Subscribe To Our Newsletter
Abonnez-vous à notre bulletin
Il est temps de faire le point sur la politique du Fonds mondial relative aux contextes d’intervention difficiles.
OFM Edition 131

Il est temps de faire le point sur la politique du Fonds mondial relative aux contextes d’intervention difficiles.

Author:

Aidspan

Article Type:
COMMENTAIRE

Article Number: 2

Prendre l'initiative : les pays classés dans la catégorie des contextes d’intervention difficile apportent leur contribution à la politique régissant les flexibilités et les mesures de gestion des ri

RÉSUMÉ Les pays classés dans la catégorie des contextes d’intervention difficiles se sont réunis à Lomé les 22 et 23 juin pour examiner la politique du Fonds mondial sur les contextes d’intervention difficiles et discuter de son opérationnalisation dans les pays africains. De nombreux sujets de discussion ont été identifiés par les participants, et les conclusions de cette réunion ont permis aux acteurs pays de mieux comprendre cette politique, d'en identifier les limites afin de recommander des changements, et d'établir des feuilles de route pour sortir progressivement des mesures de sauvegarde complémentaires.

Introduction

Deux activités ont été lancées simultanément dans l’écosystème du Fonds mondial, toutes deux liées à la mise en œuvre des subventions du Fonds mondial dans le cadre de la politique relative aux environnements opérationnels difficiles (COE en anglais) : l’évaluation, commandée par le Groupe de référence pour l’évaluation technique (TERG), de la performance du Fonds mondial dans les pays relevant de la politique relative aux COE, et la réunion tenue les 22 et 23 juin, organisée par le Bureau de circonscription africain (BCA) à Lomé pour les représentants des pays francophones, également sur le thème des COE.

Les pays d’Afrique centrale et orientale se sont réunis pour analyser et faire des recommandations sur la politique relative aux COE.

La première session virtuelle s’est avérée très instructive quant à la manière dont les pays classés dans la catégorie des contextes d’intervention difficiles comprennent et perçoivent les caractéristiques d’une politique qui les concerne au premier chef. Pour la plupart, ils ont exprimé leur méconnaissance des dispositions et des principes qui sous-tendent cette politique, adoptée en 2016 par le Conseil d’administration du Fonds mondial. A cela s’ajoute une surinterprétation de son corollaire, qui inclut généralement (mais pas systématiquement) des mesures restrictives visant à atténuer le risque financier lié à la mauvaise gouvernance et à la gestion inappropriée des fonds.

Au cours de cette session préliminaire, la plupart des pays ont mentionné la politique de sauvegardes complémentaires PSA (Politiques de Sauvegarde Additionnelle)  qui se trouve dans le manuel des opérations.  Les mesures de sauvegardes vont de l’imposition d’un agent fiscal responsable de la vérification et de la validation de tous les engagements en amont des activités, aux procédures de demande d’avis de non-objection du Fonds mondial, en passant par les vérifications de l’agent local du Fonds (LFA).

La PSA est un ensemble de mesures que le Fonds mondial introduit chaque fois que “les systèmes existants pour garantir une utilisation responsable des financements du Fonds mondial suggèrent que les fonds du Fonds mondial pourraient être mis en danger sans l’utilisation de mesures supplémentaires”. Voici quelques exemples de critères permettant d’invoquer la PSA : préoccupations importantes en matière de gouvernance ; absence d’un processus transparent permettant d’identifier un large éventail de partenaires de mise en œuvre ; préoccupations importantes en matière de corruption ; absence généralisée de transparence dans la gestion de la chose publique ; conflit récent ou en cours dans le pays ou la région d’intervention ; instabilité politique ou absence de gouvernement opérationnel ; participation de la société civile peu développée ou insuffisante ; risques financiers tels que l’hyperinflation ou la dévaluation ; ou absence d’antécédents avérés en matière de gestion des fonds des donateurs.

Toutes ces mesures, bien que récemment assouplies (par exemple, la politique d’interdiction de la circulation de l’argent liquide – ou Zéro cash policy en anglais- n’est plus pratiquée et a été remplacée par des mesures telles que la circulation limitée de cash, le paiement par mobile money, qui évite l’utilisation d’argent liquide et permet de tracer les fonds), ont laissé des traces. Elles ont effectivement ralenti la mise en œuvre et posé des problèmes très concrets aux bénéficiaires pour la réalisation des activités et le paiement des prestataires. Elles ont également témoigné de la méfiance du Fonds mondial à l’égard des acteurs nationaux, de la suspicion d’intentions frauduleuses et d’une forme de ” mise sous tutelle ” des pays sous PSA.

Partenariat, innovation et flexibilité : les trois principes clés qui sous-tendent la politique COE

Ces dernières années, les conditions ont évolué et certaines mesures de sauvegarde ont été assouplies, voire ont disparu. De plus, s’il est certain que tous les pays placés sous mesures de sauvegarde sont, ou ont été, classés comme COE, la politique COE elle, ne se limite pas aux aspects de bonne gestion financière. Elle est même radicalement différente dans son esprit, puisque les trois principes qui la sous-tendent sont le partenariat, l’innovation et la flexibilité.

Comme c’est souvent le cas au Fonds mondial, il n’existe pas de définition claire de la signification de chacun de ces concepts.

L’innovation est, par définition, un concept qui doit être considéré dans son contexte et, en tant que tel, il est relatif. Ce qui est nouveau pour un contexte ne l’est pas nécessairement pour un autre, et l’innovation ne concerne pas seulement le modus operandi mais aussi de nouveaux sujets jamais abordés auparavant, de nouveaux acteurs ou de nouveaux partenariats. Dans une certaine mesure, cette notion chapeaute les deux autres principes de la politique du CE : le partenariat et la flexibilité.

Le partenariat est l’un des principes clés du Fonds mondial et n’est donc pas spécifique aux COE. Il est donc important de comprendre que le type de partenariat mentionné dans la politique vise à permettre de trouver des solutions dans des contextes où il existe de nombreux obstacles et goulots d’étranglement difficiles à éliminer.

Il en va de même pour la flexibilité car si le concept est clair – être réactif et adapté aux contextes – la traduction opérationnelle ne nous dit pas ce qui est considéré comme un délai raisonnable pour mettre en œuvre des mesures de flexibilité. Elle ne donne pas non plus d’exemples de ce qui pourrait être une mesure exceptionnelle par rapport à ce que le Fonds mondial autorise dans une mise en œuvre classique.

Les représentants des COE présents à la première réunion virtuelle se sont dit surpris par la suggestion selon laquelle une feuille de route visant à sortir des mesures de sauvegarde complémentaires est désormais possible. Aucune discussion n’avait eu lieu dans ce sens entre les équipes pays du Fonds mondial et les instances de coordination nationales (CCM), et aucun des bénéficiaires principaux (BP) ou des représentants des CCM présents n’a été en mesure d’indiquer des mesures d’assouplissement qui permettraient une sortie, même progressive, des PSA.

L’autre observation des pays concerne la négociation des mesures de flexibilité. Les représentants des pays ont reconnu qu’ils n’étaient pas toujours en mesure de nommer les mesures de flexibilité mises en œuvre dans leur pays, et qu’ils ne savaient pas à quel niveau les discussions sur les mesures de flexibilité avaient lieu. L’initiative revient aux équipes pays, et les discussions ont généralement lieu avec les BP ou directement avec l’acteur qui fait l’objet ou est concerné par la mesure de flexibilité. Par exemple, dans le cas de partenariats spécifiques, comme celui entre le Fonds mondial et les organisations non gouvernementales (ONG) humanitaires, les discussions ont eu lieu avec les ONG pour définir le cadre de leurs interventions, leurs cibles et leurs rapports programmatiques et financiers, qui diffèrent de ceux habituellement exigés par le Fonds mondial.

Que peuvent attendre les pays classés COE de ces discussions ?

Un changement majeur ? Peut-être, si les représentants des COE parviennent à définir ce qu’ils veulent et le rôle qu’ils entendent jouer dans l’opérationnalisation de la politique COE à l’avenir. En effet, il existe différents niveaux de discussion et d’élaboration de stratégies. Les COE africains voudront-ils mandater leurs représentants au sein des comités et du conseil d’administration pour plaider et participer à une révision de la politique COE ? Avec quelles recommandations ? Quelles attentes peut-on placer dans une révision de la politique COE et quelle traduction concrète entrevoit-on pour la suite ?

En premier lieu, cette discussion est étroitement liée à celle concernant l’appétit pour le risque, dans un contexte où de nombreux pays ont vu leur situation politique, économique et sécuritaire se détériorer davantage. Citons à titre d’exemple le conflit qui dure depuis dix ans en Syrie, la guerre qui fait rage au Yémen et le chaos qui perdure en Afghanistan et en Irak. Au Sahel, les massacres de civils et les coups d’État ont affaibli les gouvernements, sur fond de terrorisme et de banditisme. En termes opérationnels, cela signifie une augmentation des besoins et des réponses humanitaires dans des contextes où les opérations sont dangereuses et risquées.

Ensuite, les pays doivent définir les processus qui peuvent les aider à obtenir des mesures de flexibilité. Souhaitent-ils prendre l’initiative ? Quels devraient être les acteurs impliqués dans la discussion ? S’agit-il d’impliquer des acteurs en amont, aujourd’hui peu présents, comme le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR), le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP) qui coordonne le sous-groupe “Violence basée sur le genre”, et/ou le Bureau des Affaires Humanitaires des Nations Unies (OCHA) ? D’autre part, comment les pays s’affranchissent-ils de procédures lourdes qui ne garantissent pas nécessairement la bonne gestion des fonds mais peuvent retarder considérablement la mise en œuvre des programmes ? Quand et sous quelle forme les acteurs des pays seront-ils impliqués dans ces discussions spécifiques sur les mesures de gestion des risques ? Ils sont actuellement exclus de ces discussions, alors qu’ils sont les premiers concernés.

Enfin, pour reprendre une expression déjà connue, les pays vont entamer des discussions sur le ” choc de simplification ” qui devrait permettre aux acteurs de mise en œuvre, mais aussi aux équipes pays du Fonds mondial, de se concentrer sur une mise en œuvre plus souple et rapide. Cette ” simplification ” vise à remédier aux ” normes trop compliquées et aux lois inutiles “. Pour les pays classés COE, elle comprendra un examen de toutes les mesures de gestion des risques afin de s’assurer que seuls les outils les plus efficaces sont retenus, car comme l’a dit un participant, “trop de contrôle tue le contrôle”. Cela permettra également de libérer l’espace mental pour développer des solutions sans craindre les processus de validation longs et lourds qui dissuadent souvent les équipes d’introduire des mesures de flexibilité.

Conclusion

À Lomé, les pays COE ont dû décider de la direction qu’ils souhaitaient prendre sur la route de la mise en œuvre. Voulaient-ils continuer à occuper le siège arrière de la voiture ? Ce siège laisse peu de visibilité sur la route, et peu de pouvoir pour décider de la route à prendre, l’initiative étant entre les mains du PR et/ou de l’équipe pays.

Voulaient-ils être sur le siège du copilote ? Ce siège offre une meilleure visibilité, mais si le conducteur fait une erreur, c’est le passager avant qui est le plus exposé, s’où son nom de “siège du mort”. Dans le langage du Fonds mondial, cela signifie que si le bénéficiaire principal commet une erreur ou prend trop de risques, c’est le pays qui doit payer la facture, à la fois en remboursant les dépenses inéligibles et en imposant de nouvelles mesures de gestion des risques. Enfin, les pays pouvaient décider d’être les pilotes, et pour ce faire, étudier la carte, choisir un itinéraire et s’assurer que leur véhicule est équipé, sûr et capable d’effectuer le voyage tant attendu. Les recommandations et les décisions nous font penser que c’est ce siège de pilote qu’ils ont choisi de briguer.

L’échange de pratiques entre COE s’est avéré très fructueux : les représentants des PR ont constaté que les mesures de flexibilité varient beaucoup d’un pays à l’autre, mais qu’elles répondent le plus souvent à des problèmes et des goulots d’étranglement communs rencontrés un peu partout : comment rémunérer les prestataires et les activités dans les zones difficiles d’accès ? Quel cadre de collaboration peut-on négocier avec les agences de l’ONU et les ONG humanitaires pour la fourniture de services dans les zones de grande insécurité où l’État n’intervient plus ? Comment mieux collaborer avec les organisations communautaires pour vérifier les activités dans les zones où les contrôles ponctuels ne sont plus envisageables ? Chaque pays a présenté les mesures qui ont été mises en place dans le cadre de la subvention et a analysé les résultats et la valeur ajoutée.

Par ailleurs, les participants ont discuté des difficultés liées aux procédures de gestion des risques, parfois jugées trop inefficientes au vu des résultats obtenus. Des pistes pour réduire la charge de ces mesures ont été esquissées, et un changement dans le déséquilibre actuel du pouvoir entre les acteurs de la gestion des risques et les acteurs de mise en œuvre a été demandé.

Une feuille de route et une Déclaration sont sorties de cette réunion si riche en contenu. Pour les 12 prochains mois, et sous la direction du Bureau de la circonscription africaine, les 13 pays présents se sont engagés à faire évoluer la politique COE, le cadre de mise en œuvre et la dynamique actuelle qui donne aux équipes pays l’initiative de proposer des mesures de flexibilité, afin que cette initiative soit partagée avec les acteurs nationaux pour une meilleure appropriation et un meilleur leadership.

Leave a Reply

Your email address will not be published.

Aidspan

Categories*

Loading
Aidspan

Categories*

Loading