
L’ONUSIDA est-elle optimiste lorsqu’elle affirme que nous pouvons mettre fin au SIDA d’ici 2030 ?
Author:
Aidspan
Article Type:Article Number: 3
Le Rapport mondial sur le SIDA 2023 ne montre pas que le monde est déjà sur la bonne voie, mais il montre que nous pouvons l'être.
"Le Programme commun des Nations unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) vient de lancer son rapport 2023 sur le SIDA dans lequel indique non seulement quāil est possible dāĆ©radiquer le SIDA d'ici 2030, mais trace Ć©galement la voie Ć suivre pour y parvenir. Un vÅu pieux ? Ou un plan de rĆ©ussite ?"
Le 13 juillet, le Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) a publiĆ© son rapport intitulĆ© « Le point sur le SIDA dans le mondeĀ Ā» (2-23). Ce nouveau rapport, intitulĆ© “The Path that Ends AIDS”, montre qu’il existe une voie claire pour mettre fin au SIDA. Il contient des donnĆ©es et des Ć©tudes de cas qui soulignent que mettre fin au SIDA est un choix politique et financier, et que les pays et les dirigeants qui suivent dĆ©jĆ cette voie obtiennent des rĆ©sultats extraordinaires.
Dans lāAvant-propos au rapport, Winnie Byanyima, Directrice exĆ©cutive de l’ONUSIDA, dĆ©clare que cette voie permettra Ć©galement de se prĆ©parer et de lutter contre les futures pandĆ©mies et de progresser vers la rĆ©alisation des Objectifs de DĆ©veloppement Durable (ODD).
Il y a vingt ans, la pandĆ©mie mondiale de SIDA semblait inarrĆŖtable. Plus de 2,5 millions de personnes contractaient le VIH chaque annĆ©e et le SIDA faisait deux millions de victimes par an. Dans certaines rĆ©gions d’Afrique australe, le SIDA rĆ©duisait Ć nĆ©ant des dĆ©cennies d’augmentation de l’espĆ©rance de vie. Des traitements efficaces avaient Ć©tĆ© mis au point, mais ils n’Ć©taient disponibles qu’Ć des prix prohibitifs, ce qui limitait leur utilisation Ć quelques privilĆ©giĆ©s.
Le traitement et la prƩvention sauvent des millions de vies
Les donnĆ©es de l’ONUSIDA montrent qu’aujourd’hui, 29,8 millions des 39 millions [33,1 millions-45,7 millions] de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) dans le monde reƧoivent un traitement antirĆ©troviral (ARV) qui leur sauve la vie. L’accĆØs au traitement antirĆ©troviral s’est massivement dĆ©veloppĆ© en Afrique subsaharienne, en Asie et dans le Pacifique, qui reprĆ©sentent ensemble environ 82 % de l’ensemble des personnes vivant avec le VIH. En 2020, 2021 et 2022, 1,6 million de personnes supplĆ©mentaires ont reƧu un traitement antirĆ©troviral. Si cette augmentation annuelle peut ĆŖtre maintenue, l’objectif mondial de 35 millions de personnes sous traitement contre le VIH d’ici 2025 sera Ć portĆ©e de main.
Au niveau mondial, prĆØs des trois quarts (71 %) des personnes vivant avec le VIH en 2022 (76 % des femmes et 67 % des hommes vivant avec le VIH) avaient une charge virale indĆ©tectable. La suppression de la charge virale permet aux personnes sĆ©ropositives de vivre longtemps et en bonne santĆ© et de ne pas risquer de transmettre le VIH par voie sexuelle. La suppression de la charge virale chez les enfants n’Ć©tait toutefois que de 46 %.
L’amĆ©lioration de l’accĆØs au traitement du VIH a permis d’Ć©viter prĆØs de 20,8 millions de dĆ©cĆØs liĆ©s au SIDA au cours des trois derniĆØres dĆ©cennies (figure 1).
Figure 1 Nombre de décès liés au SIDA : situation actuelle et scénario sans ARV disponible, 1990-2022
L’Afrique subsaharienne est Ć la pointe de la baisse du nombre de nouvelles infections par le VIH
Globalement, le nombre de dĆ©cĆØs liĆ©s au SIDA a Ć©tĆ© rĆ©duit de 69 % depuis le pic de 2004. Cinq pays d’Afrique subsaharienne (Botswana, Eswatini, Rwanda, Tanzanie et Zimbabwe), la rĆ©gion qui compte 65 % de toutes les personnes vivant avec le VIH, ont dĆ©jĆ atteint les objectifs « 95-95-95Ā Ā». Cela signifie que 95 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sĆ©rologique, que 95 % des personnes vivant avec le VIH qui connaissent leur statut sont sous traitement antirĆ©troviral et que 95 % des personnes vivant avec le VIH sous traitement bĆ©nĆ©ficient d’une suppression virale. Seize autres pays, dont huit en Afrique subsaharienne, sont Ć©galement sur le point d’y parvenir.
Figure 2. Ćvolution du nombre de nouvelles infections par le VIH, 2010-2022, et du nombre de nouvelles infections par le VIH, 2022, au niveau mondial et par rĆ©gion
Facteurs de rƩussite
S’appuyer sur les prioritĆ©s en matiĆØre de santĆ© publique
Les programmes de lutte contre le VIH rĆ©ussissent lorsque les prioritĆ©s de santĆ© publique prĆ©valent, comme l’attestent les expĆ©riences de plusieurs pays. Au Botswana et au Cambodge, des politiques fondĆ©es sur des donnĆ©es probantes et des rĆ©ponses Ć©largies ont permis de rĆ©duire le nombre de nouvelles infections par le VIH et de dĆ©cĆØs liĆ©s au SIDA. Le Cameroun, le NĆ©pal et le Zimbabwe sont parvenus Ć rĆ©duire considĆ©rablement les nouvelles infections par le VIH grĆ¢ce Ć des programmes de prĆ©vention ciblĆ©s. Le nombre de personnes bĆ©nĆ©ficiant d’une prophylaxie prĆ©-exposition (PrEP) en AmĆ©rique latine a augmentĆ© de plus de 55 % depuis 2021, et 10 pays fourniront une PrEP aux personnes issues des populations clĆ©s en 2022. La ThaĆÆlande est en bonne voie pour atteindre les objectifs 95-95-95 et a intĆ©grĆ© avec succĆØs une rĆ©ponse Ć la stigmatisation et Ć la discrimination dans sa riposte nationale au VIH.
Leadership politique
Le rapport souligne que les ripostes au VIH sont couronnĆ©es de succĆØs lorsqu’elles s’appuient sur un leadership politique fort. Cela signifie qu’il faut suivre les donnĆ©es, la science et les preuves, s’attaquer aux inĆ©galitĆ©s qui freinent les progrĆØs, permettre aux communautĆ©s et aux organisations de la sociĆ©tĆ© civile de jouer leur rĆ“le essentiel dans la riposte et assurer un financement suffisant et durable.
Donner la prioritĆ© aux communautĆ©s et aux personnes, en s’appuyant sur un environnement juridique et des droits humains favorables
Les plus grandes avancĆ©es ont lieu dans les pays qui ont forgĆ© et maintenu un engagement politique fort pour donner la prioritĆ© aux personnes et investir suffisamment dans des stratĆ©gies qui ont fait leurs preuves. Ils ont donnĆ© la prioritĆ© Ć des approches inclusives qui respectent les droits humains et ont impliquĆ© les communautĆ©s touchĆ©es dans l’ensemble de la riposte au VIH. Ils ont agi pour supprimer ou dĆ©samorcer les facteurs sociĆ©taux et structurels qui mettent les personnes en danger et les empĆŖchent de protĆ©ger leur santĆ© et leur bien-ĆŖtre – notamment les lois et politiques criminalisantes, les inĆ©galitĆ©s entre les sexes et autres, la stigmatisation et la discrimination, et les violations des droits de l’homme.
Les progrĆØs de la riposte au VIH ont Ć©tĆ© renforcĆ©s en veillant Ć ce que les cadres juridiques et politiques ne portent pas atteinte aux droits humains, mais les rendent possibles et les protĆØgent. Plusieurs pays ont supprimĆ© des lois prĆ©judiciables en 2022 et 2023, dont cinq (Antigua-et-Barbuda, les Ćles Cook, la Barbade, Saint-Kitts-et-Nevis et Singapour) qui ont dĆ©pĆ©nalisĆ© les relations sexuelles entre personnes de mĆŖme sexe.
Fournir un engagement financier national fort
Les progrès ont été les plus importants dans les pays et les régions qui ont le plus investi financièrement, comme en Afrique orientale et australe où les nouvelles infections par le VIH ont été réduites de 57 % depuis 2010.
GrĆ¢ce au soutien et Ć l’investissement dans la lutte contre le SIDA chez les enfants, 82 % des femmes enceintes et allaitantes vivant avec le VIH dans le monde auront accĆØs Ć un traitement antirĆ©troviral en 2022, contre 46 % en 2010. Cela a permis de rĆ©duire de 58 % le nombre de nouvelles infections par le VIH chez les enfants entre 2010 et 2022, soit le chiffre le plus bas depuis les annĆ©es 1980.
Le nombre de personnes sous traitement antirétroviral dans le monde a presque quadruplé, passant de 7,7 millions en 2010 à 29,8 millions en 2022.
Tout n’est pas rose…
Les progrĆØs rĆ©alisĆ©s dans la lutte contre le SIDA constituent une avancĆ©e majeure en matiĆØre de santĆ© publique, en particulier en l’absence d’un vaccin capable de protĆ©ger contre l’infection ou d’un remĆØde. Mais dans un monde marquĆ© par des inĆ©galitĆ©s croisĆ©es, tout le monde n’en bĆ©nĆ©ficie pas encore.
L’Ć©radication du SIDA ne se fera pas automatiquement. En 2022, le SIDA a coĆ»tĆ© la vie Ć une personne toutes les minutes. Environ 9,2 millions de personnes n’ont toujours pas accĆØs Ć un traitement, dont 660 000 enfants vivant avec le VIH.
Les femmes et les jeunes filles sont toujours touchĆ©es de maniĆØre disproportionnĆ©e, en particulier en Afrique subsaharienne. Dans le monde, 4 000 jeunes femmes et filles ont Ć©tĆ© infectĆ©es par le VIH chaque semaine en 2022. Seuls 42 % des districts d’Afrique subsaharienne où l’incidence du VIH est supĆ©rieure Ć 0,3 % sont actuellement couverts par des programmes de prĆ©vention du VIH destinĆ©s aux adolescentes et aux jeunes femmes.
PrĆØs d’un quart (23 %) des nouvelles infections Ć VIH ont eu lieu en Asie et dans le Pacifique, où les nouvelles infections augmentent de maniĆØre alarmante dans certains pays. Les nouvelles infections continuent d’augmenter fortement en Europe de l’Est et en Asie centrale (hausse de 49 % depuis 2010) ainsi qu’au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (hausse de 61 % depuis 2010). Ces tendances sont principalement dues au manque de services de prĆ©vention du VIH pour les populations marginalisĆ©es et les populations clĆ©s, ainsi qu’aux obstacles posĆ©s par les lois rĆ©pressives et la discrimination sociale.
Parmi les obstacles au progrès, on peut citer le fossé croissant en matière de financement
En toile de fond de bon nombre des dĆ©fis qui restent Ć relever, le dĆ©ficit de financement de la riposte mondiale au VIH ne cesse de se creuser. En 2022, un total de 20,8 milliards de dollars (en dollars constants de 2019) Ć©tait disponible pour les programmes de lutte contre le VIH dans les pays Ć revenu faible et intermĆ©diaire, soit 2,6 % de moins qu’en 2021 et bien moins que les 29,3 milliards de dollars nĆ©cessaires d’ici Ć 2025 (Figure 3). AprĆØs avoir considĆ©rablement augmentĆ© au dĆ©but des annĆ©es 2010, le financement de la lutte contre le VIH est retombĆ© au mĆŖme niveau qu’en 2013.
Figure 3. Ressources disponibles pour la lutte contre le VIH dans les pays à revenu faible et intermédiaire, par source, 2010-2022 et objectif 2025
L’analyse de l’ONUSIDA montre que lĆ où le financement de la prĆ©vention du VIH a augmentĆ©, l’incidence du VIH a diminuĆ©. Ć l’heure actuelle, les rĆ©gions prĆ©sentant les dĆ©ficits de financement les plus importants – l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, ainsi que le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord – sont celles qui progressent le moins dans la lutte contre leur Ć©pidĆ©mie de VIH. Certains pays où l’incidence du VIH est en baisse, notamment la RĆ©publique dominicaine, l’Inde, le Kirghizstan et le Togo, consacrent entre 3 % et 16 % de leurs dĆ©penses de lutte contre le VIH Ć des programmes de prĆ©vention destinĆ©s aux populations clĆ©s. Il est absolument nĆ©cessaire d’augmenter le financement des programmes de prĆ©vention, en particulier pour les populations clĆ©s, et d’utiliser ces fonds de maniĆØre plus intelligente et optimale.
Le partenariat et le leadership sont essentiels
Selon l’ONUSIDA, la voie Ć suivre pour mettre fin au SIDA est claire. Nous avons une solution si nous suivons le leadership des pays qui ont forgĆ© un engagement politique fort pour donner la prioritĆ© aux personnes et investir dans des programmes de prĆ©vention et de traitement du VIH fondĆ©s sur des donnĆ©es probantes. Les Ć©lĆ©ments constitutifs d’une riposte efficace au SIDA sont le fruit de partenariats entre les pays, les communautĆ©s, les donateurs, y compris le Plan d’urgence du PrĆ©sident des Ćtats-Unis pour la lutte contre le SIDA (PEPFAR), le Fonds mondial et le secteur privĆ©.
Nous avons aujourd’hui la possibilitĆ© de mettre fin au SIDA en renforƧant la volontĆ© politique et en investissant dans une rĆ©ponse durable au VIH par le financement de ce qui compte le plus : la prĆ©vention et le traitement du VIH fondĆ©s sur des donnĆ©es probantes, l’intĆ©gration des systĆØmes de santĆ©, des lois non discriminatoires, l’Ć©galitĆ© entre les hommes et les femmes et des rĆ©seaux communautaires autonomes.
« Nous sommes pleins d’espoir, mais il ne s’agit pas de l’optimisme dĆ©contractĆ© que l’on pourrait avoir si tout allait comme il se doit. Il s’agit au contraire d’un espoir ancrĆ© dans la perspective d’une rĆ©ussite, qui dĆ©pend de l’actionĀ Ā», a dĆ©clarĆ© Winnie Byanyima, Directrice exĆ©cutive de l’ONUSIDA. Les faits et les chiffres prĆ©sentĆ©s dans ce rapport ne montrent pas qu’en tant que monde, nous sommes dĆ©jĆ sur la bonne voie, ils montrent que nous pouvons l’ĆŖtre. La voie Ć suivre est claire.
« La fin du SIDA est l’occasion pour les dirigeants d’aujourd’hui de laisser un hĆ©ritage d’une force exceptionnelleĀ Ā». « Les gĆ©nĆ©rations futures pourraient se souvenir d’eux comme de ceux qui ont mis un terme Ć la pandĆ©mie la plus meurtriĆØre du monde. Ils pourraient sauver des millions de vies et protĆ©ger la santĆ© de tous. Ils pourraient montrer ce que le leadership peut faireā.