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Entre repli et renouveau : repenser le multilatéralisme en matière de santé mondiale.

Type d'article: EDITO Auteur: Aidspan Date: 2025-12-10
Resumé
Ce nouveau numéro du GFO montre comment, dans un contexte de réduction des financements, la santé mondiale oscille entre réalisme budgétaire et renouvellement stratégique. Alors que le Fonds mondial recentre ses activités de manière défensive, que les incertitudes entourent le PEPFAR, que les tensions éthiques sont mises en lumière à Genève et que l'OMS déploie des initiatives pour renforcer l'engagement communautaire et l'approche « Une seule santé », ce numéro suggère que 2025 pourrait être l'année où le secteur, contraint de « faire plus avec moins », aura appris à se réinventer en profondeur sans renoncer à ses ambitions fondamentales.

Chers abonnés,

L'édition 2025 du programme Goalkeepers de la Fondation Bill & Melinda Gates a révélé les enjeux cruciaux auxquels le secteur est confronté. Derrière les célébrations et l'optimisme, un ton plus grave se dessinait : la survie de l'enfant, qui était autrefois le symbole d'un progrès inexorable, est redevenue un indicateur d'urgence. « Faire plus avec moins » n'est plus un slogan, mais une nécessité. En honorant l'Espagne pour son engagement financier, la Fondation a adressé un message politique clair : l'importance d'un multilatéralisme pragmatique, qui consiste à recentrer, prioriser et rationaliser. Ce réalisme, volontairement affirmé, reflète également un malaise plus profond : la prise de conscience que le monde, en révisant ses ambitions à la baisse pour s'adapter à des budgets en diminution, risque de perdre de vue sa promesse initiale, à savoir sauver des vies pour le plus grand nombre, sans faire de compromis.

C'est dans ce contexte de tension que s'inscrit l'examen à mi-parcours du 7e cycle de subventions du Fonds mondial. Confronté à des ressources financières de plus en plus limitées, le Fonds a adopté une posture de garant des services essentiels : assurer la continuité des programmes de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, protéger les systèmes communautaires et reporter les activités secondaires. Cette priorisation n'est pas un repli, mais une tentative de reconstruction. Sous pression, l’institution redéfinit sa logique opérationnelle, basée sur l'intégration, le rapport coût-efficacité, l'équité et la durabilité, quatre piliers d’une reconstruction pragmatique dans laquelle la participation communautaire est à la fois un impératif moral et une condition de survie.

Dans le même temps, la transparence et la responsabilité s'imposent à nouveau comme des contrepoids indispensables. Le rapport annuel du Groupe spécial sur les sanctions, présenté à Genève, rappelle que la légitimité institutionnelle repose non seulement sur l'efficacité financière, mais aussi sur une rigueur éthique constante. Dans un écosystème fragilisé, la confiance devient la ressource non financière la plus précieuse.

Alors que les principaux donateurs réduisent leurs budgets, d'autres changements redessinent le paysage de la solidarité. Aux États-Unis, le Plan de transition annonce une période de turbulences pour le PEPFAR. Les coupes budgétaires, la centralisation des décisions et la diminution de la participation communautaire témoignent d'un modèle fragilisé. Les organisations de la société civile alertent sur le fait que ce n'est pas seulement le programme lui-même qui est menacé, mais aussi la philosophie même de la riposte au VIH, fondée sur la participation et la responsabilité locales.

Face à ces revers, l'Organisation mondiale de la santé semble impulser un contre-mouvement discret mais significatif. Son nouveau plan en dix étapes visant à impliquer formellement la société civile reconnaît une leçon majeure tirée de la pandémie : les communautés ne sont pas des acteurs auxiliaires, mais des partenaires stratégiques. Parallèlement, les Ateliers nationaux de liaison concrétisent la promesse d'« Une seule santé » en établissant des liens entre les secteurs de la santé humaine, animale et environnementale. Dans plus de soixante pays, ces ateliers transforment les diagnostics en plans d'action et remplacent les cloisonnements par des schémas opérationnels partagés.

Un paradoxe productif se dessine ainsi : alors que les financements se contractent, l'architecture de la coopération se précise ; tandis que la santé mondiale semble reculer, elle se réinvente de fond en comble. Entre réalisme budgétaire et renouveau systémique, 2025 pourrait être l'année où la santé mondiale cessera d'attendre les ressources promises et apprendra plutôt à se reconstruire, avec lucidité, retenue et une certitude inébranlable : la détermination collective à ne pas baisser les bras.

Nous serions ravis de recevoir vos suggestions concernant les aspects du secteur des initiatives de santé mondiale que vous souhaiteriez voir traités dans notre bulletin d'information, ainsi que des propositions de personnes pouvant rédiger un article sur le sujet. Toute personne souhaitant contribuer bénévolement en tant que chroniqueur invité pour fournir une analyse pertinente ou un témoignage direct sur la situation, à l'échelle micro ou macro, dans le domaine des interventions de santé mondiale, est également la bienvenue. Vous pouvez envoyer vos commentaires et suggestions en français, en espagnol ou en anglais à l'adresse suivante : ida.hakizinka@aidspan.org ou christian.djoko@aidspan.org .

Si vous avez apprécié ce que vous avez lu, n'hésitez pas à en parler autour de vous et à inviter d'autres personnes à s'abonner !

Publication Date: 2025-12-10

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