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OFM Edition 185,   Article Nombre: 2

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Gavi, le GFF et le Fonds mondial : de l'intention à l'impact

Type d'article:
ANALYSE
     Auteur:
Ida Hakizinka et Christian Djoko Kamgain, PhD
     Date: 2025-10-24

Resumé

L'article explore le besoin crucial d'une collaboration plus forte entre Gavi, le Fonds mondial et le le mécanisme de financement mondial (GFF), qui sont confrontés à des déficits de financement et à des besoins sanitaires croissants. Il souligne les progrès opérationnels réalisés dans des domaines tels que le paludisme, les systèmes de santé et les services partagés, tout en relevant les défis persistants en matière de coordination, de responsabilisation et d'équité. La réussite dépendra de l'obtention de résultats mesurables et équitables, et non pas seulement de promesses.

Dans un contexte où les financements stagnent tandis que les besoins explosent, la collaboration entre le Fonds mondial, Gavi et le mécanisme de financement mondial (GFF) n'est plus un slogan : c'est une condition de l'efficacité du système d'aide. La reconstitution des ressources de Gavi pour la période 2026-2030 a permis de mobiliser un peu plus de 9 milliards de dollars, soit nettement moins que l'objectif de 11,9 milliards de dollars – une réalité budgétaire qui exige des choix, de la discipline et… des synergies crédibles entre les institutions .

Pourquoi collaborer « plus et mieux » maintenant : facteurs structurels et conjoncturels

Au niveau macro, trois forces convergent : (i) des ressources sous pression (lassitude des donateurs, priorités concurrentes, coûts unitaires en hausse) ; (ii) des risques de fragmentation au niveau des pays (multiples guichets de financement, exigences parallèles de responsabilisation, calendriers non alignés) ; et (iii) une demande accrue d’impact mesurable de la part des organes directeurs et des parties prenantes, en particulier de la société civile.

Du côté de l'architecture, le document GF/B51/21 marque un passage d'une ambition globale à une mise en œuvre organisée autour de quatre axes de travail : le paludisme, le renforcement des systèmes de santé (RSS), l'engagement des pays et les fonctions d'appui. Le groupe de travail du Comité mixte a cédé la place à un groupe de travail coprésidé par le PDG et directement rattaché aux organes directeurs, témoignant ainsi d'une intégration stratégique et opérationnelle renforcée.

Parallèlement, Gavi 6.0 ( 2026-2030) – approuvée par le Conseil d’administration en 2024 – se présente comme la stratégie « la plus ambitieuse » de l’Alliance pour protéger davantage de personnes contre davantage de maladies, plus rapidement, ce qui nécessite une articulation plus fine avec le financement du Fonds mondial et les instruments nationaux du GFF.

De son côté, le GFF réitère son modèle axé sur les pays et l’alignement des partenaires autour de priorités gouvernementales intégrées – un terrain fertile pour éviter les doublons entre les programmes verticaux et consolider la durabilité des investissements .

En bref : les contraintes financières, l’impératif d’équité et l’obligation de produire des résultats sont autant de facteurs qui plaident en faveur du passage d’une juxtaposition de programmes à un portefeuille commun discipliné, régi par des objectifs, des échéanciers et des mesures partagés.

Des opportunités concrètes (et des tensions réelles) dans la mise en œuvre

a) Paludisme : un banc d'essai pour l'intégration

Le paludisme en est un parfait exemple. Gavi et le Fonds mondial ont harmonisé leurs notes d'orientation et recommandent des demandes de financement ancrées dans les stratégies nationales (paludisme et vaccination), combinant les vaccins (RTS, S/R21) et d'autres interventions locales selon le contexte. Des calendriers techniques synchronisés sont actuellement testés afin d'optimiser l'effet de levier et d'éviter les interruptions entre les cycles.

Sur le plan budgétaire, l’approche exceptionnelle de cofinancement de Gavi pour les vaccins contre le paludisme (RTS, S et R21) clarifie la prévisibilité au niveau des pays et réduit les frictions entre les bailleurs de fonds.

Tensions : trouver un équilibre entre efficacité et équité (cibler rapidement les zones où les rendements marginaux sont élevés ou atteindre les zones reculées et les groupes marginalisés) reste délicat, et les organisations communautaires mettent en garde contre les effets d’éviction à mesure que les budgets se resserrent.

b) RSS : des investissements coordonnés et étayés par des données probantes

Les investissements conjoints progressent dans les chaînes d'approvisionnement, les systèmes d'information (DHIS2) et le développement de la main-d'œuvre. Dans les pays pionniers (Malawi, Mozambique, Tchad, Éthiopie, Guinée), des unités de gestion de programmes conjointes, des plateformes de gouvernance rationalisées et des cycles de subventions harmonisés sont testés – véritables « laboratoires vivants » pour guider le déploiement à grande échelle.

Tensions : interopérabilité (données, processus, achats), coûts de transaction (missions, reporting) et respect du leadership gouvernemental. Sans garde-fous, le risque existe de recréer des secteurs parallèles au sein même des systèmes de santé.

c) Fonctions habilitantes : mutualiser pour multiplier

Au Campus Santé Mondiale, les partenaires explorent des services partagés (informatique, achats, traduction, back-office délocalisé) pour réaliser des gains d'efficacité récurrents. Ces avancées en matière de back-office peuvent libérer des ressources pour la livraison du dernier kilomètre si, et seulement si, les économies sont réaffectées à l'impact programmatique et au suivi de l'équité.

d) Gouvernance et société civile : la responsabilité comme boussole

La période actuelle exige une responsabilisation rigoureuse : des indicateurs partagés, des rapports publics réguliers et des évaluations indépendantes, avec une participation significative de la société civile et des communautés à la prise de décision. Un groupe de travail au niveau hiérarchique approprié ne sera efficace que s'il institutionnalise un cadre unifié de suivi et d'évaluation, ainsi que des boucles de rétroaction permettant d'ajuster le tir.

Alerte sur le terrain : des coupes budgétaires d’environ 30 % frappent les réseaux communautaires dans plusieurs régions ; la fermeture de points d’accès pour les populations clés (par exemple, en Ouganda) et la réduction du financement des interventions communautaires contre le paludisme (par exemple, en Tanzanie) creusent les inégalités. D’où l’impératif d’intégrer l’équité et la voix des communautés au cœur des mécanismes d’allocation et de suivi.

Tableau 2. Flux de travail et exemples de collaboration

Flux de travail

Exemples d'actions conjointes

Mesures illustratives

Paludisme

Orientation alignée ; cycles synchronisés ; vaccins (RTS, S / R21) + contrôle vectoriel

Couverture ; cas et décès ; coût par cas évité ; équité (zones reculées, populations clés)

Renforcement des systèmes de santé (RSS)

Chaînes d'approvisionnement conjointes, DHIS2/données, main-d'œuvre ; unités de gestion de projet conjointes dans les pays pionniers

Taux de rupture de stock ; exhaustivité/actualité des données ; délai de livraison ; couverture de supervision

Engagement des pays

Missions conjointes ; feuilles de route nationales ; cycles de subventions et gouvernance harmonisés

Alignement des cycles ; réduction des coûts de transaction ; indice de satisfaction du gouvernement

Fonctions d'activation

Partage des services informatiques, des achats et de la traduction ; back-office offshore au Global Health Campus

Économies annuelles réalisées ; part réaffectée à la première ligne ; délai pour la contractualisation

Conditions de réussite : évoluer sans perdre la mission

1) Aligner les cycles et les fenêtres de financement sur les priorités des pays. Généraliser les feuilles de route conjointes et aligner le CS8/Gavi 6.0 sur le paludisme, en s'appuyant sur des plans nationaux entièrement chiffrés ; garantir la bonne combinaison d'interventions (prévention, vaccins, prise en charge des cas) sans privilégier les outils.

2) Harmoniser les exigences de cofinancement. Clarifier et rapprocher les règles (notamment pour les nouveaux vaccins et les intrants du RSS) afin d'éviter des incitations contradictoires pour les ministères des Finances.

3) Mutualiser là où les gains sont évidents, protéger là où le risque social est élevé. Développer les services partagés (informatique, achats, traduction) et mettre en place un mécanisme de réaffectation des économies aux priorités d'équité (populations clés, zones rurales isolées).

4) Unifier la responsabilisation. Adopter un cadre d'indicateurs commun (couverture, résultats sanitaires, efficacité), avec publication trimestrielle au niveau national, données ventilées (genre, pauvreté, géographie) et évaluations conjointes indépendantes. Les recommandations doivent déboucher sur des actions concrètes (plan assorti d'échéances, responsables).

5) Institutionnaliser la voix de la communauté. Rendre obligatoire la représentation des usagers et de la communauté au sein des comités directeurs nationaux, avec des budgets dédiés au renforcement des capacités et aux frais de participation (voyages, garde d'enfants, interprétation).

6) Documenter et apprendre rapidement. Dans les pays pionniers, formaliser les protocoles d'apprentissage (ce qui fonctionne/échoue, pourquoi) et les mécanismes de réplication. Les « laboratoires vivants » (unités de gestion conjointes, gouvernance simplifiée, cycles harmonisés) doivent produire des spécifications prêtes à l'emploi pour d'autres contextes.

7) Clarifier l'avantage comparatif. Utiliser le document GF/B51/21 pour cartographier les responsabilités (par exemple, Gavi : financement des vaccins et fonctions de vaccination ; Fonds mondial : paludisme, VIH, tuberculose, systèmes transversaux ; GFF : ancrage et catalyse des pays via l'IDA/la Banque mondiale), puis combler les zones grises qui génèrent des doubles financements et des coûts de coordination.

8) Parler de « coût total » et de « rapport qualité-prix ». Le déficit relatif de ressources (cf. déficit d'environ 2,5 milliards de dollars pour Gavi) exige des compromis explicites : privilégier les interventions présentant un excellent rapport coût-efficacité et un fort potentiel d'équité (rattrapage zéro dose, chaînes du froid plus écologiques, données de vaccination numérisées, distribution communautaire intégrée).

9) Synchroniser la doctrine technique. Concernant le paludisme, maintenir les orientations conjointes Gavi/Fonds mondial, ancrées dans les recommandations de l'OMS et les plans stratégiques nationaux, afin de simplifier les demandes et de réduire les frictions lors de l'examen technique.

10) Fixer des échéances publiques. Le groupe de travail devrait publier un calendrier d'intégration (étapes clés par axe de travail, pays et trimestre), avec les noms des responsables et une évaluation annuelle du Conseil d'administration.

Conclusion : la preuve par les résultats

La fenêtre d'opportunité est étroite : moins de fonds, des attentes plus élevées et des systèmes de santé qui doivent devenir plus résilients aux chocs (climat, épidémies, conflits). Les trois institutions ont réalisé de réelles avancées – axes de travail collaboratifs, cas d'utilisation pour la lutte contre le paludisme, investissements coordonnés dans le RSS, services partagés – mais le défi n'est plus d'annoncer des « pilotes ». Il s'agit de tenir les promesses au niveau national, avec des résultats vérifiables et équitables.

Comme nous le rappellent les parties prenantes, l'appropriation par les pays est non négociable, la voix de la société civile doit être protégée et la transparence doit guider chaque décision. Ce n'est qu'à ces conditions que la collaboration Gavi-GFF-Fonds mondial passera des paroles aux résultats – pour ceux qui n'ont pas le luxe d'attendre.


Publication Date: 2025-10-24


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