UN NOUVEAU RAPPORT MESURE L’IMPACT DE LA PARTICIPATION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE AU PROCESSUS D’ÉTABLISSEMENT DES PRIORITÉS DANS LES NOTES CONCEPTUELLES
Author:
Gemma Oberth, Olive Mumba and Lubna Bhayani
Article Type:Article Number: 7
Une évaluation menée dans huit pays d’Afrique orientale et australe
RÉSUMÉ La participation active de la société civile au dialogue national constitue un élément central du nouveau modèle de financement (NMF) du Fonds mondial. Des fonds ont été investis, des réunions tenues et des documents publiés. Mais qu’est-ce qui a véritablement changé ?
La participation active de la société civile au dialogue national constitue un élément central du nouveau modèle de financement (NMF) du Fonds mondial. Des fonds ont été investis, des réunions tenues et des documents publiés. Mais qu’est-ce qui a véritablement changé ?
Un nouveau rapport publié par le réseau des ONG luttant contre le sida en Afrique de l’Est (EANNASO) mesure l’impact des consultations de la société civile sur les notes conceptuelles définitives qui ont été soumises. Les notes présentées par le Kenya, le Malawi, le Swaziland, la Tanzanie, l’Ouganda, la Zambie, Zanzibar et le Zimbabwe ont été examinées afin de déterminer leur adéquation avec les priorités identifiées par la société civile lors du dialogue national.
La Charte des priorités de la société civile, publiée par AIDS Accountability International, énonce les priorités que les organisations de la société civile souhaitent voir incluses dans la note conceptuelle d’un pays. Au moyen d’une échelle en trois points, l’alignement a été évalué entre les priorités énoncées dans les chartes de la société civile et les interventions qui sont incluses dans les notes conceptuelles (2 – incluses; 1 – partiellement incluses; 0 – non incluses). Chaque pays s’est vu attribuer une note exprimée en pourcentage. Les notes analysées étaient des notes conceptuelles intégrées tuberculose-VIH, sauf pour le Zimbabwe qui a soumis une note conceptuelle standard pour la tuberculose (dû à son statut de pays demandeur précoce).
L’analyse révèle d’importantes variations dans la prise en compte des priorités de la société civile (Tableau 1). La note conceptuelle soumise par le Malawi est de loin celle qui garantit une meilleure prise en compte des priorités de la société civile (87 %), à l’inverse de celle présentée par la Zambie (38 %).
Tableau 1 : La prise en compte des priorités de la société civile dans les notes conceptuelles du Fonds mondial
Pays |
Note |
Niveau de prise en compte des priorités de la société civile |
Malawi |
87 % |
Prise en compte très importante |
Kenya |
76 % |
Prise en compte importante |
Tanzanie |
67 % |
Prise en compte modérée |
Zanzibar |
67 % |
Prise en compte modérée |
Ouganda |
64 % |
Prise en compte modérée |
Swaziland |
50 % |
Faible prise en compte |
Zimbabwe |
40 % |
Prise en compte limitée |
Zambie |
38 % |
Prise en compte limitée |
Les résultats indiquent également un choix des priorités, certaines étant plus susceptibles d’être incluses que d’autres. Les questions liées aux populations-clés ont été privilégiées, suivies des interventions concernant les changements de comportement.
Le domaine d’intervention sur lequel la société civile exerce l’impact le moins significatif est la circoncision masculine médicale volontaire. Seulement 15 % des priorités de la société civile en matière de CMMV figurent dans les notes conceptuelles définitives. Ceci n’est pas surprenant; la société civile a relativement moins d’expérience dans le domaine biomédical que les pouvoirs publics.
Le rapport énonce plusieurs hypothèses pour expliquer le niveau d’influence de la société civile sur l’établissement des priorités à l’échelon national.
Une étroite corrélation a été constatée entre l’Indicateur de gouvernance de la Banque mondiale « voix et responsabilité » et le niveau de prise en compte des priorités de la société civile dans les notes conceptuelles. Cela signifie que les pays jouissant d’un plus grand degré de liberté d’association et d’expression ont présenté des notes conceptuelles plus inclusives qui répondent aux demandes de la société civile. Les pays dotés d’un gouvernement efficace et garantes de l’État de droit sont également plus susceptibles de soumettre des notes conceptuelles répondant aux priorités de la société civile, bien que celles-ci ne soient pas statistiquement significatives.
Les données d’opinion tirées de l’enquête d’Afrobaromètre expliquent en partie l’influence exercée par la société civile sur le processus d’élaboration des notes conceptuelles du Fonds mondial. Une question est celle de savoir si les personnes souscrivent à l’affirmation suivante : « Il est plus important pour les citoyens de demander au gouvernement de rendre des comptes, même si cela signifie que celui-ci tardera à prendre des décisions ». Il ressort de l’étude réalisée par l’EANNASO que dans les pays où davantage de personnes soutiennent fermement cette position, la société civile est plus à même d’influencer le processus d’élaboration des notes conceptuelles du Fonds.
Autre question posée : « Participez-vous à des rencontres communautaires ? ». Dans les pays où un plus grand nombre de personnes interrogées ont répondu « oui, souvent », la société civile exerce également une plus grande influence sur le processus d’élaboration des notes conceptuelles. Troisièmement, dans les pays où nombre de personnes interrogées affirment se concerter souvent pour soulever une question, les notes conceptuelles du Fonds mondial semblaient davantage prendre en compte les priorités de la société civile. Tous ces liens sont statistiquement significatifs.
Le rapport cherche par ailleurs à déterminer si la prise en compte des priorités de la société civile influe sur les grandes décisions de financement. Sur l’échantillon de pays sélectionné, les notes conceptuelles présentées par la Zambie (prise en compte limitée des priorités) et Zanzibar (prise en compte modérée) ont été retournées par le Fonds mondial pour révision et resoumission. Cela s’explique en partie (comme l’atteste le Comité technique d’examen) par la nécessité d’une meilleure prise en compte des priorités de la société civile, notamment celles concernant les populations-clés.
Autre variable de résultat testée : la charge de morbidité. L’étude révèle une étroite corrélation sur le plan statistique entre la prévalence du VIH et le niveau de prise en compte des priorités de la société civile dans les notes conceptuelles; les pays ayant soumis des notes conceptuelles prenant davantage en compte les priorités de la société civile affichaient des taux de prévalence du VIH plus faibles.
Selon les auteurs du rapport, ce dernier point requiert une étude plus approfondie, au moyen notamment de données décalées sur la prévalence afin de déterminer si la prise en compte des priorités de la société civile permettra d’obtenir de meilleurs résultats dans le traitement des maladies dans cinq ou dix ans.
Le rapport conclut qu’un dialogue national inclusif a un effet positif pour la société civile dans certains pays et pas dans d’autres. L’analyse statistique révèle que le contexte dans lequel la société civile opère influe considérablement sur la manière dont celle-ci peut influencer efficacement le processus décisionnel du Fonds mondial.
C’est pourquoi le rapport recommande aux partenaires financiers d’investir dans certains aspects du renforcement des systèmes communautaires qui permettent aux organisations de la société civile de se mobiliser pour débattre de leurs problèmes en toute liberté. Les recommandations portent également sur la réplication de la méthodologie destinée à évaluer l’influence de la société civile dans d’autres contextes, comme avec les plans opérationnels nationaux du Plan d’urgence du Président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR), ou les plans stratégiques nationaux.
Ces quelques éléments de preuve existants qui attestent de l’impact des consultations de la société civile sur le processus décisionnel du Fonds mondial dans le cadre du NMF pourraient avoir des incidences sur la nouvelle stratégie du Fonds. Certains facteurs semblent appuyer les effets positifs de la participation des organisations de la société civile, qui pourrait être renforcée grâce à des investissements supplémentaires. Il s’avère toutefois nécessaire de mieux interpréter les conclusions du rapport et de comprendre dans quelle mesure certaines nuances à l’échelon national auraient pu jouer un rôle.
L’EANNASO poursuit actuellement ses investigations dans six des huit pays, afin de mieux comprendre les conditions de la réussite du dialogue national pour la société civile.