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TRANSFÉRER LE POUVOIR AU PEUPLE
OFM Edition 132

TRANSFÉRER LE POUVOIR AU PEUPLE

Author:

Aidspan

Article Type:
COMMENTAIRE

Article Number: 2

Le risque est peut-être plus élevé, mais le jeu en vaut certainement la chandelle.

RÉSUMÉ Faisant suite à un article précédent de l'OFM sur l'appétence au risque, nous soutenons que les contextes d'intervention difficiles requièrent des flexibilités supplémentaires pour faire face à leurs situations très particulières. Un risque supplémentaire pour le Fonds mondial, peut-être, mais les résultats obtenus en Afrique de l'Ouest et du Centre montrent que les gains peuvent être considérables.

Après notre article paru dans l’Observateur du Fonds mondial du mois de mars intitulé Risquer ou ne pas risquer: telle est la question, nous continuons d’explorer la question de l’appétence des principaux bailleurs de fonds au risque sous toutes ses formes. Notre article (Racisme dans le secteur de l’aide dans cette édition, inspiré du récent document British Parliament report on racism in aid, a montré comment la conduite générale des bailleurs de fonds vis-à-vis des pays bénéficiaires de l’aide se fonde systématiquement sur les normes occidentales et tend souvent à être empreinte de condescendance et de paternalisme, alors que les mauvaises pratiques et le besoin de renforcement des capacités sont l’apanage des pays pauvres.

Alors que la politique du Fonds mondial sur les Contextes d’intervention difficiles  avait pour but de fournir aux pays fragiles un cadre pour le dialogue et la discussion nécessaires à l’élimination des obstacles à la mise en œuvre, elle a surtout été utile dans la suppression des goulots d’étranglement créés par des sauvegardes additionnelles.

En revanche, les goulots d’étranglement liés à des difficultés purement contextuelles sont rarement traités et presque jamais résorbés par des mesures innovantes. Nous pouvons citer plusieurs de ces obstacles récurrents. En premier lieu, l’acheminement des traitements et des médicaments dans les zones où la situation sécuritaire empêche la présence d’organismes de mise en œuvre. Ensuite, vient la réponse aux besoins sanitaires des populations en situation de déplacement forcé, notamment la fourniture de services médicaux, qui est encore très peu prise en compte par le Fonds mondial dans les programmes nationaux. Ce constat est particulièrement remarquable en ce qui concerne les réfugiés qui, souvent, ne sont pas intégrés dans les budgets de santé des pays. Ensuite, il y a la réponse au phénomène de la violence, qui touche plus sévèrement les jeunes filles et femmes dans des contextes d’instabilité politique et de précarité économique. Ce phénomène est également peu pris en compte par le Fonds mondial, alors qu’il est source de violence sexuelle (et donc de transmission du VIH et de grossesses non désirées), de détresse psychologique et de dévastation d’un point de vue social.

Comment élaborer un programme d’autonomisation pour les États fragiles?

Premièrement: renforcer le système de santé sur le long terme en alignant les différents bailleurs de fonds du secteur de la santé

L’ajout d’une enveloppe pour le renforcement des systèmes de santé (RSS) pendant le cycle de subventions NFM3 a permis a certains  pays et aux bailleurs de réfléchir à la manière dont le Fonds mondial peut contribuer au renforcement des systèmes de santé des pays qu’il soutient. En utilisant le plan national de développement sanitaire comme point de départ, les parties prenantes présentes au dialogue pays ont pu identifier les déficits de financement, évaluer les investissements déjà réalisés par le Fonds mondial lors des précédents cycles de subventions, et proposer une contribution.

Dans certains pays dans des contextes d’intervention difficiles (CID), le financement du RSS contribue à la réalisation des objectifs en matière de gouvernance et s’aligne sur la vision nationale, que Gavi, l’Alliance pour les vaccins, soutient également. Au Mali, par exemple, la subvention du Fonds mondial et celle de Gavi accompagnent la réforme du secteur de la santé en soutenant son premier pilier, la santé communautaire. Les deux bailleurs ont soutenu la conception et la mise en œuvre d’un paquet minimum de services intégrés, le processus de redéfinition du profil et des responsabilités des agents de santé communautaire ainsi que leur recrutement, équipement, déploiement et rémunération. Pour éviter les doublons, Gavi et le Fonds mondial ont même signé un protocole visant à harmoniser leurs procédures, à optimiser les coûts en finançant une unité de gestion de programme (UGP) commune et à rationaliser les investissements entre les régions du pays. Les réunions de suivi avec l’UGP sont communes aux deux bailleurs et à terme, si tel est le souhait de chaque partie prenante, l’on peut envisager l’élaboration dans le futur d’un manuel de procédures, la réalisation d’audits communs et une politique de gestion des risques acceptée par les deux bailleurs. Il existe d’autres points communs aux deux bailleurs, tels que les activités dans les régions, les avances financières ouvertes, et la déclaration des recettes. Il est probable que ces activités soient les mêmes ou très similaires pour les autres bailleurs.

Dans les pays CID, ce type d’approche communautaire devrait constituer la norme, et les bailleurs de fonds et les ministères devraient adhérer à cette discipline d’alignement. La planification doit être pensée sur une période de cinq à dix ans, avec des échéances prolongées ou étalées sur plusieurs cycles de financement. Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra éviter les lacunes et les doublons et instaurer une bonne gouvernance.

Deuxièmement: Faire face aux événements imprévus et aux urgences

Un système de santé doit être rendu aussi résilient que possible face aux nombreux chocs auxquels il peut être soumis. Prenons l’exemple de la République démocratique du Congo (RDC), un pays qui compte actuellement 12 maladies à potentiel épidémique. Le système de santé est confronté chaque année à des épidémies concomitantes: le choléra, qui est saisonnier, la rougeole, qui est présente dans la sous-région depuis plus de cinq ans, la fièvre jaune, la typhoïde, Ebola et maintenant la COVID-19. Elle doit également faire face aux mouvements démographiques liés au conflit toujours actif dans les régions situées à l’est du pays, et au volcan Nyiragongo (Goma), considéré comme l’un des plus dangereux d’Afrique, qui se réveille tous les 20 ans environ.

Des inondations récentes en RCA, en Côte d’Ivoire, en Afrique du Sud et au Soudan ont eu un impact négatif sur la prestation de services.

Le Tchad et le Niger sont confrontés à des sécheresses croissantes, avec des températures avoisinant les 50 degrés Celsius pendant la saison sèche. Dans le même temps, ces pays doivent faire face à des épidémies récurrentes de choléra, de rougeole, de méningite et de malnutrition chronique qui touchent particulièrement les enfants et les femmes enceintes.

Dans ces contextes, des investissements sont nécessaires pour faire face à un éventail de problèmes, notamment la pénurie de ressources humaines, l’insuffisance de médicaments et d’équipements médicaux et l’inadéquation des infrastructures pour la fourniture des services, en particulier dans les zones rurales. À court terme, l’aide des bailleurs de fonds doit être orientée vers la résorption de ces pénuries et, à plus long terme, vers le soutien au pays pour la mise en œuvre de son plan national de développement sanitaire.

Des expériences récentes ont démontré que les bailleurs de fonds, dont le Fonds mondial, doivent anticiper et planifier les scénarios d’urgence. C’est en cela que consiste la préparation aux urgences, et c’est l’un des nouveaux objectifs de la prochaine stratégie. Toutefois, cela soulève la question de savoir comment organiser la préparation aux urgences dans les pays CID.  Il peut être plus facile de déployer le fonds d’urgence, qui est destiné à répondre aux urgences aiguës et temporaires (la dernière en date étant celle de l’Ukraine), que de planifier et d’essayer de mettre en œuvre un dispositif de préparation aux urgences pour faire face aux urgences dans les pays CID. En effet, une réponse rapide à de telles urgences est nécessaire pour minimiser leurs conséquences désastreuses sur la population. Rappelons-nous que les taux de mortalité maternelle et néonatale au Tchad et au Niger sont parmi les plus élevés au monde et sont en constante augmentation depuis cinq ans. L’incidence du paludisme en RDC et plus généralement dans la région de l’Afrique francophone est en constante augmentation depuis trois ans en dépit des actions de prévention massives et coûteuses.

Les acteurs des pays classés comme CID nous ont fait part de leurs difficultés : elles vont des plus simples (impossibilité de disposer d’argent liquide pour les activités du programme et de payer par mobile money dans les zones trop éloignées pour être reliées au réseau) à des situations critiques qui requièrent des décisions opérationnelles fortes. L’une des situations les plus courantes est celle de la difficulté d’accéder aux populations dans les zones où la sécurité n’est plus assurée.

Les retards sont récurrents et sont liés à un manque de prévision et à la lourdeur des procédures qui accompagnent la mise en œuvre. L’un des pires exemples est l’utilisation abusive des “avis de non-objection” par l’équipe pays du Fonds mondial alors que les activités ont été planifiées et validées par le Secrétariat au moment de la signature de la subvention et qu’aucune politique ne requiert une “autorisation” supplémentaire; pourtant, ces demandes d’avis de non-objection supplémentaires sont trop fréquentes. Même les agents fiscaux sollicitent souvent des avis de non-objection au Secrétariat du FM pour être “couverts” (une sorte de ” double protection”) et ces avis de non-objection entraînent souvent des semaines, voire des mois de retard dans l’attente de leur délivrance.

Le processus de reprogrammation fastidieux et coûteux en temps est une autre préoccupation. Jusqu’à présent, la reprogrammation continue, selon laquelle un bon programme est avant tout un programme flexible, a été peu utilisée. Cela signifierait qu’au lieu de passer de nombreuses semaines à effectuer des reprogrammations une fois par semestre/trimestre, les activités qui ne sont pas mises en œuvre au cours d’un mois sont soit reportées au mois suivant, soit renvoyées à une date plus lointaine, soit annulées, et les économies réalisées sont alors consacrées à d’autres activités qui peuvent se substituer à ces dernières, comme dans l’exemple de la République centrafricaine (RCA) présenté ci-dessous. Il s’agit d’un exemple d’utilisation de la flexibilité des subventions qui n’était pas prévue : l’utilisation à plusieurs reprises de fonds de programme non dépensés pour des activités importantes qui sont apparues mais qui n’étaient pas prévues à l’origine. En RCA, par exemple, cela a permis de financer le suivi communautaire.

Un autre exemple est le paquet de services pour la réponse à la violence basée sur le genre, qui est en progression au Mali en raison de l’insécurité croissante dans certaines zones. Pour assurer la mise en œuvre du programme dans des zones considérées comme trop risquées, l’équipe du Mali a fait appel à six organisations internationales présentes et déjà actives dans le centre et le nord du pays. Grâce à ce partenariat, les populations de ces régions ont accès à des programmes de prévention et de prise en charge du paludisme, du VIH et de la tuberculose qui permettent de sauver des vies. Évidemment, il a fallu négocier un niveau d’appétence au risque plus élevé que d’habitude, et les contrôles habituels de l’agent local du Fonds n’ont pas pu être effectués. En revanche, les organisations non gouvernementales (ONG) se sont engagées à rendre compte de leurs activités en appliquant la méthodologie qu’elles utilisent avec d’autres bailleurs de fonds, et les résultats semblent encourageants. Le Fonds mondial est sorti de sa zone de confort en négociant à des conditions inhabituelles, et il peut à présent être satisfait de couvrir les besoins de millions de personnes supplémentaires dans un pays où ces besoins sont immenses. De leur côté, les ONG reconnaissent que cette expérience leur a permis de renforcer leurs capacités grâce à l’utilisation des outils du Fonds mondial et à l’extension de leurs activités.

Conclusion

Avant le début du prochain cycle de financement des subventions, il est important d’identifier et d’analyser les difficultés opérationnelles auxquelles sont confrontés les responsables de mise en œuvre. Les flexibilités relatives aux subventions énumérées par les participants à l’atelier de Lomé organisé par le Bureau des circonscriptions africaines en juin montrent que la majorité des solutions apportées traitent les questions de procédure, et non les difficultés opérationnelles qui compromettent l’obtention de résultats. Les autorités des pays CID doivent donc identifier les goulots d’étranglement, les analyser dans le cadre des objectifs opérationnels, en discuter avec les acteurs de mise en œuvre financés par le Fonds mondial et d’autres bailleurs de fonds, et proposer une liste de solutions. C’est cette liste qui doit faire l’objet de discussions avec les professionnels du Fonds mondial en charge de la gestion des risques, qui doivent ensuite fournir les formules qui permettront une mise en œuvre conforme aux prévisions.

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