Un exemple d’assistance technique de long terme : l’appui de L’Initiative à l’Unité de Gestion de Projets du Tchad, chargée de la gestion de la subvention VIH/TB/RSS
Author:
Amida Kariburyo
Article Type:Article Number: 3
RÉSUMÉ Le DAT au Tchad est la première expérience d’assistance technique long terme de L’Initiative, mis en place à partir de 2019 pour appuyer l’Unité de Gestion de Projets dans sa gestion de la subvention VIH-TB-RSS. Dans cet article, l’équipe d’assistants techniques et le chargé de projets reviennent sur les enjeux, les défis et les limites de ce dispositif.
1/ Pourriez-vous vous présenter ?
M.F : Je m’appelle Matthieu Favre je suis chargé de projets à L’Initiative depuis janvier 2020, d’abord responsable du portefeuille Mali-MENA puis de celui du Tchad depuis mi-2020. En tant que chargé de projets, j’instruis, je négocie et je suis les projets financés par L’Initiative. Je suis également responsable de mobiliser l’expertise technique (gestion de la phase de conduite, élaboration des TdR, sélection) et de la suivre.
B.A : Je suis le Dr Brice ASSIMADZI et j’ai rejoint l’Unité de Gestion des Projets (UGP) en juillet 2019, en tant que Responsable de la Cellule Approvisionnement des produits de santé et autres. Avant cela, j’étais le chef du service GAS de LFA de la RDC, et auparavant, le responsable de Gestion des Achats et des Stocks (GAS) du niveau central, mais également du niveau opérationnel de l’UGP du Togo. Parallèlement, j’ai appuyé la Direction de la Pharmacie, du Médicament et des Laboratoires (DPML) du Togo en tant que Chef section de la coordination des approvisionnements et promotion des bonnes pratiques pharmaceutiques.
A.D : Je suis le Dr Papa Amadou Niang Diallo, je suis pharmacien biologiste, épidémiologiste, et expert en Suivi-Évaluation et Recherche. J’ai été impliqué dans plusieurs projets de recherche au niveau du Laboratoire de Bactériologie Virologie du Professeur Souleymane Mboup de 2001 à 2007 avant de rejoindre le programme national de Lutte contre le sida d’abord en tant qu’Adjoint au responsable de l’unité de Suivi, d’Évaluation et de Recherche de 2007 à 2014 puis comme Responsable de cette unité de 2014 à 2019. En juillet 2021, j’ai rejoint l’équipe du DAT Tchad au poste d’AT en Suivi et Évaluation.
M.N : Je suis Marthe Ndayizigiye titulaire d’un Master en comptabilité et contrôle de gestion de l’Université des sciences appliquées de Cologne. Je suis l’assistante technique en gestion comptable et financière et en audit auprès de l’Unité de gestion des projets depuis le mois de mai 2019. Je m’occupe des aspects relatifs au renforcement des capacités des ressources humaines impliquées dans la gestion financière des financements externes notamment celles du Fonds mondial et Gavi. Je participe activement à l’élaboration et à la révision des budgets des subventions, la planification des activités, l’identification et analyse des risques de gestion. Auparavant, j’ai occupé des postes de haut cadre dans plusieurs organisations aussi bien privées que publiques en qualité de Responsable Administratif et Financier mais également d’audit interne.
S.D : Je suis le Dr. Stéphane d’Almeida, je suis originaire du Togo, je me suis engagé très tôt dans la lutte contre le VIH/Sida, dans les années 2000, au sein de l’ONG nationale « Le Jade – Pour la Vie ! ». J’ai fait partie des premiers médecins prescripteurs d’antirétroviraux dans mon pays. En 2010, j’ai été recruté au PNLS qui était SR en tant qu’Assistant Suivi Evaluation. En 2016, j’ai pris la tête de l’Unité de Gestion des Projets (UGP) du Fonds mondial dont l’ancrage se situe à la Primature. Grâce aux progrès accomplis au cours de mon mandat à la tête de l’UGP du Togo, les autorités ont étendu la mission de l’UGP à la gestion des fonds d’autres partenaires notamment l’Alliance Gavi.
Depuis juin 2019, j’ai rejoint l’UGP du Tchad en tant qu’Assistant Technique Gouvernance et chef d’équipe du dispositif d’assistance technique mis en place par Expertise France à travers L’Initiative. A ce titre, j’accompagne l’UGP dans la gestion des subventions du Fonds mondial, de Gavi et des Fondations Bill et Melinda Gates & Aliko Dangote.
2/ Pourriez-vous nous présenter le DAT et ses spécificités par rapport à l’AT habituelle de L’Initiative
Le DAT est un dispositif d’assistance technique (DAT) financé par L’Initiative mis en place depuis mai 2019. Il comprend quatre assistants techniques mobilisés sur une période initialement équivalente à la durée d’exécution de la subvention en cours. Le DAT est placé sous la coordination d’un chef de projet qui travaille avec un binôme basé à Paris.
La mission du DAT est de rendre l’UGP autonome pour une gestion efficace et efficiente des subventions externes dans le secteur de la santé, en particulier celles mises à disposition par le Fonds mondial et GAVI. Le premier contrat du DAT a été conjointement signé par Expertise France et le Ministère tchadien de la santé. Actuellement, l’UGP est responsable de la gestion des subventions VIH/TB et RSS à 100% et en cogestion avec le PNUD qui est le PR sortant sur la subvention « paludisme » depuis l’été 2021.
Les deux principaux volets que propose le DAT sont, d’une part, le volet « accompagnement quotidien » et, d’autre part, le volet « renforcement des capacités ». Concernant le premier volet, les experts du DAT donnent un accompagnement quotidien à l’UGP dans les dossiers et missions à remplir par le coordonnateur et les responsables en charge des différents axes. Le deuxième volet concerne le renforcement des compétences, au travers de 2 sous-axes : le mentorat des 4 experts, et la formation et les missions externes ponctuelles sur des thématiques spécifiques.
En comparaison des missions d’assistance technique dites « classiques », le DAT se caractérise par trois spécificités :
- La durée de la mission : c’est une mission longue (3 ans), ce qui n’est pas habituel pour les missions d’assistance technique en général.
- Le dispositif résidentiel organisé autour d’experts qui sont sur place et logés au sein de l’UGP.
- Un suivi plus étroit effectué par le chargé de projets de L’Initiative basé à Paris dont le portefeuille a été allégé afin qu’il puisse se concentrer sur le Tchad.
3/ Quels sont les défis d’un tel dispositif ? Et comment y avez-vous répondu ?
Au cours de sa mise en œuvre, le DAT a été confronté à des défis importants :
D’abord, l’environnement changeant au sein de l’UGP lié au turn-over des ressources humaines au sein de l’UGP d’une part et au sein du Ministère d’autre part. La rotation au sein de l’UGP est due à de multiples raisons dont :
- La première vague de départs a suivi une évaluation qui avait été conduite à la demande du Fonds Mondial. Suite à celle-ci le Ministère s’est séparé d’un certain nombre de personnes et a recruté de nouveaux agents.
- La deuxième vague a été marquée par le départ de certains membres du personnel vers d’autres fonctions : certains de ces agents n’ont pas encore été remplacés depuis leur départ.
- La troisième vague est due à la relance de tous les postes de l’UGP sur demande du Ministère qui souhaiter se donner des moyens supplémentaires pour répondre aux objectifs des subventions.
La première année, l’UGP a commencé avec un effectif de 8 personnes. Par la suite, cet effectif a évolué et est passé à 25. Mais le personnel n’a jamais été au complet. Il subsiste des postes vacants au sein de l’UGP et quand il y a un départ, cela peut prendre un certain temps avant que le poste ne soit pourvu.
- Le deuxième défi est lié au positionnement du DAT, à la recherche d’un équilibre entre l’appui quotidien des professionnels de l’UGP par les experts d’une part et le renforcement des capacités de l’UGP d’autre part.
- Le troisième défi porte sur les attentes de chaque partie, c’est-à-dire les attentes du ministère de la Santé, les attentes du Fonds mondial et les attentes d’Expertise France concernant le rôle du DAT.
- Le quatrième défi est relatif à la coordination entre les différents PTF (notamment ACASUS et le PNUD) sur le volet renforcement des capacités car de multiples acteurs sont présents, il existe également un Programme national de renforcement des capacités au sein du Ministère. On note donc différentes dynamiques de renforcement des capacités dans lesquelles se trouvent engagées le Ministère et l’UGP. C’est aussi un défi pour le DAT de mieux se coordonner avec le reste des acteurs.
4/ Quel bilan tirez-vous de cette expérience (résultats de la subvention ; transfert des capacités ; appropriation des procédures…) et quelles sont les perspectives pour la prochaine subvention ?
Concernant la gestion programmatique, financière et suivi et évaluation, il a été constaté une stagnation due à une baisse de performance. Cette baisse s’explique notamment par l’impact concret que la pandémie de COVID-19 a eu sur la mise en œuvre des activités de dépistage du VIH par exemple. Mais il est très encourageant de constater qu’aucune dépense inéligible n’a été relevée et que l’UGP a non seulement été reconduite pour gérer la subvention TB/VIH/RSS du prochain cycle (NFM3) mais qu’elle est aussi co-PR pour la subvention paludisme. Si 2020 et 2021 ont été très perturbées par la COVID-19 ainsi que par la situation politique, malgré cela la subvention a continué à être gérée correctement, ce qui est un très bon signe.
Sur le plan de l’approvisionnement, aucune rupture de stock n’a été notée. Les patients ont toujours bénéficié de leur traitement en dépit de la pandémie de COVID-19.
Concernant le volet de renforcement des capacités réalisé par des acteurs externes, il y a eu très peu de progrès pour plusieurs raisons mais c’est avant tout l’impact négatif l’’épidémie de COVID-19 qui nous a fortement retardé. Elle ne nous a pas permis d’envoyer des experts sur place et d’organiser les diverses formations et ateliers planifiés. L’option d’organiser des formations à distance n’a pas été retenue, ce qui était peut-être une erreur. La pandémie a également eu un effet négatif sur la mise en œuvre de l’ensemble des activités qui étaient planifiées par l’UGP.
Quant au volet renforcement des capacités réalisé par les experts résidentiels, des progrès ont été notés car les assistants techniques ont contribué, avec succès, au renforcement des capacités des personnes avec lesquelles ils ont pu interagir. Il nous appartient de documenter davantage ce volet, et d’en tirer des enseignements pour la suite du dispositif au Tchad, et pour alimenter la réflexion sur l’assistance technique de long terme.
Concernant le volet accompagnement, les résultats liés aux notes de subvention ne progressent pas pour diverses raisons : certaines activités ne sont pas mises en œuvre, ce qui freine le décaissement de la subvention. Mais il faut aussi mentionner que le DAT est positionné au sein de l’UGP et pas au niveau des bénéficiaires secondaires qui sont les partenaires de mise en œuvre et qui rencontrent également des difficultés de mise en œuvre. L’une des possibilités pour l’avenir serait de renforcer l’UGP dans le but qu’elle encadre mieux et renforce les bénéficiaires secondaires.
Sur le plan financier et après deux audits externes, on note qu’il n’y a pas eu de dépense inéligible.
5/ Quelle suite envisagez-vous pour le DAT Tchad ?
Nous discutons d’une éventuelle suite à réserver au DAT car cette première phase de 3 ans ne semble pas suffisante pour atteindre pleinement nos objectifs. Une évaluation externe est en cours, elle nous donnera des éléments et des recommandations sur la forme que pourrait prendre notre action dans l’avenir, à la lumière également de notre expérience en Mauritanie, où un dispositif d’AT perlée a été mis en place.
La première chose à faire est de réfléchir et d’aligner les attentes vis-à-vis de ce DAT : Expertise France et les autres acteurs du DAT (ministère, Fonds mondial, Gavi et autres PTF) pour qu’ils se mettent d’accord sur ce qui peut être attendu d’un tel dispositif. Cela rendra le travail et le positionnement des experts plus facile.
En ce qui concerne les ressources humaines, il nous faudra certainement voir comment favoriser les conditions de travail qui garantissent un minimum de stabilité afin de pérenniser les acquis sur le volet renforcement des capacités du DAT. L’adaptation de certaines stratégies sera également nécessaire, pour ne pas se focaliser uniquement sur le renforcement des capacités individuelles mais considérer également le renforcement de la structure en tant que telle, à travers la mise en place d’outils, de manuels, etc. C’est à cette condition que le renforcement des capacités sera pérenne, car collectif.
Enfin, nous souhaitons revoir les outils internes et externes du DAT afin de les simplifier et de les utiliser davantage pour mieux suivre l’impact du DAT et la performance du dispositif.