Chèr(e)s abonnées et abonnés,   Difficile d’ignorer l’ombre portée par l’administration Trump sur la santé mondiale. En s’arrogeant le droit de saborder des décennies de progrès, notamment en Afrique, les décisions américaines marquent un tournant inquiétant. Le retrait des États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ainsi que la suspension quasi totale de l’aide au développement octroyée par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) ne sauraient être réduits à de simples arbitrages budgétaires : ils sont le reflet d’une doctrine isolationniste dont les conséquences s’étendent bien au-delà des frontières américaines. D’un coup de plume, l’édifice de la coopération internationale vacille, menaçant aussi bien les patients que les systèmes de santé déjà fragilisés. Ce n’est pas seulement l’Afrique qui en pâtit : la sécurité sanitaire mondiale elle-même est en péril.   Au cœur de cette actualité assez inquiétante voire anxiogène, l’initiative portée par la société civile au sein du Fonds mondial peut apparaître comme une lueur d’espoir, une bouffée d’oxygène et en même un immense défi. La feuille de route issue de l’étude RISE témoigne d’un sursaut de mobilisation et d’une volonté farouche de renforcer l’engagement des communautés. Mais encore faut-il que cet engagement ne se heurte pas aux sempiternels écueils : intégration limitée, opacité des Instances de coordination nationale et déséquilibres de pouvoir. Si le Cycle de subvention 8 entend apporter des solutions concrètes – financement renforcé, transparence accrue, responsabilisation effective – il reste à voir si ces intentions se traduiront en actions tangibles.   Mais qu’en est-il de ceux qui œuvrent au cœur même de cette machine ? L’impact du Fonds mondial ne se mesure pas seulement à l’aune des vies sauvées, mais aussi à travers la santé mentale de ses propres employé(e)s. Trop longtemps négligé, le bien-être au travail s’impose comme un enjeu majeur, révélateur d’un malaise structurel dans le secteur de la santé mondiale. La pandémie de COVID-19 n’a fait qu’exacerber ces fragilités, et il est temps de reconnaître que le combat pour un monde en meilleure santé commence aussi par une introspection sur les conditions de travail de ceux qui le portent.   Cette même problématique traverse un autre front : celui des activistes des droits des minorités sexuelles et de genre en Afrique francophone. Là encore, la santé mentale est un champ de ruines, broyé entre criminalisation, pressions institutionnelles et impératifs financiers dictés par des bailleurs souvent éloignés des réalités du terrain. Le rapport de l’AGCS PLUS jette une lumière crue sur ces souffrances et rappelle l’urgence d’un financement adéquat, d’une formation spécifique et d’un plaidoyer fort pour la décriminalisation. Défendre la santé, c’est aussi protéger ceux qui militent pour elle.   L’année en cours sera cruciale pour le Fonds mondial. Au-delà des 14 milliards de dollars levés, une question fondamentale demeure : ces ressources parviendront-elles réellement à ceux qui en ont le plus besoin ? L’exemple des équipes africaines réunies au Cap illustre cette tension entre engagement et réalité budgétaire. Suivre la trace de chaque dollar devient un impératif, et la transparence ne saurait être un simple mot d’ordre : elle doit s’incarner dans des mécanismes de contrôle rigoureux et des politiques nationales engagées.   Enfin, un dernier front interpelle : la viabilité des traitements par agonistes opioïdes en Europe de l’Est et en Asie centrale. À mesure que ces programmes basculent vers un financement national, les failles apparaissent. Absence de cadres politiques solides, financement incertain, accessibilité restreinte… L’expérience du Belarus, de la Moldavie, du Tadjikistan et de l’Ukraine met en évidence un constat accablant : aucun de ces pays n’a atteint une autonomie durable en matière de réduction des risques. La transition ne peut s’opérer sans un soutien technique accru, une refonte des politiques publiques et des stratégies de financement adaptées.   Entre espoirs et désillusions, ce numéro de l’OFM dresse un état des lieux contrasté d’une santé mondiale.   Toute idée sur un aspect du secteur des initiatives en matière de santé mondiale que vous aimeriez voir traiter dans notre bulletin d'information est toujours la bienvenue et nous apprécierions vraiment les suggestions sur la personne qui pourrait rédiger un article sur ce sujet ! Toute personne souhaitant contribuer volontairement en tant que chroniqueur invité et fournir une analyse incisive ou un compte-rendu à la première personne de ce qui se passe au niveau micro - ou macro - dans le domaine des interventions de santé mondiale est également la bienvenue. Tous les commentaires et suggestions en français, espagnol et anglais peuvent être envoyés à Ida Hakizinka ida.hakizinka@aidspan.org  et/ou christian.djoko@aidspan.org   Si vous aimez ce que vous lisez, faites passer le mot et demandez à d'autres de s'abonner !