LE LANCEMENT DU NOUVEAU MODÈLE DE FINANCEMENT MARQUÉ PAR LA CONFUSION
Author:
David Garmaise
Article Type:Article Number: 1
RÉSUMÉ Le lancement du nouveau modèle de financement n’a pas été une mince affaire. Selon David Garmaise, il est regrettable que la transition entre le système basé sur les séries de propositions et le nouveau modèle de financement ait engendré des complications, une certaine confusion ainsi que des conséquences inattendues.
L’envoi de lettres aux 123 pays pouvant prétendre aux subventions du Fonds mondial le 12 mars dernier à Genève aurait dû marquer un lancement en fanfare.
Ces lettres, signées par Mark Eldon Edington, directeur de la Division de la gestion des subventions, furent l’aboutissement de deux années de travail laborieux en vue d’élaborer le nouveau modèle de financement : une nouvelle méthode de travail pour le Fonds qui vise à mettre davantage l’accent sur les programmes à fort impact et de qualité dans les pays les plus touchés par les maladies et les moins à même de payer.
Au lieu de célébrer ce lancement, un certain mécontentement s’est fait sentir au niveau national – concernant la taille des enveloppes individuelles, d’abord et avant tout, mais aussi la manière dont la transition a été gérée. Les décisions concernant le passage du système basé sur les séries de propositions au nouveau modèle de financement ont engendré de l’incertitude et de la confusion, mais ont également eu des conséquences imprévues, selon moi (voir ci-dessous).
On pensait, lors de l’élaboration du nouveau modèle de financement, que la méthodologie d’allocation s’appliquerait uniquement aux ressources disponibles pour les nouvelles subventions. Les nombreux calculs – de l’application du barème revenu/charge de morbidité aux réductions progressives pour les pays ayant bénéficié d’enveloppes excédentaires – concernaient, semble-t-il, uniquement les nouveaux financements – c’est-à-dire les fonds provenant de la 4ème reconstitution des ressources et disponibles pour les nouvelles subventions. Il semblait que les subventions existantes seraient mises en œuvre en vertu des règles antérieures et que les sommes allouées pour la période 2014-2016 proviendraient exclusivement de financements nouveaux.
Mais le Fonds mondial a décidé, très tardivement apparemment, que les sommes allouées pour la période 2014-2016 incluraient les ressources disponibles pour les subventions existantes et des fonds supplémentaires pour les nouvelles subventions. Pour se justifier, le Fonds s’est référé à une décision prise lors de la 28ème réunion du Conseil en novembre 2012 stipulant que l’allocation des fonds à des catégories de pays tiendrait compte « à la fois des actifs engagés et non engagés ».
Des conséquences inattendues
Selon moi, la décision de combiner les financements existants et les nouveaux financements lors des attributions de fonds a eu un certain nombre de conséquences inattendues, notamment:
- Certaines composantes ne reçoivent aucun financement pour les nouvelles subventions.
- L’application de la répartition globale entre les maladies au montant total des fonds disponibles (14,82 milliards US$) a créé des déséquilibres dans les allocations.
- Les nouvelles exigences relatives à la volonté à payer s’appliquent à des composantes qui ne reçoivent aucun financement pour les nouvelles subventions.
Chacune de ces conséquences est examinée ci-dessous.
Certaines composantes ne reçoivent aucun financement pour les nouvelles subventions.
En allouant à certaines composantes des fonds qui suffisent seulement à couvrir les coûts des programmes actuels, le Fonds mondial rééquilibre en fait son portefeuille rétroactivement au moyen des fonds existants. Aussi est-il permis de se demander s’il est équitable de procéder ainsi. Que signifie « équitable » dans ce contexte ? D’une part, les composantes ne recevant que les fonds suffisants pour couvrir les programmes actuels sont celles qui, ces dernières années, ont reçu plus qu’une part équitable. Dans ces conditions, il est peut-être juste de ne pas allouer de nouveaux fonds à ces composantes.
Mais d’autre part, on pourrait dire que les subventions existantes proviennent d’engagements antétieurs du Fonds mondial; que celui-ci doit honorer ces engagements; et qu’il doit également allouer de nouveaux fonds à ces composantes, même si les montants sont nettement inférieurs à ceux qui avaient été alloués par le passé. En fait, tel est exactement le but des dispositions relatives à une réduction progressive qui ont été prises dans le cadre du nouveau modèle de financement.
Déséquilibres dans la répartition globale entre les maladies.
La répartition globale du financement entre les maladies est importante dans la mesure où il s’agit de l’une des premières étapes de la méthodologie d’allocation. Elle est utilisée pour créer des enveloppes de crédits pour chacune des trois maladies; ces enveloppes constituent alors la base de calcul des sommes qui seront allouées à chaque composante dans chaque pays.
La répartition globale entre les maladies a été décidée par le Conseil d’administration (50 % pour le VIH, 32 % pour le paludisme; 18 % pour la tuberculose). Elle ressemble, sans être toutefois identique, à la répartition initiale entre les maladies. Le problème tient au fait que lorsque le Fonds a décidé d’appliquer la répartition 50:32:18 au montant total des fonds disponibles (14,82 milliards US$), il l’a appliquée non seulement aux ressources disponibles pour les nouvelles subventions (5,76 milliards US$), mais aussi à la part des fonds réservés aux subventions actuelles (9,06 milliards US$).
Toutefois, les subventions existantes répondaient déjà à une répartition entre les trois maladies. Les subventions avaient déjà été atribuées.
La répartition est ce qu’elle est. (Nous ne savons pas précisément ce qu’elle est). Donc, encore une fois, le Fonds mondial applique rétroactivement aux financements existants un barème d’allocation utilisé dans le nouveau modèle de financement. De ce fait, il existe un déséquilibre dans la répartition des subventions par maladie pour les pays. Ce n’était certainement pas le but visé lorsque l’on a élaboré cette méthodologie.
Volonté de payer.
Les dispositions relatives à la volonté de payer sont appliquées au montant total des fonds disponibles qui s’élève à 14,82 milliards US$. En vertu de ces dispositions, 15 % de l’allocation de base d’une composante est retenu à moins que le pays n’investisse davantage dans ses programmes de lutte contre les maladies – c’est-à-dire plus que ce qu’un pays doit investir dans le cadre de ses obligations relatives au financement de contrepartie. Les sommes supplémentaires qui devront être investies seront décidées lors de discussions menées avec le pays.
Il est logique d’appliquer les dispositions relatives à la volonté de payer aux nouveaux financements disponibles pour les nouvelles subventions. Mais qu’en est-il des composantes qui ne reçoivent que les fonds suffisants pour couvrir les subventions actuelles ? Il n’est pas sérieux de demander aux pays de réaliser des investissements supplémentaires uniquement afin d’amasser plus d’argent pour des subventions qui ont déjà été approuvées. Pourtant, c’est exactement ce qui se passe.
Incertitude, confusion et manque de communication
Qu’il soit équitable ou non d’allouer à certaines composantes les fonds qui suffisent uniquement à couvrir les programmes actuels, cela n’était certainement pas prévu. Aucune annonce publique n’a été faite, et aucune discussion n’a été entamée au sein du Conseil. Aidspan n’a été mis au courant qu’une fois les lettres d’allocation envoyées.
Ni le Conseil d’administration, ni le Secrétariat n’ont évoqué les autres conséquences imprévues liées à la décision de combiner les financements existants et les nouveaux financements lors des attributions de fonds. Il est difficile de ne pas conclure que cette décision a pris au dépourvu de nombreuses personnes au sein du Secrétariat.
La décision semble avoir des conséquences sur la manière dont les subventions actuelles sont gérées dans le cadre du nouveau modèle de financement. Mais le Secrétariat n’a pas expliqué publiquement quelles étaient ces implications. Les pays bénéficient-ils d’une certaine flexibilité ? Doivent-ils mettre en œuvre leurs subventions actuelles et ensuite soumettre une note conceptuelle couvrant les fonds supplémentaires qui leur ont été octroyés ?
Le Secrétariat considère-t-il qu’il s’agit là d’une option moins souhaitable que d’obliger les pays à soumettre le plus vite possible une note conceptuelle couvrant à la fois les financements existants et les fonds supplémentaires ? Certains pays ont été clairement avisés qu’ils devaient soumettre dès que possible des notes conceptuelles. Cela nécessiterait une reprogrammation conséquente des subventions actuelles.
Le Secrétariat pense peut-être que chaque pays requiert une approche différente. Il est difficile de connaître la stratégie du Secrétariat dans la mesure où celui-ci discute individuellement avec chaque pays sans faire aucune déclaration publique.
Et, s’il vous plaît, quelqu’un au sein du Fonds pourrait-il enfin expliquer ces « périodes de quatre ans » dont nous ne cessons d’entendre parler ? La décision concernant les dispositions relatives à la transition prise lors de la dernière réunion du Conseil stipule que « chaque part de la composante maladie de l’allocation totale couvrira généralement une période de quatre ans à compter du 1er janvier 2014 … ».
J’ai du mal à comprendre ce que cela signifie. Et il semble que mon sentiment de confusion soit également partagé au niveau des pays récipiendaires. Je constate que les lettres d’allocation ne révèlent rien à propos d’une période de quatre ans.
Un peu plus de communication serait bienvenue.
*Lire la réponse du Fonds mondial à ce commentaire.