LES COMMUNAUTÉS ET LES POPULATIONS CLÉS AU CENTRE DE DEUX INITIATIVES RÉGIONALES AFRICAINES
Author:
Owen Nyaka
Article Type:Article Number: 4
Les deux initiatives figurent parmi les 16 propositions sélectionnées pouvant prétendre à une partie de l'enveloppe consacrée aux programmes régionaux
RÉSUMÉ Deux initiatives d’Afrique orientale et australe qui mettent l’accent sur le renforcement des systèmes communautaires font partie de 16 propositions régionales soumises au Fonds mondial.
Des consortiums d’organisations de la société civile d’Afrique orientale et australe sont en train de parachever l’élaboration de deux initiatives régionales dans l’espoir d’obtenir une partie des 200 millions de dollars mis de côté par le Conseil d’administration du Fonds mondial pour des projets transfrontaliers dans le cadre du nouveau modèle de financement (NMF).
Axées sur le renforcement des systèmes communautaires et de la société civile, les deux propositions ont pour but de soutenir la riposte au VIH dans les principales populations touchées. Elles doivent être examinées en mars par le Comité technique d’examen des propositions, qui devrait rendre sa décision avant la mi-2015.
Coordonnée par le Consortium kenyan des ONG de lutte contre le sida (KANCO), la proposition présentée par l’Afrique de l’Est, dont le montant est estimé à 10 millions de dollars, cherche à promouvoir une approche stratégique de la réduction des risques au niveau régional.
Rhoda Lewa, qui a été recrutée comme consultante par KANCO, indique à Aidspan que le projet s’étendrait sur huit pays, à savoir le Kenya (d’où le projet sera piloté), le Burundi, l’Éthiopie, l’Île Maurice, les Seychelles, la Tanzanie continentale, l’Ouganda et Zanzibar.
Un réseau de sous-récipiendaires déjà en place serait chargé de mettre en œuvre le projet au niveau des pays, contribuant ainsi aux efforts visant à créer un « environnement politique favorable à des interventions de réduction des risques dans les pays d’Afrique de l’Est ».
Phénomène encore peu répandu dans la région, la consommation de drogues injectables est en train de devenir un sérieux problème qui alimente une épidémie de VIH concentrée. À l’Île Maurice, par exemple, on estime que plus de la moitié des nouveaux cas de VIH enregistrés chaque année concernent des consommateurs de drogues injectables (CDI). Actuellement, seuls quelques programmes communautaires locaux sont mis en œuvre dans la région pour promouvoir une utilisation sans danger des seringues et d’autres activités visant à atténuer les comportements à risque, mais les politiques nationales de soutien à des interventions plus larges de réduction des risques sont rares.
« La prévalence du VIH chez les CDI augmente très rapidement. Or, les environnements politiques régionaux et nationaux sont peu propices à des interventions de réduction des risques », déclare Mme Lewa. « Les investissements consacrés au renforcement des systèmes communautaires des organisations et réseaux spécialisés dans la réduction des risques sont limités voire inexistants. »
Elle a ajouté qu’une collecte et une analyse plus complètes des données étaient envisagées dans la proposition, dans le but de développer un ensemble de données probantes qui encouragera les pouvoirs publics à soutenir davantage les actions menées dans le domaine de la réduction des risques.
La proposition présentée par l’Afrique australe porte sur plusieurs populations clés touchées par le VIH, à savoir les professionnel(le)s du sexe et leurs clients, les personnes transgenres, les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes, les consommateurs de drogues injectables et les femmes qui ont des rapports sexuels avec d’autres femmes.
Le programme, intitulé KP-Reach (Représentation des populations clés, données factuelles et changement d’attitude en vue d’un impact sanitaire) vise à incorporer le travail de plaidoyer et de sensibilisation dans les protocoles concernant la santé sexuelle et reproductive adoptés par la sous-région en 2009.
Le consortium KP-Reach interviendra au Botswana, au Lesotho, au Malawi, en Namibie, en Afrique du Sud, au Swaziland, en Zambie et au Zimbabwe, des pays qui figurent parmi les plus touchés par le VIH dans le monde. En intégrant des partenaires issus de la société civile et du secteur privé, ce programme d’un montant de 20 millions de dollars entend combler les lacunes identifiées par l’ONUSIDA dans la lutte contre les épidémies concentrées qui touchent ces populations clés.
Le nombre des décès liés au sida dans cette région à forte charge de morbidité continue de baisser du fait du nombre croissant de personnes sous traitement antirétroviral. Cependant, les taux d’observance ne sont pas aussi élevés qu’ils pourraient l’être et des obstacles qui empêchent les groupes vulnérables et souvent stigmatisés d’accéder à ces traitements subsistent.
KP-Reach propose également de travailler avec une communauté invisible et ignorée, même par les organisations de la société civile qui travaillent avec les populations clés, à savoir les femmes qui ont des rapports sexuels avec d’autres femmes. Bien qu’il s’agisse d’une population très peu importante en nombre, ces femmes sont souvent la cible d’agressions sexuelles et de rapports sexuels contraints censés les « convertir », d’où un risque accru d’exposition à des infections sexuellement transmissibles dont le VIH.
Tanja Lubbers, directrice régionale de l’ONG néerlandaise Hivos − qui fera office de récipiendaire principal pour KP-Reach − indique à Aidspan que l’initiative régionale vise principalement à améliorer la gestion des données au niveau des pays. Selon elle, il existe une profusion de documents de planification et d’accords nationaux mentionnant les populations clés touchées par le VIH, et il est temps de passer aux actes avec des programmes ciblés et efficaces.
« Nous souhaitons améliorer la collecte et l’utilisation de données probantes, la gestion des connaissances, l’innovation, la mise en œuvre d’actions à grande échelle et l’adoption des pratiques ayant fait leurs preuves, en vue d’une programmation et de politiques nationales plus réactives », déclare-t-elle. « Nous voulons aussi diffuser des messages élaborés conjointement avec les populations clés, dont l’objectif est de changer les attitudes et les croyances pour réduire d’ici 2018 dans au moins 75% des pays participants la stigmatisation et la discrimination qui empêchent les populations clés d’accéder aux services de prévention, de dépistage et de traitement du VIH. »
Selon le Dr Gemma Oberth, une consultante qui travaille avec Hivos et l’Alliance internationale contre le VIH/sida sur les deux notes conceptuelles, l’accent qui est mis sur le renforcement des réseaux au sein des populations clés démontre un fort attachement aux actions menées par les communautés.
« Des réseaux solides sont un élément essentiel d’une action durable contre le VIH. Les deux notes conceptuelles régionales soulignent l’importance pour les groupes marginalisés de pouvoir collecter des données de qualité, de partager des informations, et, finalement, d’exiger de leurs gouvernements une amélioration dans la prestation de services », déclare-t-elle.
Owen Nyaka fait partie du réseau de correspondants de l’Alliance internationale contre le VIH/sida.