OFM Edition 184, Article Nombre: 6
À l'heure où les programmes de santé mondiale sont confrontés à une pression financière sans précédent, une évaluation indépendante récemment publiée aborde une question cruciale : Dans quelle mesure les communautés touchées par le VIH, la tuberculose et le paludisme participent-elles efficacement aux décisions concernant les programmes conçus pour les aider ?
Le bureau d'évaluation et d'apprentissage (ELO) du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a récemment publié une évaluation portant sur l'engagement communautaire (EC) tout au long du cycle de vie des subventions. Les résultats présentent un tableau contrasté : des progrès significatifs dans certains domaines, des lacunes persistantes dans d'autres. Alors que les coupes budgétaires menacent les fondements des efforts internationaux en matière de santé, le rapport met l'accent sur un point essentiel : les expériences vécues par les communautés touchées doivent guider l'avenir de la programmation en matière de santé.
Dans un contexte de financement mondial caractérisé par la lassitude des donateurs et la réduction des budgets, le Fonds mondial se trouve à un moment charnière. L'évaluation souligne que les personnes les plus touchées par le VIH, la tuberculose et le paludisme doivent avoir une voix centrale dans l'élaboration des réponses.
Commandée par le bureau d'évaluation et d'apprentissage (ELO) et supervisée par le groupe indépendant d'évaluation (IEP), l'évaluation a cherché à comprendre où, comment et pourquoi l'EC réussit ou échoue tout au long du cycle de subvention. S'appuyant sur plus d'un an de recherche, y compris des études de cas dans dix pays et des plongées approfondies au Cameroun et au Cambodge, le rapport propose des stratégies pour améliorer l'EC et présente une feuille de route pour un engagement plus inclusif, plus transparent et plus efficace.
Figure 1. Illustration de la feuille de route
Historique et contexte
L'engagement communautaire est un pilier essentiel de la stratégie 2023-2028 du Fonds mondial. Il s'agit de la participation active et significative des communautés les plus touchées par la maladie aux décisions qui ont un impact sur leur vie. Loin d'être une simple obligation morale, l'EC est une nécessité stratégique : il est prouvé que les interventions menées par les communautés produisent de meilleurs résultats en matière de santé et des programmes plus durables.
Malgré cela, l'évaluation révèle que l'application cohérente de ce principe tout au long du cycle de subvention - de la demande de financement à la mise en œuvre - reste un défi. Si l'EC a évolué au cours de la phase de demande de financement, l'engagement au cours des phases ultérieures d'octroi et de mise en œuvre des subventions reste limité ou symbolique.
Ce défi s'inscrit dans un contexte d'incertitude financière croissante, les principaux donateurs bilatéraux réduisant leur soutien. Dans ce contexte, il est plus urgent que jamais de garantir des programmes de santé réactifs, ancrés localement et efficaces.
L'approche de l'évaluation
Comme indiqué précédemment, l'évaluation a été commandée sous la supervision du groupe d'évaluation indépendant. L'examen vise à déterminer si la stratégie 2023-2028 du Fonds mondial tient sa promesse de « maximiser l'engagement et le leadership des communautés les plus touchées ».
L'évaluation a utilisé une méthodologie basée sur la théorie et inspirée par la réalité pour explorer ce qui fonctionne, pour qui, dans quelles conditions et pourquoi. Plutôt que de s'appuyer sur des mesures traditionnelles des résultats, elle a utilisé des configurations contexte-mécanisme-résultat (CMO) pour examiner comment des interventions spécifiques se déroulent dans divers contextes.
Dix pays ont été sélectionnés pour des études de cas approfondies : Cambodge, Cameroun, République centrafricaine, Tchad, Équateur, Ghana, Indonésie, Tadjikistan, Ukraine et Zimbabwe. Le Cambodge et le Cameroun ont fait l'objet d'études approfondies.
Figure 2. Modèle d'approche
Questions clés de l'évaluation :
L'évaluation a intégré des analyses documentaires, des entretiens avec les parties prenantes et des groupes de discussion communautaires afin de trianguler les données et d'évaluer ce qui se passe et comment cela est perçu et vécu par les personnes impliquées.
L'évaluation s'est concentrée sur trois étapes du cycle de subvention :
1. Demande de financement
2. Octroi de la subvention
3. Mise en œuvre
Évaluation Principales conclusions
L'étape de la demande de financement est apparue comme le moment du cycle de subvention où l'engagement communautaire a été le plus significatif dans les dix pays ayant fait l'objet d'une étude de cas. Même dans des environnements difficiles, tels que les zones touchées par un conflit ou celles où l'espace civique est restreint, une forte participation des communautés et des populations clés a été observée.
Principales conclusions
Exemples de financement dans divers pays
Limites de la phase d'élaboration
L'évaluation a noté que, même à ce stade, le processus de rédaction a parfois dilué les contributions des communautés. Des priorités ont parfois été exclues sans explication, ce qui a sapé la confiance établie lors des consultations précédentes.
Les communautés touchées par la tuberculose et le paludisme ont notamment connu un engagement plus faible. Les groupes de lutte contre la tuberculose ont été davantage impliqués lorsque l'assistance technique était disponible, tandis que les populations touchées par le paludisme sont restées largement exclues, en partie en raison d'une représentation organisationnelle plus faible.
Si l'étape de la demande de financement a mis en évidence le meilleur de l'engagement communautaire, l'étape de l'octroi des subventions a révélé son lien le plus faible et s'est révélée la plus problématique.
L'étape de l'octroi des subventions a représenté une faiblesse critique dans l'engagement du Fonds mondial à l'égard de l'engagement communautaire. En dépit d'un engagement communautaire fort au cours de la phase de demande de financement, la plupart des pays n'ont pas réussi à maintenir des pratiques inclusives, ce qui a sapé les priorités des communautés et endommagé la confiance. Le manque de transparence, l'inégalité des rapports de force et l'exclusion de la prise de décision finale ont non seulement réduit l'impact des efforts d'EC antérieurs, mais ont également découragé la participation future des communautés affectées et des personnes clés. Il est essentiel de combler ces lacunes pour que les processus d'octroi de subventions soient plus équitables, plus réactifs et plus responsables.
L'engagement communautaire au cours de la phase de mise en œuvre a donné des résultats mitigés. Si certains pays ont réalisé des progrès significatifs grâce à des mécanismes structurés et à des innovations adaptatives, d'autres ont dû faire face à une participation limitée, incohérente ou symbolique des communautés et des populations clés.
Dans la plupart des pays, l'EC a été principalement canalisée par des mécanismes de contrôle tels que : ICN, suivi communautaire (CLM) et groupes de travail techniques.
Dans les pays où le leadership des ICN était fort, diversifié et responsable, les communautés avaient une plus grande capacité à influencer les résultats de la mise en œuvre. C'est le cas par exemple en Indonésie et au Zimbabwe :
Le CLM est apparu comme un outil essentiel non seulement pour le suivi des performances du programme, mais aussi pour le renforcement des capacités et le maintien de la mémoire institutionnelle, indispensables à la pérennité de l'EC sur l'ensemble des cycles de subvention.
Malgré le potentiel de correction à mi-parcours, les révisions programmatiques ont rarement inclus un EC significatif :
Cette participation limitée a créé un décalage entre l'engagement précoce au stade de la demande de financement et l'appropriation du programme à long terme.
Certains pays ont introduit des stratégies innovantes pour maintenir l'engagement en cas de perturbations externes :
Ces exemples montrent comment la flexibilité et l'innovation peuvent renforcer l'EC pendant la mise en œuvre, en particulier dans les contextes touchés par des crises ou des obstacles logistiques.
L'évaluation a mis en évidence l'inégalité de l'EC selon les maladies :
Malgré les efforts déployés, les groupes marginalisés tels que les adolescents, les réfugiés, les travailleurs du sexe et les transsexuels continuent de se heurter à des obstacles juridiques, sociaux et structurels à leur participation :
Même lorsque les ICN ont été formellement mises à jour pour inclure les populations clés et les personnes handicapées, l'efficacité de la participation a fortement varié en fonction du contexte et du leadership.
Quels sont les facteurs de réussite ?
Trois facteurs sont apparus comme les plus importants pour la réussite de l'EC :
À l'inverse, les obstacles juridiques, la stigmatisation sociale et les espaces civiques restrictifs ont entravé l'EC, en particulier pour les groupes marginalisés tels que les travailleurs du sexe, les consommateurs de drogues et les populations LGBTQ+.
L'évaluation révèle deux réalités distinctes.
L'évaluation conclut que si le Fonds mondial a réalisé des progrès significatifs dans l'intégration de l'EC, en particulier au début du cycle de subvention, des disparités flagrantes subsistent. Le modèle « chargé en amont », dans lequel l'engagement est maximal au début mais s'estompe au cours de l'exécution, risque de désillusionner les communautés et de compromettre l'impact à long terme.
Il met également en garde contre l'inégalité de l'EC entre les maladies. Les communautés touchées par le VIH bénéficient d'années de mobilisation et d'investissement ; les communautés touchées par le paludisme et la tuberculose sont à la traîne, souvent en raison de structures d'organisation plus faibles et de moins d'alliés.
L'évaluation appelle à une approche plus équilibrée et continue de l'EC, fondée sur l'analyse du pouvoir, adaptée au contexte et soutenue par des processus et des mécanismes de responsabilité plus clairs.
Recommandations
L'équipe d'évaluation a formulé neuf recommandations clés pour améliorer l'engagement communautaire significatif tout au long du cycle de subvention du Fonds mondial. Ces recommandations sont alignées sur les trois étapes du cycle de subvention : la demande de financement, l'octroi de la subvention et la mise en œuvre. Les recommandations visent à améliorer l'inclusion, la transparence et la réactivité sans nécessiter de nouveaux investissements majeurs.
Recommandations pour l'étape 1 : demande de financement
Malgré les bonnes performances de l'EC à ce stade, deux recommandations ont été proposées pour améliorer encore la situation :
Recommandations pour l'étape 2 : l'octroi de subventions
Cette étape offre la possibilité la plus efficace d'améliorer l'EC avec un investissement minimal :
Recommandations pour l'étape 3 : la mise en œuvre
L'EC pendant la mise en œuvre est inégale. Trois recommandations visent à améliorer la supervision et l'adaptation
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2025-08-18
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