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UN ENTRETIEN AVEC ALAN WHITESIDE*
OFM Edition 112

UN ENTRETIEN AVEC ALAN WHITESIDE*

Author:

Arlette Campbell White

Article Type:
Interview

Article Number: 7

Ā« Penser global, agir localĀ», dit le professeur Alan Whiteside, OBE, universitaire et explorateur d’idĆ©es

RƉSUMƉ Le professeur Alan Whiteside (Officier de l’Empire britannique, OBE) prĆ©sente sa longue et remarquable carriĆØre en Ć©conomie, dans le domaine du VIH et de la santĆ© publique. Il explique ce qui l'a amenĆ© Ć  rejoindre le Conseil d'administration d’Aidspan et confie ses espoirs quant aux futures orientations d’Aidspan.

  1. Dites-en plus sur vous et sur votre parcours, pour nos lecteurs et nos lectrices

Je suis né auĀ Kenya, sept ansĀ avant l’IndĆ©pendance.Ā En 1961, ma famille a dĆ©mĆ©nagĆ© au Swaziland, l’Eswatini actuel, où j’ai eu la chance de grandir. QuelĀ pays fantastiqueĀ ! LeĀ Swaziland avait une sociĆ©tĆ© multiraciale et harmonieuse : je suis allĆ© au LycĆ©e Waterford Kamhlaba et dans mon groupe d’élĆØves, il y avait une grande diversitĆ© de races et de religions. Le Roi a ajoutĆ© le nom ā€˜Kamhlaba’, qui signifie ā€˜petit monde’, en 1967. Waterford avait Ć©tĆ© conƧu comme un Ć©tablissement pratiquant l’éducation inclusive, au moment où l’apartheid dĆ©truisait tant de vies en Afrique du Sud. Nous Ć©tions idĆ©alistes, nous apprenions Ć  faire de notre mieux, et Ć  toujours nous battre pour dĆ©fendre l’équitĆ© et la justice. Cela m’a beaucoup influencĆ© au cours de ma jeunesse.

AprĆØs le baccalaurĆ©at (A levels), mon pĆØre m’a proposĆ© de choisir entre une universitĆ© en Afrique du Sud, ou au Royaume-Uni (je suis pleinement conscient du privilĆØge qui Ć©tait le mienĀ : pouvoir choisir). En Afrique du Sud, de plus en plus de mesures de rĆ©pression Ć©taient mises en place. Je savais que, si j’allais lĆ -bas, en tant que jeune homme blanc, je serais enrĆ“lĆ© dans les forces de dĆ©fense nationale pour dĆ©fendre l’indĆ©fendable. J’ai donc choisi d’aller Ć  l’UniversitĆ© de East Anglia, Ć  Norwich en Angleterre, où j’ai passĆ© ma licence et une maĆ®trise en Ɖconomie du DĆ©veloppement.

  1. Mais vous ĆŖtesĀ retournĆ© en Afrique australe,Ā n’est-ce pasĀ ?

J’ai eu laĀ chance d’ĆŖtre d’obtenir une bourse de l’Overseas Fellowship Institute, qui m’a placĆ© au BotswanaĀ dans un poste d’économiste au sein du MinistĆØre des Finances et de la Planification pour le DĆ©veloppement.Ā J’y suis restĆ© 2 ans et demi, puis je suis parti pour rejoindre l’UnitĆ© de Recherche en Ɖconomie Ć  l’UniversitĆ© de Natal Ć  Durban, en Afrique du Sud.

L’Apartheid battait toujours son plein et c’est une pĆ©riode noire dans l’Histoire du pays. Mais cela a changĆ© en 1994Ā ; j’ai votĆ© pour la premiĆØre fois, puis j’ai acquis la citoyennetĆ© Sud Africaine.

Mandela est donc arrivĆ© au pouvoir et le gouvernement a commencĆ© Ć  mettre en place ce qu’il appelait la ā€˜rationalisation’ des universitĆ©s. Cela signifiait que les universitĆ©s qui pratiquaient auparavant la sĆ©grĆ©gation raciale, avec des Blancs, des Noirs, des Indiens, des personnes de couleur, etc fusionnaient entre elles. Ainsi, KwaZulu a fusionnĆ© avec Natal, ce qui a donnĆ© l’UniversitĆ© de KwaZulu-Natal. Je ne vais pas aller plus en dĆ©tail lĆ -dessus maintenant, mais pour les personnes qui sont intĆ©ressĆ©es par l’apartheid et l’éducation supĆ©rieure en Afrique du Sud, cet article en vaut vraiment la peine.

3. La plupart des gens vous connaissent pour votre travail sur le VIH/Sida : comment en êtes-vous arrivé à travailler dans ce domaine?

C’est en 1987 que j’ai Ć©crit mon premier article sur le VIH et sur ce que cela pouvait signifier pour l’Afrique du Sud. C’était un domaine entiĆØrement nouveauĀ : on en savait peu sur le virus et Ć  l’époque, personne n’avait rĆ©ellement rĆ©flĆ©chi Ć  ses consĆ©quences Ć©conomiques. En 1990, on m’a demandĆ© d’écrire un exposĆ© de position (Position paper) sur l’économie et le VIH. Ensuite, j’ai commencĆ© Ć  travailler exclusivement sur les causes et les consĆ©quences Ć©conomiques, culturelles et sociales du VIH. C’est cela qui a menĆ© Ć  la crĆ©ation de la Division de Recherche sur l’Économie de la SantĆ© et sur le Sida (HEARD) Ć  l’UniversitĆ©, dont j’ai pris la tĆŖte en tant que Directeur ExĆ©cutif, en 1998.

En cours de route, j’ai crƩƩ une newsletter ā€˜AIDS Analysis Africa’ (Ɖdition de l’Afrique Australe), qui a fini par avoir une Ć©dition pourn l’Afrique entiĆØre et pour l’Asie. Ces deux derniĆØres Ć©taient publiĆ©es en partenariat avec ā€˜Africa Analysis’, et Ć  mon plus grand bonheur, notre bureau Ć©tait situĆ© dans la rue Fleet. En 2003, j’ai Ć©tĆ© nommĆ© Commissaire pour la Commission sur le VIH/Sida et la gouvernance en Afrique, organisĆ©e par le SecrĆ©taire GĆ©nĆ©ral des Nations Unies Ć  lā€˜Ć©poque, Kofi Annan, et j’ai conservĆ© mes fonctions jusqu’en 2006.

Mon expĆ©rience au sein de HEARD a Ć©tĆ© gĆ©niale. Nous bĆ©nĆ©ficions de l’appui financier de divers bailleurs de financement, qui finanƧaient des postes pour renforcer l’équipe. En 2006, un groupe d’importants bailleurs (le DĆ©partement pour le DĆ©veloppement International du Royaume-Uni, le gouvernement NĆ©erlandais, l’Agence Irlandaise pour le DĆ©veloppement International, le MinistĆØre des Affaires EtrangĆØres NorvĆ©gien, l’Agence SuĆ©doise pour la CoopĆ©ration sur le DĆ©veloppement International, et l’ONUSIDA) nous a demandĆ© de lui prĆ©senter un projet pour un financement de base. Ils nous ont octroyĆ© une somme gĆ©nĆ©reuse encadrĆ©e par une Convention de Subvention Conjointe.

Nous avons renforcĆ© HEARD, Ć©largi notre programme, et avons nouĆ© de nombreux partenariats. Nous avons construit notre rĆ©putation autour de notre approche pluridisciplinaire sur le plaidoyer, la recherche et l’analyse politique. Nous avons dĆ©veloppĆ© l’argument Ć©conomique qui sous-tend la nĆ©cessitĆ© de s’attaquer aux problĆØmes de santĆ© de longue date en Afrique, y compris le VIH/Sida, les vulnĆ©rabilitĆ©s liĆ©es au genre, les droits et santĆ© sexuels et reproductifs, la santĆ© des adolescentĀ·es, la violence exercĆ©e par un partenaire intime, et les handicaps liĆ©s Ć  la santĆ©.

4. ƀ quel moment le Fonds mondial fait-il son apparition dans votre parcoursĀ ?

J’avais Ć©tĆ© conseiller au sein du Groupe de rĆ©fĆ©rence sur l’économie du VIH (ERG), de l’ONUSIDA/la Banque Mondiale. Nous travaillions avec le Fonds mondial, l’ONUSIDA et la Banque Mondiale, ainsi qu’avec la Fondation Bill et Melinda Gates et le PEPFAR. En 2012, le Fonds mondial a demandĆ© Ć  trois groupes, dont HEARD, de rĆ©aliser une analyse sur la rĆ©partition idĆ©ale de l’enveloppe entre les trois maladies.

ƀ cette Ć©poque, j’ai rencontrĆ© le fondateur d’Aidspan, Bernard Rivers, qui m’a parlĆ© de l’entitĆ© qu’il avait crƩƩe et qui jouait le rĆ“le de garde-fou indĆ©pendant afin de demander des comptes au Fonds mondial, au vu de la confiance gigantesque du public et des montants qui lui Ć©taient attribuĆ©s grĆ¢ce Ć  l’argent des contribuables. Il m’a convaincu de faire partie du Conseil d’administration. Comme on dit, le reste appartient Ć  l’HistoireĀ !

5. Qu’est-ce qui vous a motivĆ© Ć  rejoindre AIdspanĀ ?

J’aimais bien l’idĆ©e d’un garde-fou, dans mon livre c’est une « bonne choseĀ Ā».Ā  J’aimais bien l’éthique de l’organisation, ainsi que les gens qui travaillent pour cette organisation – ce sont ces critĆØres qui ont Ć©clairĆ© ma dĆ©cision de les rejoindre. AprĆØs le dĆ©part de Bernard, quelques Directeurs ExĆ©cutifs se sont succĆ©dĆ©s, jusqu’à ce qu’Ida nous rejoigne. Elle a rĆ©ellement consolidĆ© la rĆ©putation d’Aidspan autour de la problĆ©matique de la gouvernance et de la redevabilitĆ© du Fonds mondial, grĆ¢ce Ć  des analyses, des Ć©tudes et des publications de qualitĆ©, telles que l’Observateur du Fonds mondial (GFO/OFM).

Ā Ā 6. Ma question prĆ©fĆ©rĆ©, comme toujours – de quoi ĆŖtes vous le plus fier, si l’on regarde les rĆ©sultats d’Aidspan au cours de ces 7 derniĆØres annĆ©es, depuis que vous ĆŖtes membre du ConseilĀ ?

Je vais retourner la question et vous dire que je suis fier de certaines chosesĀ qui n’ont pas Ć©té faites. Par exemple, nous n’avons quasiment jamais manquĆ© la publication d’un numĆ©ro du GFO/OFM, mĆŖme lorsque le poste de rĆ©dacteurĀ·rice en chef n’était pas pourvu de faƧon permanente. Ce que nous avons fait, cā€˜est de publier les numĆ©ros de faƧon systĆ©matique, dans les temps impartis, et avec un grand niveau de qualité ; nous avons mobilisĆ© des financements fiables de la part des bailleurs de fondsĀ ; et nous avons montĆ© une Ć©quipe dont les membres ont la capacitĆ© de creuser et d’écrire des articles sur des sujets qui sont Ć©minemment pertinents pour le Fonds mondial et pour ses partenaires.

Mais je me dois Ć©galement de dire que nous pourrions mieux faire. En dehors des sujets liĆ©s Ć  l’Afrique, nous sommes fragiles, mĆŖme si cela change progressivement. Et il faut dire que l’Afrique reƧoit plus de 70% des financements du Fonds mondial, donc l’Afrocentrisme est comprĆ©hensible.

7. Vous avez Ć©crit dans l’OFM au sujet de l’effet dĆ©lĆ©tĆØre de la COVID-19 (C19) sur l’Aide Publique au DĆ©veloppement, et nous, Aidspan, en sommes victime, puisque nous avons rĆ©cemment perdu l’un de nos bailleurs les plus importantsĀ : selon vous, que devons nous faire pour mobiliser plus de financementsĀ ?

On doit se comporter comme des grands lorsque les choses tournent mal. Les bailleurs et nous, nous sommes dans le mĆŖme domaine d’intervention et nous sommes soumis aux mĆŖmes contraintes. Il faut reconnaĆ®tre que la pĆ©riode que nous vivons est d’une difficultĆ© sans pareille pour les gouvernements, qui souhaitent continuer Ć  soutenir le dĆ©veloppement, l’équitĆ©, venir en aide aux sociĆ©tĆ©s moins favorisĆ©es que leur propre sociĆ©tĆ©. Mais nous faisons face Ć  des dĆ©fis que nous n’avons jamais connus auparavant. Continuons Ć  faire ce que nous savons faire de mieux, et je suis persuadĆ© que la situation finira par s’amĆ©liorer, que ce soit pour la C19 ou pour nos bailleurs.

8. Et pour conclure sur votre parcours de vieĀ ?

J’ai quittĆ© HEARDĀ parce que jeĀ crois qu’il faut suivre certaines rĆØgles pour incarner un leadership innovantĀ : vous construisez la meilleure entitĆ© que vous puissiez construire, vous la gĆ©rez du mieux que vous le pouvez, puis vous passez le relais avant de vous enliser et de perdre l’étincelle. Il Ć©tait temps pour moi de passer Ć  autre chose, pour le bien de l’organisation, avant que je n’atteigne ma date de pĆ©remptionĀ ! Donc en 2013, j’ai fait en sorte que le meilleur successeur soit nommĆ© et je suis parti en 2014 pour de nouvelles aventures au sein de l’universitĆ© du Canada (L’école Balsillie Ć  Waterloo, Ontario). Cette annĆ©e, en dĆ©cembre, je prends ma retraite et je rentre au Royaume-Uni – mais de nouvelles aventures viendront sans aucun doute me tenir occupé…

Note d’ArletteĀ : Je souhaite souligner ici qu’Alan a Ć©tĆ© nommĆ© Officier de l’Empire britannique (OBE) Ć  l’occasion des Honneurs du Nouvel An de la Reine en 2015, pour ses services rendus Ć  la science et aux interventions stratĆ©giques pour freiner l’épidĆ©mie de VIH/Sida. Il s’agit d’un titre extrĆŖmement prestigieux, qu’il n’a pas mentionnĆ©, par modestie, alors qu’il parlait de ce qu’il a accompli dans sa vie.

9. Quel avenir pour AidspanĀ ?

Il nous faut chercher notre place dans ce nouveau monde post-COVID. Il nous faut ĆŖtre innovants et agiles. Nous pouvons combattre la C19 grĆ¢ce aux vaccins, mais ce n’est pas le cas pour toutes les questions de santĆ©, comme pour le VIH, qui dĆ©passe largement le simple domaine de la santĆ©. Et les questions d’équitĆ© restent pertinentes pour notre travail. Nous devons continuer Ć  Ć©largir notre horizon et notre vision de la santĆ©, continuer Ć  jouer un rĆ“le dans le domaine de l’équitĆ© dans la santĆ© et de l’accĆØs Ć  la santĆ©. Il nous faut explorer la faƧon dont la C19 a modifiĆ© le paysage du financement, nous devons montrer aux bailleurs et Ć  notre audience que nous sommes toujours pertinents, et proactifs.

10. Et quel avenir, pour vousĀ ?

J’écris mes mĆ©moires actuellement… et j’arpente les rues de Norwich en distribuant des prospectus pour les Ć©lections municipales, pour le parti LibĆ©ral DĆ©mocrate, d’où mon slogan « Penser global – agir localĀ Ā». Je pense qu’il y aura plus ces deux composantes-lĆ  dans ma vie futureĀ !

ArletteĀ : et peut-ĆŖtre que vous pourrez finir d’obtenir votre licence de pilote…

*Alan Whiteside, OBE D.Econ, est Professeur Ć  l’École de politique et de gouvernance internationale, Ć  l’UniversitĆ© Wilfrid Laurier, et Ć  l’École des affaires internationales de Balsillie, Waterloo, au CanadaĀ ; et Professeur Ć©mĆ©rite de l’UniversitĆ© de KwaZulu-Natal, Afrique du Sud.

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