LA RECONNAISSANCE PAR L’INDE D’UN TROISIÈME GENRE POURRAIT RENFORCER LES PROGRAMMES DU FONDS MONDIAL POUR LES MINORITÉS SEXUELLES
Author:
Karanja Kinyanjui
Article Type:Article Number: 4
La décision d'avril 2014 nécessitera des structures publiques pour héberger les personnes transgenres et des dispositions telles que des pavillons hospitaliers distincts.
RÉSUMÉ Une décision rendue par la Cour suprême de l'Inde qui reconnaît les personnes transgenres comme un troisième sexe pourrait améliorer l'impact des programmes soutenus par le Fonds mondial ciblant les minorités sexuelles.
La cour suprême de l’Inde a décidé en avril que les personnes transgenres constituent un troisième sexe et nécessitent des services de bases, notamment des pavillons distincts dans les services publics comme les hôpitaux. Cette reconnaissance pourrait permettre d’améliorer l’efficacité des programmes soutenus par le Fonds mondial et de réduire la stigmatisation qui décourage les Indiens transgenres à accéder aux services de santé.
James Robertson, Directeur exécutif de l’Alliance de l’Inde pour la lutte contre le VIH/sida, confie à Aidspan que cette décision constitue « certainement une excellente nouvelle pour le travail lié à la lutte contre le VIH auprès des communautés transgenres ».
L’Inde compte environ 62 000 personnes transgenres, selon une estimation du Département national de la lutte contre le sida. Toutefois, de l’avis de Robertson, ce chiffre est « presque certainement une estimation prudente ».
Actif dans 17 des 28 États de l’Inde, Pehchan est un projet financé par le Fonds mondial visant à améliorer la vie des personnes ayant des rapports homosexuels et des personnes transgenres. Avec un budget quinquennal d’environ 22,5 millions de dollars pour un programme subventionné qui s’achèvera en 2015, Pehchan dont le nom signifie identité, organise des ateliers, des formations et des campagnes de sensibilisation avec 200 groupes de base.
Pehchan a également élaboré un programme de formation d’équipe d’intervention en situation de crise qu’il a diffusé dans d’autres pays tels que l’Ouganda, lui-même aux prises avec des lois draconiennes criminalisant l’homosexualité.
Le modèle d’intervention en situation de crise, en plus de la tenue d’ateliers et de la sensibilisation des communautés, enseigne également aux militants de base à collecter des données démographiques pour développer de meilleurs profils et des estimations sur la taille de la communauté homosexuelle et transgenre, ainsi que la collecte d’information et la dénonciation au sujet des cas de violence et de harcèlement.
« Pehchan est un exemple de programme inédit travaillant avec ces groupes qui a été élaboré à travers le processus de l’instance de coordination nationale et en étroite collaboration avec le gouvernement de l’Inde », déclare Robertson.
La stigmatisation et le manque d’éducation sont deux facteurs qui contribuent à l’augmentation de la prévalence du VIH au sein de la population transgenre en Inde. La prévalence nationale sur la base de statistiques de 2011 recueillies dans le cadre d’une étude sur le VIH a été estimée à 0,3%; au sein de la population transgenre, la prévalence est de 8,8%, selon l’ONUSIDA.
Si la décision de la Cour suprême constitue une avancée pour les minorités sexuelles de l’Inde, une partie de ses effets positifs peut être entravée par une décision antérieure de la cour. En décembre 2013, la Cour suprême a infirmé une décision du Tribunal de grande instance de 2009 qui dépénalisait les comportements homosexuels. Cette loi a eu un effet dissuasif sur la communauté homosexuelle de l’Inde et a une portée plus large que la loi sur les transgenres, ainsi que des implications profondes pour les activités de proximité, la sensibilisation et le travail visant à réduire la stigmatisation à l’égard de cette population.
« À partir du moment où cette décision a été rendue en décembre dernier, nous avons enregistré une augmentation du nombre de cas de harcèlement et de violence à l’égard des membres de la communauté LGBT en Inde », affirme Robertson. « Les agents de sensibilisation de Pehchan ont été harcelés par la police, et des rapports font état des détentions illégales de membres de la communauté et même d’agression sexuelle. Il est devenu nettement plus difficile d’inscrire les homosexuels dans notre programme suite à ce jugement. »
Pourtant, cette décision représente un tournant dans les efforts visant à améliorer la reconnaissance de la population transgenre de l’Inde, notamment la communauté Kothi dans le sud de l’État du Tamil Nadu. Robertson évoque une décision rendue en 2009 par la Commission électorale qui a permis à des personnes transgenres de désigner leur sexe par « autre » sur les bulletins de vote, et le plan stratégique national (PSN) de la lutte contre le VIH pour la période 2012-2017 comprend une intervention ciblée pour la communauté transgenre, ce qui constitue un tournant historique.
« Les efforts antérieurs en matière de prévention du VIH considéraient les transsexuels comme un sous-groupe des homosexuels, ne comblaient pas convenablement les besoins particuliers des transgenres et ne parvenaient pas à comprendre les difficultés et les contextes qui contribuent au risque de VIH pour ces populations », ajoute Robertson.
Si la prévention du VIH chez les homosexuels et les transgenres est envisagée dans le cadre du PSN, le gouvernement doit accorder la priorité aux activités comme la mobilisation communautaire et le renforcement des systèmes communautaires. Une partie du dialogue national au moment où l’Inde élabore sa note conceptuelle dans le cadre du nouveau modèle de financement du Fonds devrait répondre à ces questions transversales, déclare Robertson.
Une somme de 562,3 millions de dollars a été allouée à l’Inde pour la lutte contre le VIH au cours de la période 2014-2016, selon une annonce faite en mars.
Selon Robertson l’allocation de l’Inde destinée à la lutte contre le VIH pourrait être entièrement consacrée au soutien des activités dans le cadre du PSN, même si le sort de Pehchan au-delà de la date prévue de sa fin, septembre 2015, est incertain.
« Nous avons proposé la prorogation de Pehchan en tenant compte des priorités du nouveau plan stratégique national, et notre proposition est actuellement examinée par divers organismes gouvernementaux », conclut Robertson.