L’AUGMENTATION DU FINANCEMENT DOMESTIQUE DE LA SANTÉ EN AFRIQUE SERA DIFFICILE EN PÉRIODE DE COVID-19
Author:
Tom Hart
Article Type:Article Number: 1
Une capacité fiscale réduite et un besoin accru de dépenses de santé
RÉSUMÉ La pandémie de COVID-19 entraîne la première récession en Afrique depuis deux décennies, à un moment où il est nécessaire d'augmenter les dépenses de santé.
Le monde est confronté à sa plus forte contraction économique depuis la Grande Dépression à la suite de la COVID-19. Les gouvernements africains sont confrontés au double défi de répondre à la pandémie et de l’atténuer, tout en subissant un choc économique soudain et d’une ampleur sans précédent. Après plus de deux décennies de croissance positive, l’économie africaine devrait se contracter d’environ 4 % en 2020, soit une baisse de 7 points par rapport aux prévisions de croissance antérieures à la COVID-19. En termes de revenu par habitant, la baisse moyenne sera de 6 %.
La plupart des gouvernements africains réagissent à ce choc économique en augmentant les dépenses publiques en 2020. Cependant, les recettes étant affectées par le ralentissement, la pandémie provoquera dans de nombreux pays des déficits plus importants et une dette plus élevée. Le ratio dette/PIB des pays africains augmentera de 8 points de pourcentage du PIB en moyenne en 2020. La réduction des recettes et la capacité d’emprunt limitée signifient que la plupart des pays africains seront confrontés à des pressions pour réduire leurs dépenses à partir de 2021. Sur la base des projections du Fonds monétaire international (FMI) de juin 2020, on estime que 40 des 52 pays, pour lesquels on dispose de données, verront leurs dépenses diminuer en 2021, et que la baisse serait de 3 % en moyenne. Cependant, avec la poursuite de la pandémie et le recul des espoirs d’une reprise économique mondiale rapide, cette estimation est probablement trop optimiste.
Il en résulte que 40 % des pays auront des dépenses par habitant plus faibles en 2021 qu’en 2019. L’Afrique australe sera la plus touchée, les pays qui dépendent des exportations de matières premières et ceux qui sont déjà très endettés seront confrontés à des réductions plus importantes. Toutefois, ces réductions des dépenses auront lieu alors que nous serons probablement encore en pleine pandémie mondiale. Les gouvernements devront continuer à maintenir des dépenses de santé plus élevées, ne serait-ce qu’à titre de précaution contre une nouvelle vague potentielle de COVID-19. Une reprise plus lente que prévu signifie également que les programmes de protection sociale élargis que de nombreux pays ont mis en place en réponse à la COVID-19 devront être maintenus.
Des choix fiscaux difficiles s’imposent
De nombreux gouvernements devront alors faire un choix difficile : réduire les dépenses dans d’autres secteurs pour réaffecter des fonds aux soins de santé. Même si cela peut être fait, les coûts de la réponse à la COVID-19 et la nécessité de protéger les dépenses de santé les plus essentielles signifient que les pays devront prendre des décisions difficiles concernant les priorités de dépenses afin de concentrer les dépenses sur les programmes les plus efficaces et les plus rentables.
Un soutien international supplémentaire sera essentiel pour aider à maintenir les dépenses de santé. L’aide publique au développement représente toujours plus de 20 % du total des dépenses de santé dans 20 des 55 pays africains. Les programmes de santé mondiaux joueront un rôle crucial pour aider les pays à maintenir les dépenses de santé et à garantir à tous les pays un accès rapide, juste et équitable aux diagnostics, aux traitements et aux vaccins COVID-19 grâce à des initiatives telles que l’accélérateur d’accès aux outils COVID-19 (ACT) et la facilité COVAX.
Toutefois, il semble actuellement peu probable qu’une augmentation de l’aide au développement joue un rôle majeur pour alléger la pression sur les dépenses, bien qu’il soit difficile d’évaluer les tendances étant donné le manque de données disponibles. À court terme, il semble que le flux de l’aide ait raisonnablement bien résisté. Toutefois, à moyen terme, les flux de l’aide au développement semblent plus fragiles. Les économies des pays donateurs traditionnels ont été fortement touchées et les espoirs d’une reprise rapide s’évanouissent. La concentration des ressources de l’Association internationale de développement (IDA) en début de période par la Banque mondiale signifie également que si une reconstitution supplémentaire n’est pas effectuée, les flux de l’IDA en 2022 pourraient être beaucoup plus faibles que ce qui avait été prévu avant la crise.
La pandémie a démontré le prix de la faiblesse des systèmes de santé et des filets de sécurité. La crise offre l’occasion de stimuler la reprise en construisant un nouveau contrat social, en s’orientant vers une couverture santé universelle et en élargissant la couverture des filets sociaux par des programmes tels que les allocations familiales et les régimes de retraite. Pour financer ces mesures, il faudra mettre en place des systèmes fiscaux plus efficaces, prendre des décisions difficiles en matière de priorité des dépenses afin de protéger les dépenses consacrées aux services essentiels et concentrer ces dernières sur les programmes les plus efficaces et les plus rentables. Pour maintenir les progrès réalisés dans l’amélioration de la santé des populations, les ministères des finances devront prendre des mesures pour maintenir des niveaux de dépenses publiques plus élevés et réaffecter des fonds au secteur de la santé. En retour, les ministères de la santé devront veiller à l’optimisation des investissements, à un moment où la situation budgétaire globale est tendue.
L’auteur est chercheur à l’Overseas Development Institute (ODI)