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OFM Edition 183,   Article Number: 1

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L’urgence de la cohérence : entre ambition mondiale et vulnérabilité locale

Article Type:
EDITO
     Author:
Aidspan
     Date: 2025-06-16

ABSTRACT

Dans ce nouveau numéro du GFO, nous examinons le fossé grandissant entre les engagements de haut niveau en matière de santé mondiale et les réalités fragiles auxquelles sont confrontées les réponses menées par les communautés sur le terrain. Ce numéro met en lumière les conséquences des retards de financement, la marginalisation de la société civile dans les processus de réaffectation accélérés, ainsi que l’urgence d’une gouvernance inclusive, d’une redevabilité financière et d’un leadership sanitaire ancré dans les contextes locaux – en particulier en Afrique.

Cher(e)s abonné(e)s,

Une dissonance sourde traverse les discours de santé mondiale en cette saison. Tandis que Bruxelles rassemble les puissants pour célébrer la promesse d’un monde immunisé, les communautés en première ligne face aux pandémies peinent à faire entendre leur voix. Entre levées de fonds spectaculaires, instruments financiers innovants et discours lustrés sur la fabrication de vaccins en Afrique, les échos venus de la périphérie se font, trop souvent, simples murmures. C’est pourtant dans cette tension – entre faste diplomatique et rudesse des réalités communautaires – que se joue la crédibilité de la gouvernance sanitaire mondiale.

Le récent sommet de Gavi, coorganisé avec l’Union européenne et la Fondation Gates, a permis de lever plus de 9 milliards de dollars pour sa stratégie 2026–2030 – une performance remarquable, bien qu’inférieure à l’objectif de 11,9 milliards. Ce déficit, davantage symbolique que critique, rappelle que les ressources sont limitées et que les arbitrages sont inévitables. Mais il souligne surtout que la résilience des systèmes de santé ne se mesure pas uniquement en milliards levés, mais en milliards d’actes invisibles – souvent accomplis dans le silence par des acteurs communautaires relégués aux marges des décisions.

Ce paradoxe est mis en lumière de manière saisissante par le processus actuel de « réaffectation du CS7 » du Fonds mondial. En raison de retards dans les décaissements des donateurs, le Fonds est contraint de revoir à la baisse les subventions des pays et de différer certaines activités. Bien que les directives officielles insistent sur la nécessité de préserver les programmes axés sur les communautés, la réalité du terrain laisse entrevoir un risque bien plus préoccupant : celui de la mise à l’écart des voix les plus proches des réalités épidémiques. Comment parler d’engagement lorsque les délais, les procédures et les marges de manœuvre réduites excluent de fait toute participation communautaire significative ?

Cette inquiétude a culminé lors de la réunion virtuelle de la société civile du 20 mai. Les échanges ont été marqués par un mélange d’angoisse et de frustration. De nombreuses organisations ont dénoncé la suspension soudaine de services essentiels liés au VIH, à la tuberculose et au paludisme – souvent sans explication ni consultation préalable. Derrière les acronymes et les tableurs se trouvent des vies interrompues, des traitements manqués, des soutiens démantelés. Le Fonds mondial s’est engagé à améliorer la communication, mais pour beaucoup d’activistes, les mots ne suffisent plus. Ce qu’il faut désormais, c’est de la stabilité, de la transparence et la reconnaissance pleine et entière des acteurs communautaires comme co-décideurs.

Cet impératif a trouvé un écho puissant dans le plaidoyer des organisations de la société civile africaine autour du nouvel Accord sur les pandémier. Ces acteurs ne demandent pas une place symbolique à la table – ils exigent une co-responsabilité dans la préparation, la réponse et le financement en cas de pandémie. La confiance, la redevabilité et la portée des services de santé ne se construisent pas depuis Genève ou New York, mais à partir du terrain. Les communautés sont le tissu conjonctif des systèmes de santé, surtout lorsque l’État se retire ou vacille. Les exclure, c’est fragiliser toute l’architecture de la préparation mondiale.

L’Afrique, justement, ne se contente plus d’exécuter des décisions prises ailleurs. À la 78e Assemblée mondiale de la santé, les dirigeants africains ont affirmé leur volonté de bâtir des systèmes de santé durables, autofinancés L’initiative portée par le Nigeria, en collaboration avec le Fonds mondial, marque un tournant : celui du passage du statut de bénéficiaire passif à celui d’architecte actif. De l’expérience de l’Éthiopie aux régimes communautaires d’assurance santé au Zimbabwe, en passant par les appels à l’innovation du Dr Donald Kaberuka – émerge une mosaïque d’ambitions et de capacités qui n’attend plus d’autorisation extérieure.

Mais la souveraineté exige plus que des déclarations. Elle appelle à la redevabilité. Le Rapport sur les recouvrements, présenté lors de la 53e réunion du Conseil d’administration du Fonds mondial, en est un rappel salutaire. Loin d’un exercice comptable austère, il révèle les tensions entre la rigueur financière et la complexité opérationnelle. Récupérer des dépenses non conformes dans des contextes fragiles est non seulement nécessaire d’un point de vue budgétaire – cela peut aussi signifier l’interruption de services vitaux. D’où la nécessité d’outils de gestion des risques plus intelligents, plus sensibles aux réalités locales, capables d’articuler transparence et flexibilité.

Dans cet environnement complexe, un sujet en apparence technique revêt en réalité une importance stratégique : les progrès du Fonds mondial en matière de privilèges et immunité. Ces protections juridiques – mises en avant dans le rapport présenté à Genève – permettent au Fonds d’opérer avec moins d’obstacles administratifs et juridiques. Loin d’être de simples formalités bureaucratiques, elles sont des boucliers essentiels pour le personnel, les biens et les programmes dans un contexte international de plus en plus instable.

Ce qui se dessine au fil de ces développements, c’est le portrait d’un écosystème de santé mondiale à la croisée des chemins. Un système qui promet beaucoup, mais peine encore à faire coïncider ambition et inclusion. Un système dont la résilience ne peut plus reposer uniquement sur les épaules des grands bailleurs ou des institutions globales, mais qui doit s’ancrer dans les dynamiques locales, l’intelligence communautaire et le leadership souverain.

La tâche qui nous attend ne se résume pas à lever des fonds. Elle consiste à créer du levier – sur les inégalités, les rapports de pouvoir, et notre imagination collective d’un monde où la santé ne serait plus un privilège à négocier, mais un droit partagé à concrétiser.

Toute réflexion sur un aspect du secteur des initiatives mondiales en matière de santé que vous souhaiteriez voir traité dans notre bulletin d'information est la bienvenue, ainsi que les suggestions sur la personne qui pourrait rédiger un article sur ce sujet ! Toute personne souhaitant contribuer volontairement en tant que chroniqueuse ou chroniqueur invité et fournir une analyse incisive ou un compte-rendu de ce qui se passe au niveau micro ou macro dans le domaine des interventions de santé mondiale est également la bienvenue. Tous les commentaires et suggestions peuvent être envoyés à Ida Hakizinka ida.hakizinka@aidspan.org et/ou Christian Djoko Kamgain, PhD christian.djoko@aidspan.org en français, espagnol et anglais.

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Publication Date: 2025-06-16


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