Le Bureau de l’Inspecteur général constate que les subventions de l’Afrique du Sud nécessitent une nette amélioration
Author:
Gemma Oberth
Article Type:Article Number: 2
Des retards de démarrage et des problèmes de coordination ont entravé la mise en œuvre
RÉSUMÉ Le Bureau de l’Inspecteur général estime que les subventions du Fonds mondial à la République d’Afrique du Sud nécessitent une nette amélioration. Il ressort de l’audit de juillet 2017 que la mise en œuvre s’est parfois écarté de la note conceptuelle initiale et a connu des retards et des problèmes de coordination. L’instance de coordination nationale et le Secrétariat du Fonds mondial ont convenu d’un certain nombre de mesures de gestion destinées à atténuer le risque et à accélérer les résultats.
Le 19 juillet 2017, le Fonds mondial a publié un rapport d’audit du Bureau de l’Inspecteur général sur les subventions accordées à la République d’Afrique du Sud. Ce pays fait partie du portefeuille de pays à fort impact – Afrique 1 du Fonds, et bénéficie de 312 millions de dollars au titre de subventions signées pour la période de mise en œuvre s’étendant d’avril 2016 à mars 2019. La prévalence estimée du VIH est de 19,1 % chez les adultes, et le pays compte le nombre de plus élevé du monde de personnes vivant avec le VIH (7,1 millions). L’incidence de la tuberculose est de 454 cas pour 100 000 habitants, l’Afrique du Sud figurant de ce fait parmi les six pays regroupant 60 pour cent de tous les nouveaux cas (Inde, Indonésie, Chine, Nigeria, Pakistan et Afrique du Sud).
Fait digne de mention, l’audit n’a identifié aucun cas d’abus de fonds ni de fraude.
L’audit conclut qu’une nette amélioration est nécessaire dans la mise en œuvre globale du programme, et cite la faiblesse des données et des systèmes de suivi ainsi que la coordination entre récipiendaires principaux comme les risques clés identifiés. Les subventions de lutte contre le VIH et la tuberculose de l’Afrique sont actuellement mises en œuvre par huit récipiendaires principaux, dont trois gouvernementaux et cinq relevant de la société civile (voir l’article de l’OFM). Le moment de l’audit et les nouvelles modalités de mise en œuvre contribuent à expliquer la principale conclusion du Bureau de l’Inspecteur général. L’audit a en effet été mené neuf mois à peine après le début de la mise en œuvre des subventions, et alors que trois des récipiendaires principaux sont de nouveaux récipiendaires. De fait, le Bureau de l’Inspecteur général affirme qu’il est encore trop tôt pour se prononcer sur l’efficacité du programme actuel, de sorte que sa notation vise uniquement la conception des activités programmatiques et les modalités de mise en œuvre.
Le rapport souligne notamment que les programmes ne sont pas toujours mis en œuvre conformément à la note conceptuelle, que le Comité technique d’examen des propositions avait jugée solide et à fort impact. Par exemple, au moment de l’audit, un récipiendaire principal avait réaffecté 2,7 millions de dollars initialement alloués aux suppléments alimentaires aux frais de déplacement et à d’autres coûts associés. Il n’avait pas obtenu l’approbation de l’instance de coordination nationale de l’Afrique du Sud, et n’avait pas remplacé le service initial par une solution de substitution pour les 18 000 patients nécessitant ces suppléments alimentaires pour favoriser leur observance et leur rétention en traitement.
De même, le rapport du Bureau de l’Inspecteur général note que plusieurs récipiendaires principaux ont abaissé les cibles de couverture géographique par rapport à celles figurant dans la note conceptuelle, là aussi sans obtenir l’approbation de l’instance de coordination nationale. Le programme d’observance s’est ainsi vu réduit de 31 districts à 21, et les interventions relatives aux discriminations de 18 à 6 districts.
D’après le secrétariat de l’instance de coordination nationale, les changements au niveau de la couverture géographique des interventions en matière de discriminations sont dus au fait que les coûts spécifiques de celles-ci n’étaient pas disponibles au moment de l’établissement de la subvention. Quant aux interventions relatives à l’observance des traitements, le soutien exact à la mise en œuvre requis par les établissements de santé n’était pas encore clair au stade de l’établissement de la subvention, du fait que les directives nationales en matière d’observance et les procédures opérationnelles normalisées connexes venaient d’être mises au point. Par conséquent, les cibles de mise en œuvre devaient encore être fixées par les districts, ce qui a eu une incidence sur la sélection des sites aux fins de la subvention du Fonds mondial.
D’autres constatations clés sur le programme de lutte contre la tuberculose concernent des retards de mise en œuvre des activités programmatiques, notamment les activités visant à fournir un ensemble complet de services aux détenus, la sélection des prestataires de services liés à la mobilisation communautaire ou encore la formation de conseillers communautaires chargés d’encourager l’observance des traitements. Le Bureau de l’Inspecteur général souligne en outre que la formation des infirmières à la prise en charge de la tuberculose multirésistante n’avait pas encore commencé au moment de l’audit (décembre 2016), bien que le pays ait depuis confirmé que 88 infirmières ont été formées entre janvier et mars 2017.
Dans le cadre des mesures envisagées en réponse à l’audit, l’instance de coordination nationale sud-africaine compte définir des seuils, ou « critères de déclenchement », énonçant clairement quand des modifications des budgets ou des cibles doivent être soumises à l’approbation de l’instance de coordination nationale.
« Disposer de critères de partage de l’information et d’approbation clairement définis aidera l’instance de coordination nationale à s’acquitter plus efficacement de son devoir de suivi stratégique », commente Nevilene Slingers, directrice exécutive chargée de la coordination des donateurs au Conseil national sud-africain sur le sida (SANAC), qui dirige par ailleurs le secrétariat de l’instance de coordination nationale. Mme Slingers a également déclaré à Aidspan que du 18 au 20 juillet 2017, l’instance de coordination nationale sud-africaine a terminé son programme formel d’orientation pour les instances de coordination nationale, qui fait suivre aux membres les nouveaux modules de formation obligatoires du Fonds mondial (voir l’article de l’OFM).
« Cette formation a contribué à lever une partie de l’ambiguïté soulevée par le Bureau de l’Inspecteur général autour des rôles et responsabilités de l’instance de coordination nationale », explique Mme Slingers.
Le Bureau de l’Inspecteur général a également observé d’importants retards dans plusieurs domaines programmatiques, qui compromettent la capacité du pays à atteindre les cibles de résultats de ses subventions. Ainsi, certains aspects des activités de cartographie géospatiale visant à définir la riposte dans les zones sensibles en matière de VIH connaissent des retards d’au moins six mois. Le dossier du SANAC en faveur de la mise en place d’une obligation à effet social pour les professionnels du sexe, un instrument financier innovant conçu pour mobiliser des financements supplémentaires, n’a pas encore été approuvé par le département ministériel concerné. Les données de l’étude sur la prévalence de la tuberculose ne seront probablement pas disponibles à temps pour éclairer la mise en œuvre de la subvention en cours.
Les retards de mise en œuvre risquent d’affecter davantage que la capacité à réaliser les cibles en raison de la nouvelle règle du Fonds mondial sur le report des fonds inutilisés. Tout crédit non dépensé pendant la durée de la subvention doit être reversé au Secrétariat. Auparavant, les pays pouvaient reporter les économies sur la période de mise en œuvre suivante.
Afin d’atténuer les problèmes, le Bureau de l’Inspecteur général suggère qu’il est nécessaire que le gouvernement et les partenaires de développement élaborent des plans nationaux intégrés pour éclairer la conception et la hiérarchisation géographique des activités ciblant les populations clés et vulnérables. L’Afrique du Sud dispose déjà d’un plan national de lutte contre le VIH chez les professionnels du sexe (2016/2019). Depuis l’audit du Bureau de l’Inspecteur général, le pays a également publié un cadre national de lutte contre le VIH en faveur des populations lesbiennes, homosexuelles, bisexuelles, transgenres et intersexuées (2017/2022) – vanté comme une première mondiale.
Le Secrétariat du Fonds mondial est déterminé à aider le pays à accélérer la mise en œuvre. À titre d’exemple, le Bureau de l’Inspecteur général mentionne la mesure de gestion convenue du Secrétariat visant à appuyer la mise à jour du plan d’activités relatif à l’obligation à effet social, aux fins de combler les faiblesses et les risques identifiés par le Département de la science et de la technologie.
Les difficultés à mesurer les résultats des subventions sont un autre problème signalé par le Bureau de l’Inspecteur général, qui cite la faiblesse des outils de suivi et le grand nombre de systèmes de données non coordonnés parmi les facteurs contribuant au problème. Étant donné qu’un grand nombre des interventions de la subvention de l’Afrique du Sud sont nouvelles, il est particulièrement important de disposer de données de bonne qualité pour évaluer leur impact. Le Bureau de l’Inspecteur général remarque que l’absence d’un plan de suivi et d’évaluation dans le cadre du plan stratégique national 2012/2016 de lutte contre le VIH, la tuberculose et les infections sexuellement transmissibles est une cause sous-jacente, bien qu’échappant au contrôle du programme du Fonds mondial. Pour le plan stratégique national actuel (2017/2021), un plan d’évaluation et de suivi est en cours d’élaboration.
Problèmes de coordination
Selon le Bureau de l’Inspecteur général, outre les retards, les problèmes de coordination à différents niveaux représentent un risque pour l’efficacité de mise en œuvre du programme. La coordination entre conseils nationaux et provinciaux de lutte contre le sida, entre les différents départements ministériels, entre les partenaires de financement et la multitude de maîtres d’œuvre du Fonds mondial affecte la synergie des subventions.
« En tant que récipiendaire principal, nous sommes bien conscients des problèmes de coordination des subventions en cours du Fonds mondial, en particulier au niveau du programme visant les jeunes femmes et les filles », déclare Marieta de Vos, directrice de programme à Networking HIV & AIDS Community of Southern Africa (NACOSA). Les interventions ciblant les jeunes femmes et les filles sont mises en œuvre par six récipiendaires principaux différents, ce qui crée des niveaux supplémentaires de complexité en ce qui concerne la prestation d’un ensemble normalisé de services de soins, explique Mme de Vos à Aidspan.
« Des efforts continus sont également nécessaires pour garantir la complémentarité entre la campagne nationale en faveur des jeunes femmes et des filles – “She Conquers” – le programme du Fonds mondial, l’initiative DREAMS du PEPFAR, et d’autres investissements de partenaires comme KfW et Elma Philanthropies, ainsi que les départements ministériels pertinents », ajoute Mme de Vos.
En avril 2017, le Bureau de la Présidence a convoqué une réunion de haut niveau pour s’attaquer à certains des problèmes de coordination de la programmation à destination des jeunes femmes et des filles. Les personnes présentes à cette réunion ont convenu de cartographier les activités des donateurs et des prestataires de services desservant cette population et de collaborer avec les provinces et les districts afin de garantir l’alignement entre la politique nationale et la mise en œuvre au niveau provincial. Ce groupe de haut niveau continuera de se réunir, parallèlement aux réunions trimestrielles de coordination du programme du Fonds mondial ciblant les jeunes femmes et les filles.
Mesures de gestion convenues
Le rapport du Bureau de l’Inspecteur général énumère également un certain nombre de mesures de gestion convenues par le Secrétariat du Fonds mondial à l’appui d’une meilleure mise en œuvre des subventions. Plus précisément, le Secrétariat s’est engagé à :
- élaborer des budgets et modalités de mise en œuvre révisés pour la durée restante des subventions, afin d’améliorer la disponibilité et la qualité des services de lutte contre la tuberculose et la tuberculose pharmacorésistante ;
- aider les récipiendaires principaux à établir des normes de qualité relatives aux adolescentes et aux jeunes femmes et à modifier les plans de travail ;
- déployer un cadre de résultats unifié et amendé, relatif aux interventions liées aux adolescents et aux jeunes, scolarisés et déscolarisés ; et
- renforcer le suivi stratégique assuré par l’instance de coordination nationale.
Malgré ces difficultés, le rapport du Bureau de l’Inspecteur général met en avant quelques réalisations et bonnes pratiques clés des subventions du Fonds mondial à l’Afrique du Sud. Le Bureau de l’Inspecteur général remarque que le programme du Fonds mondial repose sur des faits probants, est aligné sur le plan stratégique national du pays et est centré stratégiquement sur les populations clés et vulnérables, notamment les professionnels du sexe, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les adolescentes et les jeunes femmes. Il salue également le ferme engagement financier des autorités envers la riposte : le financement national représente 80 % des ressources de lutte contre le VIH dans le pays. L’Afrique du Sud ne dépend du Fonds mondial qu’à hauteur de 5 % de sa riposte au VIH et à la tuberculose.
« L’Afrique du Sud est un des chefs de file de la lutte contre les maladies, et le Fonds mondial fournit des investissements à effet catalyseur dans des domaines d’une importance cruciale », a déclaré Seth Faison, directeur de la communication au Fonds mondial. « Nombre de ces programmes sont nouveaux et requièrent un leadership robuste et une coordination efficace. Comme dans toutes les nouvelles interventions, des changements sont apportés à mesure que les leçons sont tirées. »
M. Faison a commenté à Aidspan que le Fonds mondial travaille d’ores et déjà avec ses partenaires en vue de résoudre les problèmes de coordination et de gouvernance, ainsi que les difficultés identifiées par le Bureau de l’Inspecteur général en matière de garanties programmatiques.