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OFM Edition 185,   Article Number: 1

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Santé mondiale : financer différemment, gouverner mieux, agir plus équitablement

Article Type:
EDITO
     Author:
Aidspan
     Date: 2025-10-24

ABSTRACT

Ce nouveau numéro de l’OFM met en lumière les défis financiers et politiques qui compromettent la santé mondiale, du retrait incertain du PEPFAR aux ajustements du Fonds mondial avant sa huitième reconstitution. Il souligne l'importance d'une collaboration plus étroite entre les partenaires, d'une gouvernance plus équitable et de la protection des services essentiels, afin que les résultats promis se traduisent par des impacts mesurables et équitables pour les communautés.

Comme nous l'avons inlassablement répété dans nos récentes publications, la santé mondiale traverse une phase turbulente marquée par la convergence de trois réalités. Dans ce contexte complexe, les alliances historiques et les instruments techniques ne suffisent plus. Il faut les réarticuler autour d'un principe simple, mais exigeant : ce qui compte, ce n'est pas ce que nous promettons, mais ce que nous réalisons, surtout pour ceux qui en ont le plus besoin.

Commençons par l'impératif stratégique du moment : Gavi, le Fonds mondial et le GFF doivent coopérer de manière plus profonde et efficace. Les progrès opérationnels dans la lutte contre le paludisme, le renforcement des systèmes de santé et la mise en place de services partagés prouvent que la complémentarité n'est pas un simple slogan. Elle est visible dans les canaux d'approvisionnement, les cadres de données partagées et le soutien technique coordonné. Pourtant, des angles morts persistent : chevauchement des mandats, responsabilité fragmentée, inégalités d'accès. Et avec la contraction des ressources, la méthode doit changer. La collaboration ne peut plus être rhétorique ; elle doit devenir une architecture fondée sur des objectifs partagés, des indicateurs harmonisés et une répartition claire des responsabilités. En somme, il faut passer d'un pacte d'intentions à un contrat de résultats.

Ce réalisme budgétaire est encore plus marqué dans la réponse au VIH. PEPFAR reste l'épine dorsale de l'architecture mondiale, mais l'année 2025 a ébranlé cette structure avec une série de chocs juridiques et budgétaires : expiration des autorisations, gel de l'aide, tentatives de résiliation. Ces secousses n’étaient pas abstraites. En Tanzanie et en Ouganda, elles ont entraîné des perturbations concrètes dans la continuité de la prise en charge de l'infection à VIH et de la prévention, en particulier pour les populations clés. Dans ce contexte instable, une fenêtre d'opportunité s'ouvre toutefois : le déploiement de la PrEP à longue durée d'action, administrée deux fois par an avec le lenacapavir, à un coût réel. Cette approche pourrait transformer la prévention, à condition que trois conditions soient remplies sans délai : préserver l'épine dorsale clinique des programmes, publier des données en temps opportun et mettre en œuvre une pharmacovigilance rigoureuse. Les 6 à 12 prochains mois seront décisifs. Les résultats dépendront de la stabilisation des systèmes plutôt que de leur maintien dans l'incertitude continue, de la réparation des chaînes d'approvisionnement du dernier kilomètre et de l'efficacité de la coordination avec le Fonds mondial pour garantir la continuité des services.

Sur le plan financier, le Fonds mondial cherche à préserver la valeur réelle des engagements avant sa huitième reconstitution en novembre 2025. Une nouvelle méthode de calcul fixe le taux de change au moment de l'engagement et permet d'effectuer des ajustements en cas de fluctuations majeures. L’objectif est clair : amortir les chocs monétaires, protéger le pouvoir d’achat des contributions et orienter les ressources vers des programmes vitaux. Il ne s'agit pas de micro-comptabilité, mais de santé publique appliquée à la finance, garantissant que chaque dollar, euro ou yen a un impact résilient face aux turbulences monétaires.

La même rigueur sous-tend les ajustements des investissements catalytiques (IC) pour le cycle de subvention 7, présentés lors de la 28ème réunion du comité de stratégie à Genève, les 7 et 8 juillet 2025. Avec un portefeuille de 555 millions de dollars américains, les IC soutiennent les initiatives stratégiques, les efforts régionaux et les partenariats avec le secteur privé. Les réductions ont été appliquées avec précaution : ajustements modestes sur les interventions prioritaires, corrections sur quelques subventions multinationales en fonction des performances et protection de la plupart des fonds de contrepartie, un levier essentiel pour favoriser l'appropriation nationale. Les contributions du secteur privé ont été préservées. En résumé : réduire sans casser, prioriser sans sacrifier, maintenir le levier catalytique là où il permet d'atteindre une certaine échelle.

Gérer une telle complexité exige des garde-fous et une boussole. Les priorités de gouvernance stratégique pour la période 2025-2028, discutées ce mois-ci au sein du Comité d'éthique et de gouvernance (CEG), soulignent que l'intégrité n'est pas un luxe procédural. Elle est essentielle pour instaurer la confiance des donateurs, garantir la sécurité des programmes et assurer la légitimité institutionnelle. Dans ce contexte, la Politique de sauvegarde additionnelle (PSA) du Fonds mondial, établie en 2004, joue le rôle de gestion des risques de dernier recours dans les contextes politiquement instables et institutionnellement fragiles. Dix-sept des 29 pays figurant sur la liste de la PSA sont en Afrique, certains sous ce régime depuis plus de 15 ans. En 2024, le BIG a pointé du doigt des stratégies de sortie mal définies, des processus lents et un renforcement des capacités insuffisant. Les réformes en cours vont dans le bon sens : les critères de sortie sont plus clairs, les systèmes locaux sont renforcés et la transparence est accrue. Le défi consiste à trouver un équilibre entre la protection financière et l'appropriation nationale. Un régime de sauvegarde sans issue crédible risque d'infantiliser les systèmes, tandis qu'une sortie trop rapide pourrait entraîner des défaillances coûteuses. La réforme doit donc combiner des seuils, des calendriers, des références de capacité et des transitions graduelles.

Dans les domaines de la finance, des programmes et de la gouvernance, un fil conducteur émerge : l’équité comme mesure de rigueur. L’équité se manifeste par la continuité des traitements pour les populations clés en situation de crise, par l’accès aux innovations préventives sans fracture sociale, par la capacité des systèmes nationaux à absorber les chocs et par la qualité de la coordination entre les partenaires. L’équité n’est pas une considération secondaire, c’est une condition d’efficacité. Un dollar dépensé équitablement sauve plus de vies qu’un dollar dépensé aveuglément.

La tâche actuelle consiste à maintenir cet édifice. Il s'agit tout d'abord de codifier la collaboration entre Gavi, le Fonds mondial et le GFF dans des portefeuilles nationaux véritablement intégrés, en réalisant notamment des analyses conjointes des goulots d'étranglement, en synchronisant les calendriers, en partageant les indicateurs de performance et de qualité, et en assumant une responsabilité collective pour les résultats. Ensuite, il faut protéger l’épine dorsale clinique du VIH face à l’instabilité de PEPFAR : approvisionnement sécurisé, stocks tampons, continuité pour les prestataires communautaires, et publication chaque semaine de tableaux de bord publics suivant la prestation de services. Enfin, il faut rendre crédibles les transitions PSA : pactes de transition négociés conjointement avec des jalons vérifiables, financement conditionnel lié au renforcement des systèmes et audits de capacité récompensant les progrès plutôt que de simplement sanctionner les lacunes.

Nous n’avons plus le luxe de la dispersion, ni celui des slogans. Les décisions techniques des mois à venir auront des conséquences politiques durables. Si elles sont prises judicieusement, elles pourraient enfin aligner nos instruments financiers, nos structures de gouvernance et nos pratiques de terrain sur un objectif partagé : des résultats mesurables et équitables. C'est selon cette norme que notre époque sera jugée, non pas selon ce que nous annonçons, mais selon ce que nous réalisons.

Toute suggestion sur le sujet que vous souhaiteriez voir couvert dans notre newsletter est la bienvenue, et nous apprécierions particulièrement des idées sur qui pourrait rédiger un article à ce sujet ! Toute personne souhaitant contribuer en tant que chroniqueur invité et fournir une analyse incisive ou un témoignage de terrain, au niveau micro ou macro, dans le domaine des interventions de santé mondiale, est également la bienvenue. Tout retour ou suggestion en français, en espagnol ou en anglais peut être envoyé à Ida Hakizinka ( ida.hakizinka@aidspan.org ) et/ou à Christian Djoko ( christian.djoko@aidspan.org ).

Si vous appréciez ce que vous lisez, n’hésitez pas à en parler autour de vous et à inviter d’autres personnes à s’abonner !


Publication Date: 2025-10-24


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