimenté par divers facteurs économiques, environnementaux, humains, politiques, sécuritaires et sociétaux (Figure 2).

 

Figure 2 : Les facteurs de fragilité

 

En 2022, les contextes fragiles ont touché un quart (24 %) de la population mondiale, mais ont eu un impact considérable sur les trois quarts (73 %) des individus vivant dans une extrême pauvreté dans le monde. D’ici 2030, cette proportion devrait augmenter pour inclure jusqu’à 86 % des personnes vivant dans l’extrême pauvreté à l’échelle mondiale.

 

Le rapport présenté au Conseil d’administration note que 14 des 15 pays classés comme extrêmement fragiles par l’Organisation internationale de coopération et de développement économiques (OCDE) (Figure 3) sont également désignés comme des pays CID (Contextes d’intervention difficiles) du Fonds mondial. Bien que les CID ne représentent qu’environ 16 % de la population mondiale, ils abritent une proportion significative de réfugiés, avec 87 % des demandeurs d’asile et des réfugiés, et comptent pour 41 % des personnes déplacées à l’intérieur de leurs frontières à l’échelle mondiale.

 

Figure 3 : Évolution du score de fragilité des pays de l’OCDE

 

Changement climatique : Le changement climatique agit comme un multiplicateur de menaces, exacerbant les vulnérabilités existantes et compliquant la lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme. Les événements météorologiques extrêmes plus fréquents et intenses perturbent les services de santé, endommagent les infrastructures et déplacent les populations (Figure 4), souvent les plus vulnérables. L’augmentation des températures crée des conditions favorables à la reproduction des moustiques, augmentant potentiellement les taux de transmission du paludisme. De plus, le changement climatique peut déclencher l’insécurité alimentaire et la malnutrition, affaiblissant les systèmes immunitaires des personnes et les rendant plus susceptibles aux maladies infectieuses telles que le VIH et la tuberculose.

 

Figure 4 : Déplacements internes dus au changement climatique

 

Les évolutions démographiques posent également un défi. L’urbanisation rapide peut entraîner des conditions de vie surpeuplées, facilitant la propagation des maladies infectieuses. Les populations vieillissantes sont plus susceptibles de présenter des complications de la tuberculose et peuvent nécessiter des approches de traitement différentes. De plus, la montée des maladies non transmissibles (MNT) comme le diabète et les maladies cardiaques peut interagir avec les infections par le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme, créant des défis complexes de traitement.

 

L’émergence de souches résistantes aux médicaments du VIH, de la tuberculose et du paludisme est aussi une préoccupation croissante. L’utilisation inappropriée d’antibiotiques et d’antiviraux peut accélérer le développement de la résistance, rendant potentiellement les traitements actuels inefficaces. Cela nécessite une recherche et un développement continus de nouveaux médicaments et diagnostics, ainsi que des systèmes de surveillance robustes pour suivre l’émergence de la résistance et adapter les schémas de traitement en conséquence.

 

Les défis sanitaires :  La poursuite de la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) demeure un objectif mondial crucial, mais les évaluations récentes indiquent que des défis significatifs persistent dans la réalisation de l’objectif 3.8 des Objectifs de Développement Durable (ODD) pour la CSU. Malgré les efforts déployés pour renforcer les systèmes de santé en accord avec les objectifs de la CSU, il est largement admis que davantage de travail est nécessaire pour combler l’écart entre les progrès actuels et les objectifs de CSU des ODD.

 

Un facteur contribuant de manière significative aux défis rencontrés dans la réalisation des objectifs de la CSU et, plus largement, dans le renforcement des systèmes de santé et des programmes de lutte contre les maladies (VIH, tuberculose, paludisme) est la réduction de la marge de manœuvre pour le financement intérieur de la santé. En effet, de nombreux pays à faible revenu (PFR) et à revenu intermédiaire (PRI) luttent contre des charges de la dette en escalade, en raison de facteurs tels que la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation. La proportion de PFR et de PRI connaissant ou risquant fortement des difficultés de dette a doublé au cours de la dernière décennie, posant des contraintes significatives sur la capacité des gouvernements à allouer des ressources aux programmes de santé et à renforcer les systèmes de santé.

 

L’impact négatif de la pandémie de COVID-19 a en outre exacerbé ces défis. Alors qu’avant la pandémie, certains pays connaissaient une croissance relativement stable des dépenses publiques de santé jusqu’en 2021, la crise sanitaire a perturbé ces trajectoires de manière significative. Cette perturbation a été si profonde que de nombreux pays, parmi lesquels 48 PFR et PRI, ne prévoient pas de retrouver les niveaux de dépenses de santé pré-pandémiques avant 2027, voire plus tard. Cette situation a des répercussions directes sur les résultats de santé mondiaux, soulignant l’ampleur de l’impact de la pandémie sur les systèmes de santé à l’échelle mondiale.

 

Un paysage économique incertain : Au milieu du paysage économique mondial actuel, il existe un sentiment d’optimisme prudent. Les projections de croissance mondiale ont montré une légère amélioration, soutenue par la résilience inattendue démontrée par les États-Unis et plusieurs grandes économies émergentes et en développement. De plus, les mesures de soutien fiscal mises en œuvre en Chine ont contribué à cette perspective positive.

 

Cependant, il est important de noter que les prévisions pour les années 2024-25 restent en dessous du taux de croissance moyen historique de 3,8 % enregistré entre 2000 et 2019. Bien qu’il existe des signes de reprise, l’économie mondiale n’est pas encore pleinement revenue aux niveaux de croissance et de stabilité pré-pandémiques.

 

En ce qui concerne l’Aide Publique au Développement (APD), il y a eu un pic notable en 2022. L’APD a atteint un niveau record de 218 milliards de dollars US au cours de cette période, marquant une augmentation significative de 17 % par rapport à l’année précédente. Cependant, il est essentiel de souligner que cette hausse de l’APD peut principalement être attribuée à l’augmentation des coûts des réfugiés dans les pays donateurs, totalisant 32 milliards de dollars US, et à une augmentation substantielle de l’aide dirigée vers l’Ukraine, s’élevant à 18 milliards de dollars US (Figure 5). Bien que cela démontre un engagement louable à relever les défis mondiaux urgents, cela souligne également que les priorités ont été déplacées vers la résolution des conflits et des crises humanitaires. Il demeure donc un besoin continu d’efforts soutenus et diversifiés pour soutenir les objectifs de développement à long terme dans diverses régions et secteurs.

 

Figure 5 : Évolution de l’aide publique au développement

 

La réponse actuelle du Fonds mondial face aux défis de la durabilité

Le Fonds mondial est confronté à une diversité de défis en matière de durabilité dans l’ensemble de son portefeuille, bien que certains éléments communs se dégagent. La durabilité des programmes de santé est influencée par de nombreux facteurs clés, qui varient d’un pays à l’autre et nécessitent des réponses adaptées à chaque contexte (Figure 6).

 

Figure 6 : Facteurs et leviers clés de la réponse du Fonds mondial en matière de durabilité

 

Les outils politiques clés du Fonds mondial pour aborder ces questions comprennent la Politique d’admissibilité, la méthodologie d’allocation et la Politique en matière de pérennité, de transition et de cofinancement (Figure 7).

 

Figure 7 : Politiques du Fonds mondial visant à soutenir la viabilité des programmes

 

La politique d’admissibilité du Fonds mondial couvre 126 pays, dont 87 devraient rester admissibles ou éligibles jusqu’en 2040. Un financement de transition est prévu lorsqu’un composant devient inéligible, sauf en cas de passage à un statut de revenu élevé.

 

Lors de la dernière révision en 2021/2022, le Revenu National Brut par habitant (RNB p.c.) a été confirmé comme principal critère d’admissibilité, avec quelques ajustements mineurs pour le paludisme et des exceptions pour les petites économies à Revenu Intermédiaire Supérieur (RIS)

 

Pour le huitième cycle de reconstitution (CS8), une révision des métriques de charge de maladie pour les RIS est proposée, en parallèle avec les indicateurs de charge de méthodologie d’allocation, mais il est noté que cela pourrait ne pas générer d’économies significatives, étant donné que ces pays reçoivent généralement des allocations limitées et ciblées. Le Comité Stratégique examinera toute mise à jour de la Politique d’admissibilité, qui devrait être progressive afin de faciliter des transitions responsables pour un plus grand nombre de RIS. Toutefois, cela pourrait potentiellement réduire l’influence du Fonds mondial dans ces contextes.

 

Une revue de la méthodologie d’allocation est déjà en cours, afin de garantir sa robustesse dans différents scénarios de financement, y compris des niveaux de financement plus faibles. Actuellement, les allocations donnent la priorité à l’octroi d’un financement plus important aux pays à faible revenu par le biais de la courbe de capacité économique des pays (CEP). Cette courbe fera l’objet d’un examen pour déterminer si des ajustements supplémentaires sont nécessaires. De plus, afin de se préparer à d’éventuels scénarios de financement moins élevés, des approches plus ciblées seront explorées. Cela peut inclure la considération de réductions d’allocation pour les pays à revenu intermédiaire (PRI) disposant de plans de durabilité solides, de capacités et d’engagements, tout en pesant soigneusement les compromis impliqués.

 

Par ailleurs, le rapport soumis au Conseil d’administration souligne qu’il existe d’importants défis de durabilité concernant les investissements dans les systèmes résistants et pérennes pour la santé (SRPS) dans le contexte du CS8, notamment avec la fin du financement du Mécanisme de Réponse à la COVID-19 (C19RM) en décembre 2025. Dans ce contexte, les investissements catalytiques pour le CS8 représentent une opportunité de cibler les domaines prioritaires pour relever efficacement les défis existants. Cette approche stratégique vise à garantir un financement suffisant pour les allocations pays tout en optimisant l’impact et la durabilité.

 

Concernant la Politique en matière de pérennité, de transition et de co-financement (PTC) du Fonds mondial, le rapport rappelle qu’elle met en avant plusieurs points clés. Tout d’abord, elle souligne l’importance des stratégies nationales de santé, du financement de la santé, des plans stratégiques nationaux pour orienter les interventions sanitaires, de l’allocation efficace des ressources et de l’utilisation des systèmes nationaux pour la mise en œuvre des programmes de santé afin de renforcer la durabilité et l’efficacité des interventions sanitaires au niveau national.

 

La politique insiste sur la nécessité de cibler les populations clés et de surmonter les obstacles structurels à la santé, afin de garantir un accès équitable aux services de santé pour les groupes marginalisés et vulnérables. Elle encourage également les pays à identifier des efficacités et à optimiser leurs stratégies de réponse aux maladies pour maximiser l’impact des interventions sanitaires.

 

Par ailleurs, la politique favorise des investissements nationaux supplémentaires dans la santé et l’application de conditions de cofinancement graduées pour encourager les pays à prendre en charge leurs programmes de santé et à investir dans leur durabilité. Le Fonds mondial collabore également avec des partenaires pour plaider en faveur de changements programmatiques et financiers qui soutiennent des interventions sanitaires durables.

 

En ce qui concerne la transition, la politique établit des objectifs et des engagements clairs. Elle soutient la préparation à la transition des pays, encourage des évaluations inclusives de la préparation à la transition et développe des plans de travail pour la transition. Le Fonds mondial alloue également des fonds de transition aux pays devenant inéligibles et fournit des projections annuelles de transition pour faciliter la planification et la prévisibilité des pays en cours de transition.

 

Les rétroactions des parties prenantes

 

Le document sur la durabilité a été salué pour son cadre contextuel approfondi et sa vue d’ensemble de l’approche multidimensionnelle du Fonds. Cependant, des préoccupations ont été exprimées concernant les paysages politiques et financiers, qui pourraient poser des défis significatifs à la durabilité des programmes de santé. Il y a eu un consensus sur la nécessité d’une approche stratégique pour relever ces défis et garantir la continuité des services de santé.

 

Les parties prenantes ont mis l’accent sur l’importance du développement de stratégies nationales de santé et de plans financiers solides qui tiennent compte des circonstances et des défis uniques rencontrés par chaque pays. Les études de cas nationales (Colombie, Niger, Malawi, Kenya, Indonésie) ont en effet mis en évidence la spécificité des défis de durabilité selon les contextes, soulignant ainsi l’importance de la flexibilité du cadre politique du Fonds mondial et de ses leviers de durabilité pour adapter les approches efficaces aux différents contextes.

 

Les parties prenantes ont souligné que les priorités en matière de durabilité doivent être définies au niveau national, avec un soutien intensifié pour les pays les plus chargés et les plus proches de la transition. Elles ont également recommandé d’aligner les efforts de durabilité sur les approches nationales et de les harmoniser avec les autres partenaires de développement. Les efforts de viabilité dans les domaines où le Fonds mondial a un avantage comparatif, tels que les achats groupés, le cofinancement et la transparence des données sur le financement de la santé, sont vivement encouragés.

 

De plus, les discussions ont mis en lumière l’importance d’atteindre un équilibre entre la durabilité financière et l’efficacité programmatique. Il a été reconnu que des gains de santé durables ne peuvent être réalisés que par le développement de mécanismes qui réduisent la dépendance à un financement externe continu tout en garantissant la prestation continue de services de santé essentiels.

 

Les améliorations apportées aux outils de subvention, à l’approche de l’équité, du genre et des droits humains, ainsi que l’expansion de l’expertise en financement de la santé au sein du Secrétariat, ont déjà permis de relever de nombreux défis de durabilité. Le renforcement des systèmes de santé est identifié comme l’un des leviers les plus importants pour améliorer la durabilité, avec une attention particulière portée à la collaboration avec d’autres organisations sur le renforcement des systèmes de santé.

 

En ce qui concerne les politiques d’allocation, d’admissibilité et de PTC, les parties prenantes ont rappelé que les politiques actuelles du Fonds mondial ont bien servi son objectif en canalisant efficacement les fonds vers les pays les plus pauvres et les plus touchés par la maladie. Par conséquent, une réduction significative de l’admissibilité des pays au Fonds mondial n’a pas été recommandée, car cela risquerait de compromettre les progrès réalisés dans la réduction de la charge de morbidité et de menacer les approches basées sur les droits humains.

 

Conclusion

 

En regardant vers l’avenir, les parties prenantes ont souligné l’importance du développement de plans clairs et actionnables qui intègrent les retours d’expérience et les expériences réelles des pays confrontés à des défis de durabilité. Il y avait un accord partagé sur la nécessité d’un dialogue continu et d’une adaptation des stratégies aux circonstances évolutives pour relever efficacement ces défis.

 

 

Leave a Reply

Your email address will not be published.

Aidspan

Categories*

Loading
Aidspan

Categories*

Loading