L’ÉGALITÉ DES GENRES DANS LE CYCLE DE SUBVENTION 7 (NFM4) DU FONDS MONDIAL
Author:
Christian Djoko
Article Type:Article Number: 4
Le présent article traite de l’importance accordée à l’égalité des genres dans le cadre du nouveau cycle de financement 2023-2025 (Cycle de subvention 7) du Fonds mondial.
Contexte
L’égalité des genres fait partie des éléments centraux de la Stratégie 2023-2028 du Fonds mondial. Aucun pays éligible aux investissements du Fonds mondial ne pourra faire l’économie de cette question dans le cadre du cycle de subvention 7 (anciennement appelé NFM4). S’il est vrai que le sujet n’est pas nouveau dans les discours et arcanes du Fonds du mondial, il a cependant gagné en importance au point d’être inscrit pour première fois à l’ordre de jour de la 48e réunion du Conseil d’administration qui s’est tenue récemment (novembre 2022) à Genève, en Suisse.
Mais avant d’entrée dans le vif de sujet, il n’est peut-être pas inutile de rappeler ce qu’est le genre et ce qu’il signifie dans le contexte d’une demande de financement du Fonds mondial.
Le genre, l’égalité des genres : De quoi sont-ils les noms?
Le terme « genre » fait référence aux rôles, aux rapports, aux traits de personnalité, aux comportements, aux attitudes, aux valeurs, aux dynamiques, à l’influence et au pouvoir que la société façonne et attribue aux femmes, aux hommes et aux communautés de genres en fonction de leurs différences.
Quant à l’« égalité des genres », elle signifie que les différents comportements, aspirations et besoins des femmes, des hommes et des communautés des genres différents sont pris en considération, valorisés et soutenus de manière équitable.
Relativement au Fonds mondial, elle suggère surtout de considérer que les femmes, les hommes et les communautés de genres différents, y compris les populations clés et vulnérables, sont en proie à des risques sanitaires, des vulnérabilités, des obstacles aux services de santé et des conséquences d’une mauvaise santé différents selon le genre.
Les inégalités des genres compromettent les objectifs mondiaux
À l’échelle mondiale, les hommes ont moins de chances de connaître leur statut sérologique, d’accéder à un traitement et de l’observer que les femmes, et ils sont plus susceptibles de mourir du sida. Alors que les hommes représentent 47 % de l’ensemble des personnes vivant avec le VIH, ils sont responsables de 68 % de tous les décès liés au sida. Les femmes transgenres courent 34 fois plus de risques de contracter le VIH que les autres adultes. Plus largement, le manque de pouvoir de décision peut affecter la capacité des femmes à se rendre dans un centre de santé. Les normes relatives à la masculinité peuvent empêcher les hommes de demander des soins, même lorsqu’ils sont malades. La discrimination ou la violence dans les établissements de santé peuvent empêcher les personnes transgenres de se faire soigner.
Vous l’aurez compris, le genre a inéluctablement une incidence majeure sur l’expérience des personnes en matière de soins de santé et sur leur accès à ces derniers, ainsi que sur leur capacité à prendre des décisions concernant leur propre santé. Plus grave encore, ces inégalités des genres ne sont pas seulement préjudiciables aux individus : elles entravent les progrès dans la lutte contre les maladies et réduisent l’impact des investissements mondiaux. Si la tendance se maintient, le monde ne pourra atteindre les objectifs mondiaux à l’échelle 2030 qu’il s’est fixé. La catrastrophe est-elle à notre porte?
Dans son plus récent Rapport (2022) intitulé Inégalités dangereuses, ONUSIDA rappelle avec gravité que :
« Les inégalités entre les sexes sont un moteur essentiel de l’épidémie de sida. Les adolescentes et les jeunes femmes en Afrique subsaharienne ont trois fois plus de risques de contracter le VIH que leurs homologues masculins. Une étude récente a également révélé que les femmes ayant subi des violences de la part de leur partenaire intime au cours de l’année écoulée étaient plus de trois fois plus susceptibles d’avoir récemment contracté le VIH. Les dynamiques de pouvoir inégales entre les hommes et les femmes et les normes sexospécifiques néfastes augmentent la vulnérabilité au VIH des femmes et des filles dans toute leur diversité, les privent de leur voix et de la capacité de prendre des décisions concernant leur propre vie, réduisent leur capacité à accéder aux services qui répondent à leurs besoins, augmentent leurs risques de subir des violences ou d’autres préjudices, et entravent leur capacité à atténuer l’impact du sida. […]
Toutes les deux minutes, une adolescente ou une jeune femme (âgée de 15 à 24 ans) a contracté le VIH en 2021. Bien que la transmission du VIH au sein de ce groupe soit le moteur de nombreuses épidémies nationales en Afrique subsaharienne, dans 19 pays africains à forte charge de morbidité, les programmes de prévention combinée destinés aux adolescentes et aux jeunes femmes ne fonctionnent que dans 40 % des lieux à forte incidence de VIH. L’absence de réformes politiques et d’investissements au sein et au-delà du secteur de la santé rend difficile, voire impossible, l’accès des adolescentes et des jeunes femmes aux services essentiels liés au VIH. Prévenir le VIH chez les hommes et veiller à ce que les hommes vivant avec le VIH parviennent à une suppression virale sont également essentiels pour réduire le bilan de l’épidémie sur les femmes et les filles dans plusieurs régions du monde »
À la lecture de ce qui précède, force est de constater que les différents programmes mis en place à l’échelle mondial peinent à surmonter les causes des inégalités des genres et à répondre aux obstacles et besoins nécessairement différents selon le genre. Or, il est manifeste que les programmes qui ne tiennent pas compte de ces inégalités et des différences liées au sexe/genre et ne conçoivent pas de stratégies pour y remédier ne peuvent ultimement atteindre leurs cibles et partant, leurs objectifs.
Dans son Rapport d’observation 2020-2022 (voir page 10), le Comité technique d’examen des propositions (CTEP) du Fonds Mondial rappelle que dans le cadre des demandes de financement du cycle qui s’achève (NFM3) : « Peu d’évaluations des questions de genre tiennent compte de tous les genres. Les demandes de financement portaient rarement sur les besoins des personnes transgenres, non binaires et non conformes à un genre, et lorsqu’elles le faisaient, leurs besoins étaient encore souvent associés (à tort) à ceux des hommes homosexuels ou d’autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Dans d’autres demandes de financement, la notion de « genre » semblait faire référence aux « femmes et filles », plutôt qu’à une prise en compte des besoins des hommes particulièrement vulnérables à la tuberculose ou à la conception de programmes visant à améliorer leurs mauvaises habitudes en matière de soins, par exemple ». Le CTEP se montre également préoccupé par « le fait que les évaluations des questions de genre qui ont été effectuées se soient rarement traduites par des interventions et des services bien ciblés, s’appuyant sur des indicateurs de suivi des résultats. ».
Les conclusions du CTEP ont sans doute motivé les engagements stratégiques du Fonds mondial dans le cadre du cycle de subvention 7 qui s’ouvrira prochainement.
Engagements stratégiques et attentes du Fonds mondial.
En effet, lors de l’important atelier de Préparation des requêtes de financement pour le cycle 2023-2025 du Fonds Mondial qui s’est tenu du 5 au 9 décembre 2022 à Saly Portudal (Sénégal), les intervenant(e)s pour le compte du Fonds mondial ont présenté leurs engagements stratégiques détaillés relatifs à l’égalité des genres. Ils se présentent comme suit :
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En face de ces engagements détaillés, les demandes de financement (DF) doivent surtout :
- S’assurer qu’une réelle évaluation de genre a été menée au niveau du pays (dialogue national inclusif et transparent) et que le Plan stratégique national (PSN) et la demande de financement reflètent les résultats de cette évaluation.
- Veiller à concevoir des interventions qui contribuent explicitement à faire progresser l’égalité entre les genres. Il s’agira de privilégier une approche holistique et traversale, laquelle devra être conséquemment appliquée à toutes les interventions et à tous les stades du cycle de subvention. Autant dire que la prise en compte de l’égalité des genres dans les demandes de financement ne saurait se réduire à un programme, une seule politique ou une seule intervention. Elle doit être, disions nous, tranversale.
En terminant, nous vous présentons un résumé schématisé de l’outil/circuit (voir tableau ci-dessous) qui permettra au Fonds mondial d’évaluer le niveau de préparation de tous les pays en matière de genre dans le cadre du cycle de subvention 7.