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Gel de l’aide américaine : un coup dur pour la santé des femmes en Afrique



Type d'article:
ANALYSE
     Auteur:
Christian Djoko et Ekelru Jessica
     Date: 2025-03-14

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Resumé


Dans cet article, nous analysons l'impact du gel de l’aide américaine sous l’administration Trump en 2025 sur la santé des femmes en Afrique. La suspension soudaine des financements a provoqué l'arrêt de nombreux programmes vitaux, affectant la santé maternelle, l'accès à la contraception, la lutte contre le VIH et les services de santé reproductive. Des cliniques ont fermé, des soignants ont été licenciés, et des millions de femmes se retrouvent sans soins essentiels, menaçant des décennies de progrès en santé publique. Face à cette crise, les acteurs internationaux cherchent des alternatives pour éviter un désastre humanitaire.


L’administration Trump a décrété en janvier 2025 un gel brutal de l’aide américaine à l’étranger, incluant les financements de santé. Cette suspension soudaine – officiellement un moratoire de 90 jours en attendant une revue des programmes – a immédiatement paralysé de nombreux projets vitaux en Afrique. Des ordres de « stop-work » ont été émis à toutes les organisations partenaires de l’USAID, entraînant l’arrêt net des opérations sur le terrain. En quelques semaines, les conséquences se font déjà sentir sur la santé des femmes africaines : cliniques fermées, personnels soignants licenciés, et interruption de services essentiels en matière de maternité, de contraception, de santé reproductive et de lutte contre le VIH. Face à l’absence soudaine de financements américains – qui atteignaient 42,5
milliards $ en 2023, dont plus de 22
% dédiés à la santé – les acteurs locaux et internationaux tirent la sonnette d’alarme. Personne ne peut combler à court terme un vide d’une telle ampleur, confie un cadre de l’USAID :
«


Retirer tout cet appui du jour au lendemain… personne ne peut intervenir à l’échelle des États-Unis.

Personne


»
. Tour d’horizon, secteur par secteur, de l’impact concret de ce gel de l’aide sur la vie et la santé des Africaines.



Santé maternelle
menacée





Des femmes ghanéennes manifestent pour de meilleurs soins maternels – pancarte au centre
: «
No woman should die giving birth
» («
Aucune femme ne devrait mourir en donnant naissance
»). La suspension des financements américains compromet l’accès aux soins prénataux et obstétricaux, faisant craindre une hausse de la mortalité maternelle.


Les premiers signaux d’alarme concernent la santé maternelle. Dans de nombreux pays africains, l’aide américaine soutenait des maternités, des programmes de formation de sages-femmes et la fourniture d’équipements essentiels. En son absence, ces infrastructures vacillent.
«

 Lorsqu’en plus de la planification familiale, on vous retire aussi les services de santé maternelle – ce qui est en train de se passer – l’effet domino est inévitable 

»
, explique un responsable de programme. Concrètement, des pénuries de sages-femmes, de matériel obstétrical et de soins pré- et postnatals commencent à apparaître. Cela fait craindre une augmentation du risque de décès en couches et de complications de grossesse, après des décennies de progrès.


En effet, l’USAID jouait un rôle vital dans les systèmes de soins périnataux de nombreux États. Au Zimbabwe par exemple, l’ONG Marie Stopes – active dans la santé reproductive – a déjà dû réduire de moitié ses points de consultation mobiles (passant de 1
200 à 600) faute de financements. Cette contraction des services signifie moins de visites prénatales, moins d’accouchements sécurisés, et plus de femmes contraintes d’accoucher sans assistance médicale.
«

 Des pans entiers d’infrastructures sanitaires cruciales sont en train d’être démantelés, des cliniques contraintes de fermer, les soignants de première ligne se retrouvent sans support, et des vies sont en suspens


»
, alerte Sibongile Tshabalala, présidente de la Treatment Action Campaign en Afrique du Sud. Les experts redoutent un bond en arrière : privés de l’appui américain, certains hôpitaux manquent déjà de kits d’accouchement stériles et de médicaments de base.


Un autre danger découle de l’augmentation probable des avortements à risque. Faute de contraception et de suivi adéquat (voir plus bas), davantage de grossesses non planifiées pourraient se solder par des avortements clandestins. Or les avortements non médicalisés figurent parmi les cinq premières causes de mortalité maternelle dans le monde d’après l’OMS.
« C’est une condamnation à mort pour des mères et leurs bébés »
, s’indigne Lynne Mofenson, experte de la fondation EGPAF, en réaction à l’arrêt d’un programme de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant. En somme, en privant les structures de santé de ressources indispensables, le gel de l’aide risque d’augmenter le nombre de femmes qui meurent en donnant la vie, faute de soins appropriés.



Recul de l’accès à la contraception


L’impact du gel se fait également sentir sur l’accès à la contraception et la planification familiale. Les États-Unis étaient l’un des principaux bailleurs de ces programmes, investissant environ 600
millions $ par an via l’USAID dans le monde. La suspension a provoqué un arrêt net de la distribution de contraceptifs dans de nombreuses communautés. Chaque semaine sans l’USAID signifie près d’un million de femmes et de filles privées de contraception dans le monde. En Afrique subsaharienne – région qui concentrait la majorité des projets de planning familial financés par Washington – ce retrait se révèle désastreux. D’après l’Institut Guttmacher, entre le 20
janvier et le 18
février, environ 3,8
millions de femmes n’ont pas reçu les services contraceptifs auxquels elles auraient normalement eu accès. Et ce chiffre grimpe de près d’un million supplémentaire chaque semaine que dure le gel.


Les conséquences sont immédiates
: des centres de santé manquent de préservatifs, d’implants ou de pilules contraceptives à distribuer, laissant des centaines de milliers de couples sans moyens de prévention des grossesses. Dans les villages isolés du Sahel ou d’Afrique de l’Est, où des ONG soutenues par les États-Unis organisaient des cliniques mobiles, les tournées d’information et de distribution de contraceptifs sont suspendues. Beaucoup de femmes, notamment les plus jeunes, se retrouvent sans solution de rechange.
« Sans accès fiable à la contraception, les conséquences seront multiples »
, avertit une spécialiste en santé reproductive à Bamako, qui cite une probable hausse des grossesses précoces et non désirées, et à terme une pression accrue sur des familles déjà en situation précaire.


Des projections chiffrées donnent la mesure du choc : les analystes estiment que la politique de l’administration Trump, si elle se poursuit, pourrait aboutir à 6,5
millions de grossesses non prévues supplémentaires en quatre ans dans les pays en développement
. Autant de grossesses qui, pour beaucoup, surviennent dans des contextes sanitaires inadéquats.
« Le sort de millions de femmes africaines risque de ressembler à un retour au Moyen Âge
»

, a même prévenu Alexander De Croo, le vice-Premier ministre belge, en appelant la communauté internationale à combler le vide laissé par les États-Unis. Quelques initiatives, comme le fonds « She Decides » soutenu par des pays donateurs, ont permis de mobiliser environ 200
millions $ pour la santé sexuelle et reproductive. Mais ce montant demeure bien en deçà des besoins : 42
pays dépendaient en partie de l’USAID pour leurs programmes de planification familiale
. Sans un redémarrage rapide des financements, le recul pourrait se mesurer en générations perdues, avec une explosion des grossesses non planifiées, des avortements à risque et une pression démographique accrue dans des économies fragiles.



Droits et santé reproductifs en danger


Au-delà des chiffres, c’est toute la santé reproductive des femmes africaines qui se trouve fragilisée par la suspension de l’aide américaine. L’administration Trump a non seulement coupé les financements, mais elle a également réactivé dès son retour au pouvoir la politique dite de Mexico (ou
«
global gag rule
»

). Ce dispositif interdit tout financement fédéral américain aux organisations internationales qui fournissent des services d’avortement ou même informent sur cette option. Concrètement, de nombreuses ONG locales se voient placées devant un dilemme insoluble
: renoncer aux subventions américaines – souvent vitales – ou cesser des services cruciaux d’information, de conseil ou de prise en charge en matière d’IVG. En Afrique, où l’accès à un avortement sûr est déjà très limité, cette politique a eu pour effet de fermer des cliniques et de réduire l’offre de soins bien au-delà du seul domaine de l’avortement. Par exemple, en 2017, au Burkina Faso, l’ONG Marie Stopes a perdu environ un quart de son budget suite au
global gag rule
, ce qui l’a contrainte à réduire drastiquement ses activités de planning familial dans les zones rurales.


Les acteurs et actrices de terrain soulignent que ces coupes idéologiques saperont non seulement les droits des femmes, mais aussi des acquis de santé publique. Sans financement, des programmes autrefois intégrés – qui proposaient simultanément contraception, dépistage des IST, éducation sexuelle et prévention des violences sexuelles – doivent réduire la voilure.
« Violences sexuelles, grossesses non désirées, mortalité maternelle
: tous ces enjeux sont liés. En affaiblissant les services de santé reproductive, on rend les femmes encore plus vulnérables
»

, explique une responsable d’ONG en République démocratique du Congo. Dans des pays comme l’Afrique du Sud, le Botswana ou le Lesotho, qui connaissent malheureusement des taux élevés de viols, la disparition de programmes de prise en charge globale signifie que les victimes auront encore plus de difficultés à accéder à une contraception d’urgence, un suivi psychologique, ou un dépistage post-viol.


Les experts en santé mondiale dénoncent une double peine. D’un côté, le gel de l’aide stoppe net des services vitaux (centres de santé maternelle, approvisionnement en contraceptifs, etc.). De l’autre, la politique américaine anti-avortement empêche les structures restantes d’aborder librement toutes les questions de santé reproductive.
« Même avant que l’effet des coupes de Trump ne se fasse pleinement sentir, on voyait déjà l’impact de l’arrêt du financement du FNUAP : des communautés entières privées de soins de santé reproductive… C’est un retour en arrière dramatique »
, déplorait déjà en 2027 un communiqué de l’organisation Action Canada pour la santé et les droits sexuels. En somme, la suspension de l’aide américaine combine effets budgétaires et restrictions idéologiques, affaiblissant les systèmes de santé africains dans leur capacité à accompagner les femmes tout au long de leur vie reproductive.



Coup d’arrêt dans la lutte contre le VIH/SIDA


Enfin, l’un des domaines les plus touchés est la lutte contre le VIH/SIDA, où l’apport américain était déterminant depuis deux décennies. Le gel des financements a mis en péril le PEPFAR (President’s Emergency Plan for AIDS Relief), le gigantesque programme américain qui a transformé l’accès aux traitements anti-VIH en Afrique depuis 2003. PEPFAR est crédité d’avoir sauvé plus de 26
millions de vies et changé le cours de l’épidémie de sida dans le monde. Or, du jour au lendemain, ce programme-phare a été virtuellement interrompu par la suspension des fonds. Sur le terrain, les effets se font sentir immédiatement :
« En Afrique, des milliers d’agents de santé financés par les États-Unis ont été licenciés et des cliniques ont fermé, restreignant l’accès aux tests VIH et aux traitements
»

. Partout, des patients se heurtent à des centres fermés ou à des pénuries de médicaments.
« Les gens trouvent porte close. Ils sont désespérés »
, témoigne Simon Bwanya, du Réseau zimbabwéen des personnes vivant avec le VIH, alertant sur les interruptions de traitement en cascade.


Les responsables africains craignent un retour brutal en arrière, vers les heures sombres de la pandémie.
« Nous nous sentons comme des orphelins, sans personne vers qui nous tourner. Je crains qu’on ne revienne à l’époque où être séropositif était une condamnation à mort »
, confie Florence Makumene, une Zimbabwéenne séropositive qui a pu survivre grâce aux ARV fournis par un programme soutenu par les États-Unis. Son centre de traitement communautaire a fermé depuis plusieurs semaines et elle rationne les quelques comprimés qu’elle a pu stocker. Si les antirétroviraux (ARV) ne sont pas rapidement réapprovisionnés, le virus peut rebondir chez des millions de patients, prévient-on, augmentant le risque de résistances aux médicaments.
« Le VIH est une maladie simple : si vous arrêtez vos ARV, vous développez le SIDA »
, rappelle le Pr Francois Venter de l’Université du Witwatersrand à Johannesburg.


Les chiffres donnent le vertige. En Afrique du Sud – pays qui compte le plus grand nombre de personnes vivant avec le VIH au monde – des modélisations estiment que l’arrêt prolongé des financements pourrait provoquer plus de 500
000 décès supplémentaires sur 10
ans
.
« Ce n’est pas de l’exagération
: on s’attend à une catastrophe majeure »

, avertit le Pr Linda-Gail Bekker, directrice du centre VIH Desmond Tutu au Cap, qui a contribué à ces projections. Une reprise de l’épidémie n’est pas à exclure
: des centaines de milliers de nouvelles infections pourraient également survenir si les dépistages et la prévention ne reprennent pas rapidement. D’ores et déjà, l’interruption du PEPFAR compromet les efforts de prévention de la transmission mère-enfant du virus : on estime que 136
000 bébés pourraient naître séropositifs
en raison du gel de 90 jours, faute de traitement antirétroviral pour leurs mères enceintes.



Une grand-mère et son petit-fils dans une clinique de Nairobi (Kenya) soutenue par une ONG locale. Ce centre de santé fournit soutien et soins aux personnes vivant avec le VIH. La suspension de l’aide américaine menace directement ce type de structure communautaire essentielle.


Au niveau des systèmes de santé, le retrait soudain du PEPFAR et de l’USAID revient à amputer le personnel et les ressources de programmes nationaux entiers. Le PEPFAR finance non seulement des ONG, mais aussi une partie des effectifs publics
: en Afrique du Sud, il paye le salaire de 15
000 professionnels de santé spécialisés VIH au sein des hôpitaux et cliniques gouvernementaux. En Lesotho, petit pays durement frappé par le sida, 7 % du personnel de santé national (1
500
personnes) ont déjà été remerciés faute de financement. Au Kenya voisin, plus de 40
000
agents risquent de perdre leur poste dans la lutte anti-VIH. Cette hémorragie de compétences met à genoux des dispositifs déjà fragiles.
« On est en train de démanteler des composantes critiques de l’infrastructure de soins ; tout cela pendant que des vies sont en jeu
»

, alerte Sibongile Tshabalala, qui voit s’effondrer des services de base dans des hôpitaux pourtant majeurs à Johannesburg. Winnie Byanyima, la directrice exécutive d’ONUSIDA, évoque de son côté un climat de « panique, de peur et de confusion » dans de nombreux pays africains confrontés à cette suspension soudaine des fonds.



Un appel urgent à agir


Alors que l’onde de choc du gel de l’aide américaine se propage à travers l’Afrique, une mobilisation s’organise pour éviter un désastre sanitaire durable. Fin février, sous la pression des tribunaux et de la communauté internationale, un juge fédéral américain a ordonné la levée temporaire du gel des financements. Cependant, sur le terrain, le mal est déjà fait : des milliers de contrats sont rompus, des chaînes d’approvisionnement interrompues, et la reprise des programmes reste entravée par le flou bureaucratique. Des dérogations partielles annoncées par Washington – par exemple pour continuer à fournir les traitements ARV – se sont révélées insuffisantes et confuses. Au 18 février, aucun flux de financement n’avait réellement repris, selon l’USAID elle-même
« La suspension soudaine de l’aide a forcé des programmes de santé du monde entier à s’arrêter ou se réduire, y compris des programmes de prévention du VIH, laissant des patients sans médicaments vitaux »
, dénonce John Sifton, de Human Rights Watch.


Face à l’urgence, des voix s’élèvent pour que les autres bailleurs internationaux – gouvernements africains, Union européenne, fondations – augmentent leur soutien et empêchent l’effondrement des progrès obtenus. Certains pays africains cherchent des fonds d’urgence pour maintenir en poste les soignants clés : le gouvernement sud-africain étudie un plan de sauvetage pour garder ses 15
000 agents financés par le PEPFAR. Mais d’autres États plus pauvres n’en ont pas les moyens. Le sort de millions de femmes et de familles africaines demeure suspendu aux décisions américaines dans les semaines à venir. Si le gel de l’aide devait perdurer, les experts redoutent une augmentation des décès maternels, un recul de plusieurs points du taux de contraception, une explosion des nouvelles infections à VIH et un afflux de patients dans des systèmes de santé déjà débordés.


En dernière analyse, cette crise, rappelons-le une fois de plus, met en lumière la dépendance dangereuse de nombreuses initiatives de santé africaine vis-à-vis d’un seul donateur majeur. Elle rappelle aussi que les politiques adoptées à Washington ont des répercussions directes dans une clinique rurale en Ouganda, une maternité au Mali ou un dispensaire de quartier en Cameroun. Les témoignages poignants de patients privés de médicaments, de femmes enceintes anxieuses et de médecins contraints de choisir quels services sauver sonnent comme un avertissement. «
Il ne fait aucun doute que ces coupes coûtent des vies
», résume un expert en santé globale.


Que faire? Augmenter le financement domestique des États africains. En effet, pour garantir un système de santé plus résilient face aux crises et aux fluctuations de l’aide internationale, l’Afrique doit impérativement optimiser ses dépenses et accroître ses investissements dans la santé. Cela passe par une analyse rigoureuse des budgets publics, afin d’identifier et de corriger les inefficiences qui limitent l’impact des ressources disponibles. Un levier majeur d’optimisation réside dans la mise en place d’un pool d’achats groupés au sein de l’Africa CDC, permettant aux États africains de négocier ensemble des médicaments et équipements médicaux à des prix bien plus compétitifs. Cette mutualisation offrirait non seulement des économies d’échelle, mais aussi une meilleure sécurité d’approvisionnement, réduisant la dépendance aux financements externes.


Par ailleurs, certains pays africains ont démontré qu’une gestion efficace des stocks de médicaments réduit considérablement les pertes dues aux expirations ou aux mauvaises pratiques logistiques. Ces modèles doivent être étudiés et répliqués à plus grande échelle, avec des systèmes numériques de suivi des stocks et des politiques de distribution plus flexibles. Investir dans ces réformes structurelles garantirait une meilleure utilisation des ressources disponibles et renforcerait l’autonomie des systèmes de santé africains face aux crises.


À travers multiples, webinaires, réunions de crises, manifestations, tribunes, les actrices et acteurs de la santé mondiale en appellent à la responsabilité collective pour que les femmes africaines ne paient pas le prix le plus lourd de cette suspension de l’aide américaine.



Publication Date: 2025-03-14


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