Efforts du Fonds mondial en matière d’amélioration de la qualité des services : réussites et difficultés
Author:
David Garmaise
Article Type:Article Number: 5
Il faudra du temps pour que les initiatives visant à renforcer la qualité des services génèrent un impact mesurable au niveau des pays, selon le BIG
RÉSUMÉ D’après le Bureau de l’Inspecteur général, il faudra du temps pour que les initiatives destinées à améliorer la qualité des services génèrent un impact mesurable au niveau des pays. Cet article décrit certaines de ces initiatives, ainsi que les difficultés liées à leur mise en œuvre efficace.
La qualité des services est un des cinq thèmes stratégiques ressortis des travaux du Bureau de l’Inspecteur général en 2016, comme décrit dans son rapport annuel 2016. Un autre article de ce numéro offre un résumé succinct de chacun de ces thèmes. Dans le présent article, nous fournissons des détails supplémentaires sur les commentaires du Bureau de l’Inspecteur général sur la qualité des services.
Le Bureau de l’Inspecteur général note que plusieurs initiatives au sein du Secrétariat du Fonds mondial promeuvent avec succès la qualité des services.
L’introduction d’une stratégie pour la qualité des programmes et des données et de nouvelles orientations de politique opérationnelle fondées sur des principes devraient aider les équipes de pays du Secrétariat à élaborer une démarche plus robuste d’évaluation des risques liés à la qualité des programmes et des données. (Voir la note de politique opérationnelle sur la qualité des programmes et des données figurant dans le manuel des politiques opérationnelles du Fonds ; ajoutée le 13 juillet 2016.)
En 2016, le Secrétariat a également élaboré un cadre relatif à l’« utilisation des données aux fins de l’action et des améliorations ». Ce cadre est conçu pour évaluer différentes sources de données dans le but d’améliorer le rapport coût/efficacité et la qualité des prestations de services. Des évaluations des établissements de santé sont en outre en cours à titre d’essai dans plusieurs pays afin de fournir de meilleures garanties de qualité concernant les risques liés aux programmes et aux données.
Le projet Mise en œuvre par le partenariat (ITP) du Secrétariat a entraîné une coopération technique accrue entre partenaires en vue d’assurer une meilleure qualité des services. Ce projet a contribué à transformer l’engagement auprès des partenaires, qui se limitait à un dialogue général sur la collaboration, à une discussion plus centrée sur les difficultés spécifiques liées à la mise en œuvre au niveau des pays. Il a permis aux partenaires de mieux cerner leurs priorités et domaines cibles respectifs. Enfin, le projet ITP a contribué à l’amélioration de la redevabilité, par l’attribution aux différents partenaires de responsabilités spécifiques concernant les différentes mesures à prendre. (Voir l’article de l’OFM.)
Cependant, nuance le Bureau de l’Inspecteur général, il faudra du temps pour que les initiatives destinées à améliorer la qualité des services génèrent un impact mesurable au niveau des pays. « Entre-temps, tandis que les pays intensifient leur couverture, la qualité des prestations de services est mise à rude épreuve », affirme-t-il. « Cela se traduit notamment par une diminution de la rétention des patients, la non-conformité aux directives nationales et du Fonds mondial et des lacunes au niveau des diagnostics. »
Diminution de la rétention des patients
Plusieurs audits de pays réalisés en 2016 révèlent que si le nombre de patients sous traitement a augmenté, il est devenu de plus en plus difficile de les retenir. Par exemple, indique le Bureau de l’Inspecteur général, au Zimbabwe, en Inde et au Mozambique, des proportions significatives de patients qui ont entamé un traitement antirétroviral contre le VIH l’interrompent ou sont perdus de vue au bout de 12 mois. Le rapport ajoute que pour les trois maladies, la faible observance thérapeutique engendre des risques significatifs que les investissements massifs dans les médicaments et le traitement ne donnent pas les résultats attendus en termes de prévalence de la maladie. La faible observance pourrait également contribuer à la résistance aux médicaments.
Non-conformité avec les directives nationales et du Fonds mondial
Le Bureau de l’Inspecteur général cite des exemples de non-conformité tirés de trois audits menés en 2016. Au Malawi, une faible proportion des nourrissons exposés au VIH étaient soumis à un test de dépistage dans les délais recommandés. En Inde, les normes de prise en charge de la tuberculose présentaient de nombreux problèmes de non-conformité. Les auditeurs ont également souligné des lacunes au niveau de la mise en œuvre d’un système fonctionnel de pharmacovigilance, des retards de dépistage et un manque de traitement préventif pour les patients vivant avec le VIH dont le test de dépistage de la tuberculose s’est avéré négatif. En République démocratique du Congo, 4 pour cent seulement des patients bénéficiaient de services de dépistage du VIH et de conseil dans les deux hôpitaux échantillonnés par le BIG, ce qui va à l’encontre aussi bien des directives nationales que des directives de l’OMS.
Lacunes au niveau des diagnostics
Dans le cadre de son audit du Zimbabwe, le Bureau de l’Inspecteur général a constaté que la disponibilité limitée des machines avait une incidence sur l’efficacité des services de diagnostic du pays. Par exemple, dans plus de la moitié des établissements inspectés, le matériel de dépistage de la tuberculose chez les enfants n’était pas disponible. Au Mozambique, indique le Bureau de l’Inspecteur général, bien que le nombre de diagnostics pour les trois maladies ait augmenté au cours de la période d’audit, 34 pour cent des prestataires ayant recours au microscope pour le diagnostic du paludisme et 20 pour cent de ceux qui utilisaient des tests de diagnostic rapide établissaient un diagnostic inexact. Au Malawi, 60 pour cent des patients recevant un traitement antipaludique dans les établissements de santé n’avaient pas fait l’objet d’un test de dépistage, et les cas suspects étaient signalés et traités dans le cadre du programme national de prise en charge intégrée au niveau communautaire sans diagnostic confirmé.
Causes profondes
Le Bureau de l’Inspecteur général estime que ces problèmes ont leur origine dans les difficultés systémiques au niveau des pays liées aux contraintes en matière de financement et de ressources humaines.
D’après le Bureau de l’Inspecteur général, dans ses notes conceptuelles présentées pour la période d’allocation 2014/2016, la RDC estimait que 16 pour cent seulement des fonds nécessaires pour le VIH étaient disponibles, ce pourcentage étant de 44 pour cent pour la tuberculose et 57 pour cent pour le paludisme. L’audit réalisé au Zimbabwe a quant à lui constaté que l’insuffisance du financement limitait l’intensification des efforts d’identification des cas manquants de tuberculose. Au Mozambique, remarque le Bureau de l’Inspecteur général, les subventions existantes du Fonds mondial n’incluent pas de financement pour la supervision des laboratoires chargés du diagnostic des trois maladies.
Concernant les ressources humaines, le Bureau de l’Inspecteur général relève que les Statistiques sanitaires mondiales 2016 de l’Organisation mondiale de la Santé estiment qu’il y avait en 2013 un déficit mondial d’environ 17,4 millions d’agents de santé, les régions les plus touchées par cette pénurie correspondant aux pays où sont effectués la majorité des investissements du Fonds mondial. Il signale par ailleurs que ses travaux de 2016 confirment que la pénurie de personnel formé a contribué aux problèmes de qualité des services. Au Mozambique, par exemple, 65 pour cent des postes techniques dans le cadre des programmes de lutte contre la tuberculose et le VIH sont vacants. Au Zimbabwe, 56 pour cent seulement des postes de conseillers primaires en matière de VIH étaient pourvus au moment de l’audit. L’audit du Zimbabwe a également révélé que 16 pour cent à peine des agents de santé avaient été formés aux protocoles mis à jour concernant le dépistage rapide du VIH.
« La qualité des services dépend de solutions pérennes pour les systèmes de santé, plutôt qu’à court terme », juge le Bureau de l’Inspecteur général. « Elle requiert de modifier sensiblement la manière dont le Fonds mondial mesure les résultats. » Dans l’actuel modèle de financement en fonction des résultats, indique le Bureau de l’Inspecteur général, l’évaluation des résultats des programmes est principalement axée sur les indicateurs de produit et de couverture. Les cadres actuels de résultats contiennent moins d’indicateurs de la qualité des programmes.
Les motifs de ce déséquilibre sont variés. Les données relatives à la couverture sont généralement plus faciles à définir, collecter et analyser que les indicateurs relatifs à la qualité, qui sont habituellement beaucoup plus complexes, explique le Bureau de l’Inspecteur général. L’horizon temporel est également un facteur contributif, du fait que, dans de nombreux cas, les améliorations de la qualité ne peuvent être évaluées de manière fiable et significative que sur une période relativement plus longue. Dans le cas du Fonds mondial, ajoute le Bureau de l’Inspecteur général, une certaine complexité s’ajoute à la situation, étant donné que l’organisation est généralement considérée comme une institution de financement dont le mandat doit être géré avec prudence de manière à ne pas empiéter sur celui des organismes techniques chargés d’élaborer des orientations normatives et d’établir les normes de qualité.
« Même s’il s’agit là de motifs valables », précise le Bureau de l’Inspecteur général, « il n’en reste pas moins que la pérennité à long terme des programmes soutenus par le Fonds mondial repose sur la qualité robuste des soins, sans quoi les avancées obtenues à ce jour risquent d’être perdues à l’avenir. Étant donné la nature des problèmes et de certaines des difficultés mises en lumière, la mobilisation des partenariats est essentielle afin de garantir un bon rapport coût/efficacité à long terme des investissements du Fonds mondial. »
L’initiative ITP a visiblement déplacé l’emphase, selon le Bureau de l’Inspecteur général, bien qu’il ne soit pas clair dans quelle mesure la réalisation des mesures assignées est à imputer aux partenaires. En outre, ajoute le Bureau de l’Inspecteur général, l’initiative a peut-être trop mis l’accent sur les activités, sans formulation claire de l’impact souhaité. « Il est tout à l’honneur du Secrétariat », indique le Bureau de l’Inspecteur général, « d’avoir implicitement reconnu ce fait en changeant à mi-parcours le nom de l’initiative de “Mise en œuvre par le partenariat” en “Impact par le partenariat” ». Les autres initiatives mentionnées ci-avant sont la preuve que le Secrétariat a des plans pour s’attaquer à la plupart des problèmes de qualité des services, estime le Bureau de l’Inspecteur général. « S’ils sont mis en œuvre avec succès, ces plans mettront néanmoins du temps à produire des résultats au niveau du portefeuille. »
Le rapport annuel 2016 du Bureau de l’Inspecteur général (document GF-B37-12) devrait être disponible prochainement à l’adresse suivante : www.theglobalfund.org/en/board/meetings/37.