Dans le cadre d'une initiative sans précédent visant à renforcer la première ligne de défense mondiale contre les urgences sanitaires, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié de nouvelles orientations pour exploiter systématiquement le potentiel des organisations de la société civile (OSC), en faisant ainsi des partenaires essentiels plutôt que de simples soutiens. Lors de ce webinaire, le « Cadre pour l'engagement de la société civile dans les situations d'urgence sanitaire » a été présenté. Ce guide pratique, fondé sur les enseignements tirés de la pandémie de COVID-19 et d'autres épidémies, montre comment les OSC peuvent jouer un rôle déterminant pour atteindre les populations les plus vulnérables.
Le 22 octobre 2025, lors du webinaire de lancement, Supriya Bezbaruah, de l'Unité de protection et de résilience des communautés de l'OMS, a retracé la genèse du document, née dans les premiers jours critiques de la pandémie. « Tout a commencé avec la COVID-19 », a-t-elle déclaré. « Ma collègue, Nellie Kartoglu, a directement mobilisé 54 organisations de la société civile (OSC) locales, touchant 80 millions de personnes dans 40 pays. » Si ces groupes se sont révélés essentiels, fournissant des services allant des soins de santé primaires à la sécurité alimentaire, leur intégration était souvent réactive. « Le problème résidait dans l'inclusion systématique des OSC », a expliqué Mme Bezbaruah. « Il semblait manquer un mécanisme permettant de recenser systématiquement les OSC et de les inclure non seulement en tant que participantes, mais aussi en tant que partenaires à part entière dans la prise de décision, la planification, la mise en œuvre et la reddition de comptes. »
Un plan d'action en 10 étapes
Le secret de ce nouveau paradigme réside dans un plan global en 10 étapes qui offre aux gouvernements, aux bureaux de pays de l'OMS et aux partenaires une feuille de route pour un partenariat fructueux. Ces étapes sont conçues pour être dynamiques et interconnectées, et non comme une simple liste de contrôle.
Bezbaruah a souligné l'importance cruciale de la première étape de cartographie, qui implique une analyse approfondie afin de garantir l'adéquation des valeurs et de l'éthique en matière de santé publique avec les objectifs de l'organisation. « Pour l'OMS, cela se traduit par un cadre d'accord avec les acteurs non étatiques », a-t-elle expliqué.
De bénéficiaires passifs à participants engagés.
Kai von Harbou, de l'unité de protection et de résilience des communautés de l'OMS, a souligné l'évolution radicale de la perception des communautés. « La protection communautaire repose sur la reconnaissance du fait que les communautés ne sont pas des bénéficiaires passifs, mais des acteurs actifs de leur propre protection et de celle de leurs communautés. Elles sont des acteurs actifs de leur propre protection et de celle de leurs communautés », a-t-il déclaré.
Il a souligné le rôle irremplaçable des OSC en tant que partenaires de confiance et durables, qui entretiennent des liens étroits entre le système de santé et les communautés. De la mobilisation des agents de santé communautaires à la lutte contre la désinformation, en passant par la fourniture de services vitaux aux populations les plus vulnérables, les OSC sont le ciment qui permet de traduire les recommandations internationales en actions concrètes sur le terrain.
Témoignages du front : témoignages du terrain
Le webinaire a été rendu concret par les témoignages éloquents de personnes travaillant sur le terrain avec ce modèle collaboratif.
Le point de vue de l'OMS : pertinence et défis
Reuben Samuel, responsable de programme au Bureau régional de l'OMS pour l'Asie du Sud-Est, a souligné le rôle essentiel des OSC. Il les a décrites comme des bâtisseurs de confiance sociale, des preneurs de risques et des innovateurs, ainsi que des défenseurs passionnés capables de créer des liens entre les individus vivant dans des zones difficiles d'accès ou souvent marginalisées par les systèmes traditionnels.
Mais il a évoqué les obstacles avec franchise. L'interaction directe entre l'OMS et les OSC n'est peut-être pas simple, car l'OMS travaille principalement par le biais des gouvernements. De plus, les procédures contractuelles longues et complexes de l'agence retardent l'action en situation d'urgence, alors que la rapidité est essentielle. Sa solution ? « Contracter avec les OSC en temps de paix… sera en réalité bien plus efficace en cas d'urgence. »
Une place à la table : la commission de la société civile de l'OMS
Michele Thulkanam, représentant la Commission de la société civile de l'OMS , récemment créée , a réaffirmé l'engagement institutionnel de l'organisation envers ce nouveau type d'activité. Établie en 2023, la Commission est un réseau mondial de plus de 540 OSC. Son objectif est de renforcer la coordination avec la société civile et de faire en sorte que ses points de vue contribuent à l'élaboration des politiques, décisions et actions en matière de santé mondiale.
« L’objectif est de garantir que le travail de l’OMS reflète les besoins des populations sur le terrain », a déclaré Thulkanam , ajoutant que la Commission a joué un rôle déterminant dans l’intégration des voix de la société civile au sein même du cadre présenté.
Un document vivant pour un monde en mutation
Le webinaire a souligné que ce cadre n'est pas une décision définitive, mais un document évolutif destiné à être révisé. Il constitue un point de départ pour une refonte globale de l'architecture de la gestion des urgences sanitaires mondiales.
Comme l'a conclu Okwen du Cameroun, pour aller de l'avant, il est nécessaire de répondre à des questions cruciales : « Comment pouvons-nous aller au-delà des organisations formelles de la société civile ? Comment pouvons-nous codévelopper les capacités ? Comment pouvons-nous institutionnaliser cette participation ? Comment pouvons-nous investir dans les écosystèmes de données locaux ? Comment pouvons-nous maintenir l'engagement au-delà de la crise ? »
Les réponses à ces questions détermineront si les leçons durement acquises lors des crises passées permettront de mieux gérer les crises futures, en les rendant plus résilientes, équitables et efficaces. Le nouveau cadre de l'OMS et la coalition essentielle qui le soutient annoncent la fin du rôle passif de la communauté. L'ère de la communauté actrice est arrivée.
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