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“L’OBSERVATOIRE EST L’ÉLÉMENT NOUVEAU DE CETTE SUBVENTION QUI VA NOUS PERMETTRE D’OFFRIR UN RECOURS AUX POPULATIONS DONT LES DROITS SONT BAFOUÉS”
OFM Edition 108

“L’OBSERVATOIRE EST L’ÉLÉMENT NOUVEAU DE CETTE SUBVENTION QUI VA NOUS PERMETTRE D’OFFRIR UN RECOURS AUX POPULATIONS DONT LES DROITS SONT BAFOUÉS”

Author:

Christelle Boulanger, Dr Dembele Bintou Keita, Malik Samassekou

Article Type:
Entretien

Article Number: 6

RÉSUMÉ Cet entretien fait suite au Forum Communautaire, qui s’est tenu à Bamako du 18 au 20 janvier 2021, et qui a réuni les acteurs de la société civile malienne engagés dans la lutte contre le VIH/Sida et la tuberculose, et les représentants des Observatoires de la région d’Afrique francophone. Le Dr Bintou Dembélé, Directrice Générale d’ARCAD Santé PLUS, et Malik Samassekou, Directeur du Plaidoyer d’ARCAD, reviennent sur les enjeux et les raisons de la création d’un Observatoire au Mali.

1. Pouvez-vous revenir sur la genèse de la création de cet Observatoire ?

Cet Observatoire est un vieux rêve que nous caressons depuis de nombreuses années. Nous avons commencé à travailler avec les groupes clés et vulnérables en 2006 et nous avons rapidement été confrontés à la question des droits des populations clés. Nous nous sommes rendu compte qu’on ne pouvait pas écarter cette question fondamentale car elle affecte également la prise en charge. Avec les années, nous avons développé quelques outils pour recenser les cas de violation des droits humains grâce à un premier financement de USAID. Une taskforce a été mise en place, composée de l’Association malienne des Droits de l’Homme, la plateforme des associations de défense des droits de l’homme, le Réseau des personnes vivant avec le VIH (PvVIH), celui des populations clés, et ARCAD. Cette alliance stratégique a duré pendant un an, elle a créé un cadre dans lequel les associations se réunissaient, examinaient les cas de violation des droits humains qui remontaient, formaient les associations à l’utilisation d’outils de collecte. Ces outils sont toujours disponibles dans les centres de santé sexuelle, mais nous n’avons pas un cadre systématique de collecte, triangulation et analyse des informations qui remontent.
Un Observatoire communautaire qui suivait les questions d’accès au traitement (en particulier le suivi des ruptures de stock) a également été mis en œuvre par le Réseau Malien des Personnes vivant avec le VIH (RMAP+) avec l’aide d’ITPC WA.
Ces deux expériences ont inspiré les discussions autour de l’actuel Observatoire et ont semé les graines.

2. Quels sont les questions cruciales sur lesquelles vous souhaitez orienter l’Observatoire ? 

L’Observatoire doit provoquer des changements, et à terme constituer une voie de recours pour les personnes que nous servons. Les principales difficultés auxquelles sont confrontées les populations sont :

  • Les barrières dans l’accès aux soins, qu’il s’agisse du VIH, de la TB, du paludisme ou des services de santé sexuelle. Nous connaissons les barrières les plus fréquentes (socio-culturelles, financières, géographiques, légales), mais l’Observatoire pourrait contribuer à faire émerger des obstacles que nous n’avons pas identifiés.
  • La stigmatisation, la discrimination des personnes vivant avec le VIH et la tuberculose. Les populations clés sont stigmatisées pour leur orientation sexuelle, leurs activités professionnelles ou en raison de leur addiction. Il nous semble indispensable que les groupes vulnérables puissent prendre la parole, sans avoir peur des représailles, et qu’ils trouvent des réponses à leur souffrance, ainsi que des voies de recours s’ils souhaitent porter plainte. C’est pourquoi nous souhaitons travailler en partenariat avec des institutions (cliniques juridiques, autres dispositifs étatiques ou des Nations Unies) qui s’investissent déjà dans la réparation des victimes.
  • La prise en compte des droits sexuels des jeunes filles : c’est un sujet tabou dans notre société, alors que nous savons que ces dernières sont sexuellement actives dès l‘adolescence. Par ailleurs, les abus sont nombreux, du harcèlement en milieu scolaire (de leurs congénères ou de la part des enseignants) à la violence sexuelle. Le cadre légal interdit les services de santé sexuelle et reproductive à des mineurs, et les jeunes essuient aussi souvent des refus car les services de planification familiale ne sont pas facilement accessibles pour les personnes qui y ont recours en dehors du mariage. Enfin, l’âge légal d’accès au test de dépistage du VIH demeure un problème, puisque les mineurs doivent demander le consentement d’un adulte.

3. La mise en place d’un Observatoire est délicate : quels sont les points auxquels vous serez particulièrement attentifs ?

D’abord nous ne perdrons jamais de vue que cet Observatoire doit en premier lieu contribuer à résoudre les problèmes diagnostiqués. C’est un organe qui documente les barrières et les manquements, mais il doit offrir une solution aux victimes, ce qui signifie que le volet résolution des problèmes, qui est l’un des plus difficiles pour un Observatoire, doit être fonctionnel. Nous discuterons des différentes solutions, depuis la médiation familiale, au partenariat avec une clinique juridique, la signature d’alliances stratégiques avec des partenaires qui travaillent de longue date dans la défense des droits humains.
Pour nous, il est évident que toutes les données recueilles doivent provoquer un changement à court et à moyen terme. L’un de nos avantages est notre expérience du plaidoyer en matière de défense des groupes clés, qui est, par ailleurs, un axe fort de la subvention au travers du module sur les droits et le genre. Il y aura un dialogue et une complémentarité entre les activités prévues pour protéger et défendre les droits des groupes vulnérables et des patients, et celles de l’Observatoire.
La qualité des données recueillies est bien entendu un sujet majeur de préoccupation : nous savons à quel point la fiabilité des informations que l’Observatoire va transmettre et sur laquelle il va fonder son plaidoyer est cruciale. Il nous faudra créer des outils solides pour recueillir l’information et mettre en place des circuits de triangulation convaincants, tout comme nous avons des protocoles d’intervention et de prise en charge auprès des populations avec lesquelles nous travaillons.
Nous portons également une attention toute particulière à la protection des victimes et des organisations qui vont rapporter des violations des droits des personnes. L’Observatoire offre une forme de protection, dans un contexte souvent hostile aux populations vulnérables et aux groupes clés, et qui nous met, nous les acteurs de terrain, en danger. Le fait que ces informations soient rapportées par une structure parapluie, ancrée dans des partenariats stratégiques et un dialogue de haut niveau avec les différents ministères et les pouvoirs publics, sera un gage de sécurité. Il est vrai que nous devrons gagner la confiance des pouvoir publics, ce qui est un défi puisque les observatoires relèvent les dysfonctionnements et demandent des comptes. Mais cette relation saine, fondée sur l’idée que l’Observatoire est mécanisme qui contribue à améliorer la qualité et l’accessibilité aux services de santé, sera au cœur de nos priorités.
Enfin, l’une des questions cruciales que les Observatoires de nos collègues de la région nous ont signalée est la fonctionnalité rapide du dispositif et sa pérennité. En effet, il nous faut identifier des dysfonctionnements et des violations, assurer un lien vers la réparation, et tout faire pour que ces difficultés se résorbent à long terme. Il nous faudra dépasser le stade de l’urgence et éviter les répétitions de la violence ou des ruptures d’intrants par exemple. Cela nous renvoie également au défi de travailler avec des structures de la société civile parfois fragiles et peu financées : comment les aider à grandir et à se renforcer, afin de garantir le sérieux des informations collectées et la pérennité de leurs actions ?

4. Au terme de cet entretien, comment décririez-vous l’Observatoire dans l’architecture plus large des efforts entrepris par le Mali et financés par le Fonds mondial, pour en finir avec les pandémies ?

Le fait que cet Observatoire soit inscrit dans la nouvelle subvention, et que nous soyons tous d’accord, acteurs de la société civile malienne, sur son utilité est une avancée remarquable et unique, le NFM2 ne comprenait aucune de ces activités. Ici au Mali, le contexte social et politique est complexe, la prise en charge des populations clés et vulnérables génère des problèmes qui n’ont pas pu être résolus, et auxquels nous nous confrontons depuis des décennies. Nous aurons à notre disposition un outil supplémentaire pour défendre les droits des personnes concernées.
L’Observatoire sera également une bonne mesure de l’apport du secteur communautaire (la qualité de ses interventions et leur disponibilité) puisque ce dernier est censé compléter l’offre classique du Ministère de la santé par des activités qui concourent à rendre ces services plus accessibles et adaptés. Nous espérons également que par ce biais, et grâce à la diffusion des informations recueillies et au plaidoyer, nous sensibiliserons un nombre croissant d’acteurs à la problématique de l’accès aux soins, et à la vulnérabilité de certains groupes. Au fur et à mesure que l’Observatoire trouvera une assise, il permettra aux groupes vulnérables et aux populations clés de s’exprimer sans se mettre en danger, et aux organisations qui les prennent en charge de défendre leurs droits en toute sécurité.

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