
OFM Edition 166, Article Number: 7
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ABSTRACT
Anuja Jayaraman parle de son parcours en tant que démographe et de ce qu'il faut pour qu'une femme travaille dans le domaine de la recherche et partage certaines de ses idées.
Profil
Anuja Jayaraman est économiste du développement et démographe. Elle est titulaire d'un doctorat de l'université de Penn State, aux États-Unis, et d'une maîtrise en économie de la Delhi School of Economics. Anuja possède une solide formation statistique et plus d'une décennie d'expérience dans les programmes de développement international. Elle a fait ses preuves dans la recherche orientée vers les politiques dans les domaines de la pauvreté et des dimensions non liées au revenu du bien-être, y compris les résultats en matière de santé maternelle et infantile en Asie du Sud et en Afrique. Elle a démontré sa capacité à former des enquêteurs, à suivre et à coordonner de grandes enquêtes sur les ménages, ainsi qu'à suivre et à évaluer des programmes de santé publique. Les travaux d'Anuja ont été publiés dans des revues nationales et internationales de renom. À SNEHA, en Inde, où elle a travaillé pendant plus de dix ans, elle a dirigé les fonctions de recherche, de suivi et d'évaluation et de gestion de l'information.
Dans ses mots....
Lorsque j'ai terminé mon doctorat aux États-Unis, j'avais prévu de rentrer, mais une bourse postdoctorale m'a donné l'occasion de prolonger mon séjour. Cette bourse m'a permis de voyager dans plusieurs pays africains et de me former à la méthodologie d'enquête. Le fait de rencontrer des personnes de cultures différentes et de comprendre leurs préoccupations en matière de santé m'a aidée à grandir en tant que chercheuse et en tant que personne.
Je suis retournée en Inde en 2009. Dès mon retour, j'ai compris qu'un poste universitaire ne m'intéressait pas et que je souhaitais appliquer mes connaissances et ma formation à des scénarios réels, faute d'un meilleur terme, en particulier dans le domaine de la santé publique. J'ai reçu le soutien total de mes parents pour poursuivre mes études à l'étranger et réaliser mes rêves. Il faut comprendre que c'était il y a une vingtaine d'années, mais j'ai bénéficié de ce soutien. Il est toujours encourageant d'avoir des gens autour de soi, que ce soit la famille, les pairs, les collègues ou les supérieurs, qui inspirent continuellement confiance en affirmant que "c'est possible" et que "c'est faisable".
Je n'ai aucun regret, car cela m'a permis de me rapprocher de mes parents et de ma famille. L'une des raisons pour lesquelles j'ai décidé de travailler dans le secteur non lucratif en Inde est mon expérience en Afrique, où nous travaillions sur des questions telles que l'excision, qui m'ont profondément affectée. Je n'arrivais pas à comprendre et je me suis rendu compte que je ne connaissais pas le contexte aussi intimement qu'il le fallait. Je me suis alors demandé ce que je savais de ce qui se passait dans mon propre pays. Oui, il y a des points communs, comme la pauvreté et les problèmes de santé, mais le contexte social est crucial pour le changement de comportement, qui était l'objectif du projet à l'époque. Au Timor oriental, par exemple, le pays se remettait à peine de la guerre, avec des soldats partout, et le problème n'était pas la population comme en Inde, mais l'accès. En Inde, la forte densité de population se traduit par des hôpitaux surchargés et des problèmes d'accès. À l'inverse, au Timor oriental, le défi consistait à atteindre des hôpitaux encore en construction. Le contexte est donc primordial et il est essentiel de le communiquer aux bailleurs de fonds ou aux agences internationales. L'expérience a été mitigée : certains nous ont laissé une totale autonomie, tandis qu'avec d'autres, nous avons dû nous asseoir et expliquer notre position. Leurs cadres fournissent la structure nécessaire, mais ils sont réceptifs à nos points de vue, ce qui est crucial. Je pense que la communication est vitale, car elle permet de s'assurer que tout le monde est d'accord avec l'approche.
Pourquoi les femmes ne sont-elles pas plus nombreuses dans ce domaine en Inde ? Nous avons tous constaté qu'après s'être mariées et avoir eu des enfants, les femmes veulent travailler, mais il n'y a pas assez de flexibilité dans les organisations. En ce qui concerne la recherche, il faut comprendre que c'est un domaine qui nécessite une formation. Il ne suffit pas d'avoir une maîtrise, il faut poursuivre les études, ce qui signifie que les femmes doivent retarder leur entrée sur le marché du travail, ce qui est difficile si elles ne disposent pas d'un soutien financier. Des systèmes de soutien doivent donc être mis en place pour permettre aux femmes de poursuivre des études supérieures, et bien que les gens soient conscients de ce besoin, il n'est souvent pas satisfait. Prenons l'exemple du COVID-19 ; bien que certains hommes aient partagé les tâches ménagères pendant la pandémie, nous avons observé dans les communautés où nous avons travaillé que ce soutien ne s'est pas poursuivi après le COVID. Telle est la réalité. Il n'est pas facile d'encourager les hommes à prendre des responsabilités et de favoriser un tel changement de comportement en matière de santé ou autre. Les femmes ont rarement l'occasion de prendre des décisions, et pour impliquer les hommes dans leurs problèmes de santé, il faut faire beaucoup d'efforts, par exemple programmer des réunions pendant les vacances ou après les heures de travail, car les hommes sont rarement disponibles. Voilà la vérité. Bien sûr, nous essayons, mais ce n'est pas facile.
La période COVID-19 a été difficile parce que la collecte des données s'est faite principalement par téléphone et qu'il était difficile de maintenir des conversations pendant plus de 30 à 40 minutes. Nous nous sommes donc adaptés en décomposant le processus de collecte des données, ce qui impliquait de passer plusieurs appels aux personnes interrogées et de raccourcir le questionnaire. Cela nous a obligés à désapprendre une grande partie de ce que nous avions appris. Par ailleurs, lorsque l'on part travailler, on laisse généralement son domicile derrière soi, pour ainsi dire. Cependant, le travail à domicile a brouillé les frontières entre la maison et le bureau.
Au fil des ans, je me suis rendu compte que mener des recherches dans le seul but de les publier n'était pas ce que je voulais faire. La satisfaction que j'éprouve à voir les résultats d'une étude de recherche utilisés dans l'élaboration des politiques ou pour renforcer les stratégies des programmes est immense. Lorsque nous travaillons dans le secteur à but non lucratif, nous pouvons retourner auprès des communautés/parties prenantes pour évaluer les facteurs d'amélioration ou identifier les raisons pour lesquelles quelque chose ne fonctionne pas, le tout sur la base de méthodes scientifiques. Faire partie d'une organisation comme le SNEHA, qui donne la priorité aux approches fondées sur des données probantes, m'a donné cette opportunité.
En tant que chercheuse, j'ai le sentiment que nous sommes formés à la pensée rationnelle, car nous devons définir des objectifs de recherche, les restreindre, collecter des données, procéder à des analyses et enfin tirer des conclusions. C'est un processus par lequel nous apprenons à être patients et à écouter plutôt qu'à réagir constamment. Je ne prends pas les désaccords personnellement. Je dirais que je suis moins sur mes gardes lorsque je gère des conflits à la maison que dans la sphère professionnelle. J'ai compris que ma façon de faire n'est pas la seule et que je n'ai pas toujours raison. Je suis consciente qu'il ne s'agit pas seulement de ce que je veux, mais que nous sommes en fin de compte responsables devant les communautés, l'organisation et les autres parties prenantes.
En ce qui concerne l'avenir, les systèmes de santé publique en Inde ne sont peut-être pas suffisamment adaptés pour répondre aux problèmes de santé que sont le diabète et l'hypertension, qui, à mon avis, risquent d'atteindre le stade d'une urgence nationale. Avec l'urbanisation croissante, je ne sais pas dans quelle mesure nous sommes préparés à faire face aux maladies non transmissibles et aux dépenses qu'elles entraîneront. Je me vois travailler dans les zones rurales et j'espère qu'à un moment donné, j'occuperai également un poste politique. Pour ceux qui souhaitent entrer dans ce domaine, je dirais qu'il faut être intéressé par le sujet, mais qu'il faut être prêt à travailler longtemps, car les changements dans le domaine de la santé publique sont lents à venir. Enfin, ce sont les gens qui doivent reconnaître et identifier leurs besoins en matière de santé, et ce n'est qu'à ce moment-là qu'ils se manifesteront.
Dre. Anuja Jayaraman s'apprête à changer d'organisation. Nous partageons son enthousiasme et lui souhaitons bonne chance !
Profil

Anuja Jayaraman est économiste du développement et démographe. Elle est titulaire d'un doctorat de l'université de Penn State, aux États-Unis, et d'une maîtrise en économie de la Delhi School of Economics. Anuja possède une solide formation statistique et plus d'une décennie d'expérience dans les programmes de développement international. Elle a fait ses preuves dans la recherche orientée vers les politiques dans les domaines de la pauvreté et des dimensions non liées au revenu du bien-être, y compris les résultats en matière de santé maternelle et infantile en Asie du Sud et en Afrique. Elle a démontré sa capacité à former des enquêteurs, à suivre et à coordonner de grandes enquêtes sur les ménages, ainsi qu'à suivre et à évaluer des programmes de santé publique. Les travaux d'Anuja ont été publiés dans des revues nationales et internationales de renom. À SNEHA, en Inde, où elle a travaillé pendant plus de dix ans, elle a dirigé les fonctions de recherche, de suivi et d'évaluation et de gestion de l'information.
Dans ses mots....
Lorsque j'ai terminé mon doctorat aux États-Unis, j'avais prévu de rentrer, mais une bourse postdoctorale m'a donné l'occasion de prolonger mon séjour. Cette bourse m'a permis de voyager dans plusieurs pays africains et de me former à la méthodologie d'enquête. Le fait de rencontrer des personnes de cultures différentes et de comprendre leurs préoccupations en matière de santé m'a aidée à grandir en tant que chercheuse et en tant que personne.
Je suis retournée en Inde en 2009. Dès mon retour, j'ai compris qu'un poste universitaire ne m'intéressait pas et que je souhaitais appliquer mes connaissances et ma formation à des scénarios réels, faute d'un meilleur terme, en particulier dans le domaine de la santé publique. J'ai reçu le soutien total de mes parents pour poursuivre mes études à l'étranger et réaliser mes rêves. Il faut comprendre que c'était il y a une vingtaine d'années, mais j'ai bénéficié de ce soutien. Il est toujours encourageant d'avoir des gens autour de soi, que ce soit la famille, les pairs, les collègues ou les supérieurs, qui inspirent continuellement confiance en affirmant que "c'est possible" et que "c'est faisable".
Je n'ai aucun regret, car cela m'a permis de me rapprocher de mes parents et de ma famille. L'une des raisons pour lesquelles j'ai décidé de travailler dans le secteur non lucratif en Inde est mon expérience en Afrique, où nous travaillions sur des questions telles que l'excision, qui m'ont profondément affectée. Je n'arrivais pas à comprendre et je me suis rendu compte que je ne connaissais pas le contexte aussi intimement qu'il le fallait. Je me suis alors demandé ce que je savais de ce qui se passait dans mon propre pays. Oui, il y a des points communs, comme la pauvreté et les problèmes de santé, mais le contexte social est crucial pour le changement de comportement, qui était l'objectif du projet à l'époque. Au Timor oriental, par exemple, le pays se remettait à peine de la guerre, avec des soldats partout, et le problème n'était pas la population comme en Inde, mais l'accès. En Inde, la forte densité de population se traduit par des hôpitaux surchargés et des problèmes d'accès. À l'inverse, au Timor oriental, le défi consistait à atteindre des hôpitaux encore en construction. Le contexte est donc primordial et il est essentiel de le communiquer aux bailleurs de fonds ou aux agences internationales. L'expérience a été mitigée : certains nous ont laissé une totale autonomie, tandis qu'avec d'autres, nous avons dû nous asseoir et expliquer notre position. Leurs cadres fournissent la structure nécessaire, mais ils sont réceptifs à nos points de vue, ce qui est crucial. Je pense que la communication est vitale, car elle permet de s'assurer que tout le monde est d'accord avec l'approche.
Pourquoi les femmes ne sont-elles pas plus nombreuses dans ce domaine en Inde ? Nous avons tous constaté qu'après s'être mariées et avoir eu des enfants, les femmes veulent travailler, mais il n'y a pas assez de flexibilité dans les organisations. En ce qui concerne la recherche, il faut comprendre que c'est un domaine qui nécessite une formation. Il ne suffit pas d'avoir une maîtrise, il faut poursuivre les études, ce qui signifie que les femmes doivent retarder leur entrée sur le marché du travail, ce qui est difficile si elles ne disposent pas d'un soutien financier. Des systèmes de soutien doivent donc être mis en place pour permettre aux femmes de poursuivre des études supérieures, et bien que les gens soient conscients de ce besoin, il n'est souvent pas satisfait. Prenons l'exemple du COVID-19 ; bien que certains hommes aient partagé les tâches ménagères pendant la pandémie, nous avons observé dans les communautés où nous avons travaillé que ce soutien ne s'est pas poursuivi après le COVID. Telle est la réalité. Il n'est pas facile d'encourager les hommes à prendre des responsabilités et de favoriser un tel changement de comportement en matière de santé ou autre. Les femmes ont rarement l'occasion de prendre des décisions, et pour impliquer les hommes dans leurs problèmes de santé, il faut faire beaucoup d'efforts, par exemple programmer des réunions pendant les vacances ou après les heures de travail, car les hommes sont rarement disponibles. Voilà la vérité. Bien sûr, nous essayons, mais ce n'est pas facile.
La période COVID-19 a été difficile parce que la collecte des données s'est faite principalement par téléphone et qu'il était difficile de maintenir des conversations pendant plus de 30 à 40 minutes. Nous nous sommes donc adaptés en décomposant le processus de collecte des données, ce qui impliquait de passer plusieurs appels aux personnes interrogées et de raccourcir le questionnaire. Cela nous a obligés à désapprendre une grande partie de ce que nous avions appris. Par ailleurs, lorsque l'on part travailler, on laisse généralement son domicile derrière soi, pour ainsi dire. Cependant, le travail à domicile a brouillé les frontières entre la maison et le bureau.
Au fil des ans, je me suis rendu compte que mener des recherches dans le seul but de les publier n'était pas ce que je voulais faire. La satisfaction que j'éprouve à voir les résultats d'une étude de recherche utilisés dans l'élaboration des politiques ou pour renforcer les stratégies des programmes est immense. Lorsque nous travaillons dans le secteur à but non lucratif, nous pouvons retourner auprès des communautés/parties prenantes pour évaluer les facteurs d'amélioration ou identifier les raisons pour lesquelles quelque chose ne fonctionne pas, le tout sur la base de méthodes scientifiques. Faire partie d'une organisation comme le SNEHA, qui donne la priorité aux approches fondées sur des données probantes, m'a donné cette opportunité.
En tant que chercheuse, j'ai le sentiment que nous sommes formés à la pensée rationnelle, car nous devons définir des objectifs de recherche, les restreindre, collecter des données, procéder à des analyses et enfin tirer des conclusions. C'est un processus par lequel nous apprenons à être patients et à écouter plutôt qu'à réagir constamment. Je ne prends pas les désaccords personnellement. Je dirais que je suis moins sur mes gardes lorsque je gère des conflits à la maison que dans la sphère professionnelle. J'ai compris que ma façon de faire n'est pas la seule et que je n'ai pas toujours raison. Je suis consciente qu'il ne s'agit pas seulement de ce que je veux, mais que nous sommes en fin de compte responsables devant les communautés, l'organisation et les autres parties prenantes.
En ce qui concerne l'avenir, les systèmes de santé publique en Inde ne sont peut-être pas suffisamment adaptés pour répondre aux problèmes de santé que sont le diabète et l'hypertension, qui, à mon avis, risquent d'atteindre le stade d'une urgence nationale. Avec l'urbanisation croissante, je ne sais pas dans quelle mesure nous sommes préparés à faire face aux maladies non transmissibles et aux dépenses qu'elles entraîneront. Je me vois travailler dans les zones rurales et j'espère qu'à un moment donné, j'occuperai également un poste politique. Pour ceux qui souhaitent entrer dans ce domaine, je dirais qu'il faut être intéressé par le sujet, mais qu'il faut être prêt à travailler longtemps, car les changements dans le domaine de la santé publique sont lents à venir. Enfin, ce sont les gens qui doivent reconnaître et identifier leurs besoins en matière de santé, et ce n'est qu'à ce moment-là qu'ils se manifesteront.
Dre. Anuja Jayaraman s'apprête à changer d'organisation. Nous partageons son enthousiasme et lui souhaitons bonne chance !