OFM Edition 184, Article Number: 2
ABSTRACT
Le rapport ONUSIDA 2025 met en évidence les progrès majeurs réalisés dans la lutte contre le VIH, mais met en garde contre une crise de financement critique. Le retrait soudain du PEPFAR risque de réduire à néant des décennies de réalisations. Une transformation urgente, équitable et durable de la riposte mondiale est essentielle.
Le rapport mondial 2025 de l'ONUSIDA, intitulé « Le sida, la crise et le pouvoir de transformation », met en évidence un paradoxe frappant. D'une part, les percées scientifiques et les progrès mesurables dans la lutte contre le VIH alimentent l'espoir de mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique d'ici à 2030. D'autre part, un effondrement soudain du financement international menace de démanteler des décennies de réalisations. Le retrait brutal d'un soutien financier essentiel, notamment du plan d'urgence du président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR), paralyse l'architecture de la riposte mondiale : les cliniques ferment, les chaînes d'approvisionnement se rompent, les campagnes de prévention sont suspendues et les réseaux communautaires sont paralysés. Ce contexte alarmant appelle une analyse approfondie des dynamiques sous-jacentes, ainsi qu'une refonte systémique des solutions urgentes.
Des progrès impressionnants, inégalement partagés
Au cours des deux dernières décennies, la riposte mondiale au VIH a enregistré des progrès considérables. D'ici à 2024, les nouvelles infections seront tombées à 1,3 million, soit une réduction de 40 % depuis 2010, et les décès liés au sida auront diminué de 56 %, pour s'établir à 630 000 par an. Ces résultats sont dus à de solides politiques de santé publique, à des avancées médicales, à la mobilisation des communautés et à de solides partenariats internationaux. La couverture des traitements antirétroviraux a dépassé 77 %, avec des taux de suppression virale de 73 % parmi les personnes traitées. L'Afrique subsaharienne, qui est historiquement la région la plus touchée, a enregistré des progrès exceptionnels, avec des pays comme le Lesotho, le Malawi, le Rwanda, le Zimbabwe et le Népal, qui sont en passe de réduire les nouvelles infections de 90 % d'ici à 2030. L'espérance de vie dans la région a augmenté de près de six ans depuis 2010.

Toutefois, ces progrès globaux masquent de profondes inégalités. Des régions telles que le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (MENA), l'Europe de l'Est et l'Asie centrale ont vu leurs taux d'infection augmenter - une augmentation de 94 % dans la seule région MENA depuis 2010. Les enfants restent mal desservis : seuls 55 % des enfants vivant avec le VIH recevront un traitement en 2024, ce qui laissera plus de 620 000 enfants sans soins. Les hommes ont moins de chances d'accéder au traitement que les femmes (73 % contre 83 %), et les populations clés - notamment les travailleurs du sexe, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les transgenres - restent marginalisées. Ces lacunes sont dues non seulement à des problèmes de santé structurels, mais aussi à l'inertie politique, à la stigmatisation et à des politiques discriminatoires.

Une crise de financement systémique et déstabilisante
L'une des questions les plus urgentes soulevées dans le rapport 2025 est l'aggravation de la crise de financement. Le PEPFAR, pilier de la riposte mondiale, avait permis l'accès au dépistage du VIH pour 84,1 millions de personnes, au traitement pour 20,6 millions d'individus et aux services de prévention du VIH pour 2,3 millions d'adolescentes et de jeunes femmes en 2024. La suspension brutale de ce financement au début de l'année 2025 a paralysé les réponses nationales en Afrique subsaharienne, dans les Caraïbes et dans certaines parties de l'Asie.
Les conséquences sont immédiates et généralisées : pénuries de médicaments, fermetures de centres de soins, licenciements, interruption des programmes de PrEP et des initiatives de prévention, et effondrement des systèmes d'information sanitaire. Les projections de l'ONUSIDA montrent que si les déficits de financement actuels persistent, jusqu'à 6 millions de nouvelles infections et 4 millions de décès liés au sida pourraient survenir d'ici 2029. De nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire dépendent de donateurs extérieurs pour un pourcentage allant jusqu'à 80 % de leurs budgets de prévention. Cette dépendance excessive souligne la fragilité des systèmes de santé lorsque les priorités des donateurs changent ou disparaissent.

Prévention abandonnée, populations clés négligées
La prévention, bien qu'elle soit la stratégie la plus rentable, est souvent la première victime des réductions de financement. En 2024, seules 3,9 millions de personnes dans le monde auront accès à la PrEP, ce qui est bien en deçà de l'objectif de 21,2 millions fixé pour 2025. Le Nigeria a connu une chute spectaculaire de 85 % du nombre d'utilisateurs de la PrEP en l'espace de six mois seulement - de 43 000 à moins de 6 000 - après l'arrêt du financement américain. Les programmes de distribution de préservatifs, la circoncision médicale volontaire et les campagnes de prévention axées sur les jeunes ont également été réduits ou interrompus.
Les populations clés sont les plus exposées. Bien qu'elles représentent 80 % des nouvelles infections en dehors de l'Afrique subsaharienne, elles restent mal desservies. Les lois répressives, la stigmatisation et l'exclusion sociale continuent de limiter l'accès aux services liés au VIH. Pour la première fois depuis des années, le nombre de pays qui criminalisent les comportements des populations clés a augmenté en 2025. Cette régression menace les objectifs mondiaux en matière de VIH et sape des décennies de plaidoyer fondé sur les droits. Il est urgent de mettre en place des programmes de prévention inclusifs et respectueux des droits humains.
Des communautés en première ligne, mais sous-financées
Les organisations communautaires ont toujours joué un rôle essentiel dans la lutte contre le VIH. Elles atteignent les populations marginalisées, fournissent des services culturellement compétents et dispensent des soins là où les systèmes de santé sont défaillants. Des études montrent que ces interventions augmentent de manière significative les taux de dépistage, l'adhésion au traitement, la suppression virale et réduisent la transmission de la mère à l'enfant. Malgré leur efficacité, les coupes budgétaires de 2025 ont contraint de nombreux groupes communautaires à fermer leurs portes. Cette situation perturbe les réseaux de soutien essentiels et prive des millions de personnes de services.
La réintégration des efforts communautaires dans les stratégies nationales de lutte contre le VIH n'est pas seulement idéale, elle est essentielle. Le financement, la reconnaissance institutionnelle et l'inclusion dans le processus décisionnel sont nécessaires pour soutenir leurs contributions et renforcer la résilience des systèmes de santé publique.
Vers un nouveau pacte de solidarité et de transformation
Le rapport de l'ONUSIDA appelle à une refonte complète du financement de la lutte contre le VIH. Certains pays se mobilisent : 25 d'entre eux prévoient d'augmenter les budgets consacrés à la lutte contre le VIH d'ici à 2026, dont certains de plus de 10 %. Toutefois, ces efforts sont insuffisants sans un soutien mondial. Une nouvelle architecture financière est nécessaire : intégrer la lutte contre le VIH dans les régimes d'assurance maladie, tirer parti de financements mixtes provenant de sources publiques, privées et de développement, et réformer les structures d'endettement et d'imposition.
Cela nécessite un pacte mondial pour l'équité en matière de santé, où la solidarité internationale va au-delà de l'aide pour devenir une responsabilité partagée. La transformation doit remplacer la logique de survie, avec des solutions structurelles, durables et inclusives au cœur des futurs systèmes de santé.

Conclusion : L'urgence d'agir, le courage d'innover
La riposte mondiale au VIH se trouve à un carrefour décisif. Les outils pour mettre fin au sida existent. Les résultats obtenus à ce jour prouvent qu'un changement à grande échelle est possible. Pourtant, la fragilité du système actuel, exacerbée par le retrait des donateurs, expose les limites d'un modèle dépassé. En l'absence d'investissements renouvelés, de volonté politique et de refonte stratégique, l'objectif de mettre fin au sida d'ici à 2030 s'éloignera.
Cette crise est aussi l'occasion de réévaluer les priorités, de rétablir les engagements et de concevoir un système de santé mondial plus juste, plus inclusif et plus résilient. Ne pas agir, c'est abandonner des millions de personnes à la souffrance. Agir maintenant, c'est affirmer que la solidarité mondiale et la justice sanitaire ne sont pas des idéaux négociables, mais des impératifs.
Le rapport mondial 2025 de l'ONUSIDA, intitulé « Le sida, la crise et le pouvoir de transformation », met en évidence un paradoxe frappant. D'une part, les percées scientifiques et les progrès mesurables dans la lutte contre le VIH alimentent l'espoir de mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique d'ici à 2030. D'autre part, un effondrement soudain du financement international menace de démanteler des décennies de réalisations. Le retrait brutal d'un soutien financier essentiel, notamment du plan d'urgence du président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR), paralyse l'architecture de la riposte mondiale : les cliniques ferment, les chaînes d'approvisionnement se rompent, les campagnes de prévention sont suspendues et les réseaux communautaires sont paralysés. Ce contexte alarmant appelle une analyse approfondie des dynamiques sous-jacentes, ainsi qu'une refonte systémique des solutions urgentes.
Des progrès impressionnants, inégalement partagés
Au cours des deux dernières décennies, la riposte mondiale au VIH a enregistré des progrès considérables. D'ici à 2024, les nouvelles infections seront tombées à 1,3 million, soit une réduction de 40 % depuis 2010, et les décès liés au sida auront diminué de 56 %, pour s'établir à 630 000 par an. Ces résultats sont dus à de solides politiques de santé publique, à des avancées médicales, à la mobilisation des communautés et à de solides partenariats internationaux. La couverture des traitements antirétroviraux a dépassé 77 %, avec des taux de suppression virale de 73 % parmi les personnes traitées. L'Afrique subsaharienne, qui est historiquement la région la plus touchée, a enregistré des progrès exceptionnels, avec des pays comme le Lesotho, le Malawi, le Rwanda, le Zimbabwe et le Népal, qui sont en passe de réduire les nouvelles infections de 90 % d'ici à 2030. L'espérance de vie dans la région a augmenté de près de six ans depuis 2010.
Toutefois, ces progrès globaux masquent de profondes inégalités. Des régions telles que le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (MENA), l'Europe de l'Est et l'Asie centrale ont vu leurs taux d'infection augmenter - une augmentation de 94 % dans la seule région MENA depuis 2010. Les enfants restent mal desservis : seuls 55 % des enfants vivant avec le VIH recevront un traitement en 2024, ce qui laissera plus de 620 000 enfants sans soins. Les hommes ont moins de chances d'accéder au traitement que les femmes (73 % contre 83 %), et les populations clés - notamment les travailleurs du sexe, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les transgenres - restent marginalisées. Ces lacunes sont dues non seulement à des problèmes de santé structurels, mais aussi à l'inertie politique, à la stigmatisation et à des politiques discriminatoires.
Une crise de financement systémique et déstabilisante
L'une des questions les plus urgentes soulevées dans le rapport 2025 est l'aggravation de la crise de financement. Le PEPFAR, pilier de la riposte mondiale, avait permis l'accès au dépistage du VIH pour 84,1 millions de personnes, au traitement pour 20,6 millions d'individus et aux services de prévention du VIH pour 2,3 millions d'adolescentes et de jeunes femmes en 2024. La suspension brutale de ce financement au début de l'année 2025 a paralysé les réponses nationales en Afrique subsaharienne, dans les Caraïbes et dans certaines parties de l'Asie.
Les conséquences sont immédiates et généralisées : pénuries de médicaments, fermetures de centres de soins, licenciements, interruption des programmes de PrEP et des initiatives de prévention, et effondrement des systèmes d'information sanitaire. Les projections de l'ONUSIDA montrent que si les déficits de financement actuels persistent, jusqu'à 6 millions de nouvelles infections et 4 millions de décès liés au sida pourraient survenir d'ici 2029. De nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire dépendent de donateurs extérieurs pour un pourcentage allant jusqu'à 80 % de leurs budgets de prévention. Cette dépendance excessive souligne la fragilité des systèmes de santé lorsque les priorités des donateurs changent ou disparaissent.
Prévention abandonnée, populations clés négligées
La prévention, bien qu'elle soit la stratégie la plus rentable, est souvent la première victime des réductions de financement. En 2024, seules 3,9 millions de personnes dans le monde auront accès à la PrEP, ce qui est bien en deçà de l'objectif de 21,2 millions fixé pour 2025. Le Nigeria a connu une chute spectaculaire de 85 % du nombre d'utilisateurs de la PrEP en l'espace de six mois seulement - de 43 000 à moins de 6 000 - après l'arrêt du financement américain. Les programmes de distribution de préservatifs, la circoncision médicale volontaire et les campagnes de prévention axées sur les jeunes ont également été réduits ou interrompus.
Les populations clés sont les plus exposées. Bien qu'elles représentent 80 % des nouvelles infections en dehors de l'Afrique subsaharienne, elles restent mal desservies. Les lois répressives, la stigmatisation et l'exclusion sociale continuent de limiter l'accès aux services liés au VIH. Pour la première fois depuis des années, le nombre de pays qui criminalisent les comportements des populations clés a augmenté en 2025. Cette régression menace les objectifs mondiaux en matière de VIH et sape des décennies de plaidoyer fondé sur les droits. Il est urgent de mettre en place des programmes de prévention inclusifs et respectueux des droits humains.
Des communautés en première ligne, mais sous-financées
Les organisations communautaires ont toujours joué un rôle essentiel dans la lutte contre le VIH. Elles atteignent les populations marginalisées, fournissent des services culturellement compétents et dispensent des soins là où les systèmes de santé sont défaillants. Des études montrent que ces interventions augmentent de manière significative les taux de dépistage, l'adhésion au traitement, la suppression virale et réduisent la transmission de la mère à l'enfant. Malgré leur efficacité, les coupes budgétaires de 2025 ont contraint de nombreux groupes communautaires à fermer leurs portes. Cette situation perturbe les réseaux de soutien essentiels et prive des millions de personnes de services.
La réintégration des efforts communautaires dans les stratégies nationales de lutte contre le VIH n'est pas seulement idéale, elle est essentielle. Le financement, la reconnaissance institutionnelle et l'inclusion dans le processus décisionnel sont nécessaires pour soutenir leurs contributions et renforcer la résilience des systèmes de santé publique.
Vers un nouveau pacte de solidarité et de transformation
Le rapport de l'ONUSIDA appelle à une refonte complète du financement de la lutte contre le VIH. Certains pays se mobilisent : 25 d'entre eux prévoient d'augmenter les budgets consacrés à la lutte contre le VIH d'ici à 2026, dont certains de plus de 10 %. Toutefois, ces efforts sont insuffisants sans un soutien mondial. Une nouvelle architecture financière est nécessaire : intégrer la lutte contre le VIH dans les régimes d'assurance maladie, tirer parti de financements mixtes provenant de sources publiques, privées et de développement, et réformer les structures d'endettement et d'imposition.
Cela nécessite un pacte mondial pour l'équité en matière de santé, où la solidarité internationale va au-delà de l'aide pour devenir une responsabilité partagée. La transformation doit remplacer la logique de survie, avec des solutions structurelles, durables et inclusives au cœur des futurs systèmes de santé.
Conclusion : L'urgence d'agir, le courage d'innover
La riposte mondiale au VIH se trouve à un carrefour décisif. Les outils pour mettre fin au sida existent. Les résultats obtenus à ce jour prouvent qu'un changement à grande échelle est possible. Pourtant, la fragilité du système actuel, exacerbée par le retrait des donateurs, expose les limites d'un modèle dépassé. En l'absence d'investissements renouvelés, de volonté politique et de refonte stratégique, l'objectif de mettre fin au sida d'ici à 2030 s'éloignera.
Cette crise est aussi l'occasion de réévaluer les priorités, de rétablir les engagements et de concevoir un système de santé mondial plus juste, plus inclusif et plus résilient. Ne pas agir, c'est abandonner des millions de personnes à la souffrance. Agir maintenant, c'est affirmer que la solidarité mondiale et la justice sanitaire ne sont pas des idéaux négociables, mais des impératifs.