DE LA MONOTHÉRAPIE AUX CTA CONTRE LE PALUDISME : LA TRANSITION RÉUSSIE DE LA CÔTE D’IVOIRE.
Author:
Aurelie Fontaine
Article Type:Article Number: 5
RÉSUMÉ En 2005, l’Organisation mondiale de la santé recommandait de passer de la monothérapie à la combinaison thérapeutique à base d’artémisinine pour soigner le paludisme. Une transition réussie en
RÉSUMÉ En 2005, l’Organisation mondiale de la santé recommandait de passer de la monothérapie à la combinaison thérapeutique à base d’artémisinine pour soigner le paludisme. Une transition réussie en Côte d’Ivoire, avec l’aide du Fonds mondial.
En 2005, l’Organisation mondiale de la santé recommandait aux Etats les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA) pour traiter le paludisme falciparum. L’OMS craignait en effet que la monothérapie ne favorise l’apparition d’une résistance à l’artémisinine, rendant ainsi les médicaments inefficaces.
Dès 2005, la Côte d’Ivoire, où le paludisme affecte 7% des femmes enceintes et 18% des enfants de moins de cinq ans, a adopté les CTA comme stratégie prioritaire pour lutter contre la maladie. Le processus de retrait s’est ainsi effectué sur plusieurs années et aujourd’hui, même les centres de santé situés dans les coins reculés du pays proposent les CTA.
« Nous n’avons pas connu de difficultés particulières lors de ce processus de transition. Les grossistes qui avaient dans leurs stocks des monothérapies les ont évacuées petit à petit et en deux ans, ils ont eu le temps de commander des CTA », explique le docteur Mamadou Silué, du Programme national de lutte contre le paludisme, récipiendaire principal public du Fonds mondial depuis 2010.
Acceptation du nouveau traitement par les malades
La subvention du Fonds mondial a notamment servi, selon le Programme national de lutte contre le paludisme, à la formation de plus de 5 000 prestataires de soin et 1 200 agents de santé communautaire pour qu’ils apprennent à utiliser les tests de diagnostic rapide et qu’ils connaissent les directives quant à l’utilisation des antipaludéens (plus de détails, en anglais).
Ces tests permettent d’établir un diagnostic parasitologique en quelques minutes, dans des endroits où l’accès à de bons services de microscopie est quasi-inexistant. La subvention a également permis l’achat, pour près de 10 millions de dollars, des nouveaux tests de diagnostic et médicaments CTA pour les 83 districts sanitaires du pays.
Dès 2006, cette transition a également été financée via l’ONG Care Côte d’Ivoire, récipiendaire principal communautaire (plus de détails, en anglais), qui estime aussi qu’elle s’est faite en douceur. « Il n’y a pas eu de gros changements dans la communauté. Ce sont plus les prestataires qui ont dû s’adapter car le malade prend tout simplement le traitement qu’on lui propose. Et il n’y a eu aucun souci d’acceptation, ni de plainte au niveau des effets secondaires. Bref, la politique nationale s’est mise en place tranquillement », indique le docteur Aliou Ayaba, chargé des programmes du Fonds mondial à Care Côte d’Ivoire.
Selon le Programme national de lutte contre le paludisme, l’artémisinine en monothérapie a été retirée en 2006 de 19 districts de santé, sur les 83 que compte la Côte d’Ivoire. Puis en 2008, tous les districts ont suivi.
Encore des soucis d’approvisionnement
Mais aujourd’hui, un problème persiste : l’acheminement des médicaments dans les zones les plus reculées. Au centre de Doké par exemple, une petite ville dans l’ouest ivoirien, le médecin chef pointe des ruptures régulières de stock. « Pendant deux mois nous étions en rupture de CTA adulte, donc nous le remplacions par du Coartem mais les cachets se périment vite. Nous avons aussi souvent des ruptures de CTA pour les 1 à 5 ans », souligne le docteur Gbesse N’Cho.
Sur les étagères en bois du centre de santé de Djouroutou, un village isolé de l’ouest ivoirien, des boites de comprimés, siglés CTA, sont alignées. Ici, les médecins manquent régulièrement de médicaments mais pour soigner le paludisme il y a moins de pénuries. Le personnel soignant affirme que la transition s’est terminée en 2009 et que depuis, CTA et tests de diagnostic rapide (TDR) sont disponibles.
Idem à Tai, une bourgade située à quelques kilomètres de la frontière avec le Libéria. « Nous n’avons quasiment pas de ruptures de stock, juste une fois dans l’année où nous avons manqué de TDR, mais pendant peu de temps », indique Paulin Gbahi, un infirmier.
Pour pallier à cette situation, Care Côte d’Ivoire a mis en place depuis juin 2012 des consultations pour tous les villages situés à plus de cinq kilomètres d’un centre de santé. « 30% de la population vit dans ces zones. Et lors des consultations foraines nous constatons que beaucoup d’enfants ont plus de 40 degrés de fièvre et qu’à cause de la distance les femmes enceintes ne prennent pas toutes les doses d’antipaludéens qu’elles devraient prendre lors de leur grossesse », rappelle le docteur Aliou Ayaba.
Le gouvernement ivoirien pratique la gratuité des traitements pour la malaria chez les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans. Malgré cela, la distance entre certains villages et les centres de santé fait que beaucoup ne se soignent pas. Selon l’enquête de santé publique de 2011-2012, moins de la moitié des femmes avaient pris des antipaludiques à titre préventif au cours de leur dernière grossesse. Et parmi les enfants de moins de cinq ans ayant eu de la fièvre avant l’enquête, moins d’un sur cinq avait été traité avec des antipaludéens.
La Nouvelle pharmacie de santé publique, chargée d’approvisionner en médicaments les districts sanitaires, doit mettre en place des magasins de stockage en région, pour faciliter l’acheminement et limiter les ruptures de stock. Le premier devrait s’ouvrir en 2015 à Bouaké, dans le centre du pays, deuxième plus grande ville de Côte d’Ivoire.